• 293 m

    Du feu éclate sur ma droite, je bondis entre les flammes voraces et me ramasse, hors d'haleine, sur une autre toiture gondolée. Je perçois de vrombissement d'une turbine folle. Je ne relève pas la tête, je cours encore. Il n'y a qu'une seule issue à cette fuite éperdue, c'est le Canal Baltique.
    Mais je ne peux pas l'atteindre, pas encore. Il faut d'abord que je retrouve mes perceptions. Trompées, engourdies par le Canabalt. J'ai tout oublié, jusqu'aux jeux de lumière. Je dois retrouver mes repères.

    Le Rouge en premier. Car c'est la couleur majoritaire. C'est celle qui coule dans nos veines et qui nous donne l'ardeur.

    Je fonce délibérément au travers d'une autre fenêtre et bouscule un bureau qui se renverse sous le choc. Le rouge, le rouge.
    Sur le côté il y a un extincteur que j'attrape au vol. Serrant fort le bidon contre moi, je dépasse en trombe un standard téléphonique qui carillonne comme mille diables. Je grimpe quelques marches et enfonce la porte d'un solide coup d'épaule.

    La sueur inonde mes omoplates, je serre les fesses et saute dans le vide. Le toit est beaucoup plus bas cette fois mais je vais y arriver. La réception est rude, je roule sur le côté et manque de me fendre le crâne sur une évacuation en cuivre.  Lucie m'a prévenu qu'ils me tomberaient dessus, il n'y a pas de temps à perdre. Les boucleurs. Les boucleurs déments. J'entends déjà le rugissement de leurs moteurs fou furieux, portés au rouge par leur puissance démesurée.
    Maladroit à force d'être trop empressé, j'arrache la goupille de l'extincteur et presse la gâchette. Un nuage de carbonite m'enveloppe dans son étreinte froide. Je fais tourner le canon tout autour de moi, je me noie dans cette neige jusqu'à en perdre le contact visuel avec le ciel. Puis je me recroqueville, je me fais tout petit au milieu de ce coton vaporeux. Des courants d'air dispersent déjà ma coquille volatile mais je ne bouge pas. Je ferme les yeux et m'enfonce les ongles dans les paumes.
    Des chocs répétés ébranlent le sol autour de moi, je m'affale comme un enfant désarticulé. Le béton se craquèlent, le bâtiment va s'effondrer !
    Je me redresse d'un bond, le souffle court. La carène brûlée du boucleur fou est compressée à quelques pas de moi. Irradiante de chaleur même à cette distance. Vu la puissance de l'impact, rien n'en sortira. Du moins je crois. Alors je prends mon élan et bondis par-dessus.
    D'autres vont tomber, je ne pourrais pas tous les leurrer. Mais je peux essayer. Parce qu'il faut lutter. Il faut résister. Voir rouge. Il y a un espoir. Il est encore possible de déjouer le Canabalt.

     

    Canal BaltiqueCanal Baltique 

     

     

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