• 369 m

     

    Je passe sur une passerelle métallique, descend quelques marches et pénètre dans un autre immeuble. Il y a une fontaine en bronze au milieu de la pièce. Vieillie, usée par les ruissellements et la patine. Je contourne l'obstacle, franchis une double porte en verre et pénètre dans une petite courette ouverte sur le ciel.
    Au fond il y a une autre photocopieuse. Celle-ci ne crache pas de papier. Elle est assoupie, le voyant rouge clignote rapidement. Peut-être qu'il n'y a plus d'encre. Malheureusement, aucun changement de cartouche n'est prévu avant la semaine 32.

    - Tu as déjoué les boucleurs.
    - Lucie ?
    - Il fallait que tu sois encore plus enragé qu'eux…
    - Il suffisait de ne pas avoir peur. Il fallait surmonter l'angoisse et sauter l'obstacle.
    - Non tu as tort. Ce n'est pas ça. C'est normal de ne pas avoir peur.
    - Comment ça ?
    - Tu ne comprends pas ? C'est le Canabalt qui t'empêche d'avoir peur. Il empêche aussi ta rage de s'exprimer. C'est pour ça que personne n'échappe aux boucleurs. On ne ressent pas la menace, on se contente de foncer dedans et il est déjà trop tard.
    - Qu'est ce que tu en sais ?! Tu n'es qu'une photocopieuse !

    Un silence blessé me répond. Je tente vainement de m'excuser mais je n'y arrive pas. Peut-être que le Canabalt… Non, c'est idiot. Je suis un idiot de discuter avec une boite en métal. Et maintenant je dois courir à nouveau.
    Je ne sais pas comment Lucie fait pour se déplacer. Peut-être en utilisant l'électricité. Elle se propage simplement d'une machine à l'autre. Est-ce qu'elle va me suivre jusqu'au Canal Baltique ?

    Derrière la courette, il y a un autre escalier, puis le couloir et une porte donnant sur les toits. Me revoilà dehors dans les feux des projecteurs. Des vaisseaux sillonnent le ciel, les réacteurs relâchent leurs traînées de combustion théloique dans leur sillage. L'odeur est suffocante, la chaleur étourdissante, les oiseaux ont tous disparu.
    Je saute vers le toit suivant et m'efforce de reprendre mon rythme. J'imprime ma hargne dans mes veines. Les lois de la robotique ne peuvent rien contre mon obstination toute humaine. La fatigue s'efface devant la colère, les crampes se débloquent. Je m'éponge le front d'un revers de cette manche lacérée. Ma coupe de cheveux est ruinée.

      

    Canal BaltiqueCanal Baltique 

     

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