• Quatrième Fragment :

    Quintus éclata de rire lorsque les deux religieux-combattants firent le même constat que lui. Il neigeait à l'intérieur du bâtiment ! Profitant de la brève confusion, il sauta au bas de la table et percuta sans ménagement le Prieur. Celui-ci alla valdinguer contre une étagère dont il renversa le contenu. Les pots tombèrent au sol, libérant des poudres et des insectes qui se mirent à farfouiller en tous sens. Le Gardien cria. Son poing heurta durement l'épaule de Quintus. Celui-ci fit un pas de coté et envoya un coup de genou dans les côtes de son adversaire. Il recula pour éviter l'attaque suivante mais ne fut pas assez rapide. Encore une fois trompé par l'habit du moine, il n'anticipa pas la vitesse de récupération du lourdaud. Il en fut punit par un sévère coup de pied sur la cuisse qui le fit trébucher. Il ne fallait pas engager un corps à corps ! Quintus roula sous la table, écrasant au passage quelques insectes grouillants dont les petits corps croustillèrent d'agonie. Le moine sauta au dessus de la table et plongea sur lui en lâchant un grognement.

    Quintus joignit ses pieds et fléchit les jambes pour repousser le gros. Il y eût un nouveau bruit de poterie brisée. Sans prendre le temps de regarder, il se releva et couru en direction de la porte, du jus d'insecte lui ruisselant dans le dos. Un impact violent sur le coté du crâne le fit s'affaler contre cette dernière. Encore de la poterie. Il cracha un mélange de bile et de sang. Quelque chose de gluant ruisselait le long de sa tempe. Pourquoi si près ?!

    Une main lui attrapa les cheveux pour mieux lui renvoyer la tête contre la porte. Aveuglé par un filet de sang qui lui coulait d'une coupure au front, Quintus chercha à tâtons à agripper quelque chose. Sa tête cogna à nouveau durement contre le bois. Sa vision s'assombrit. Il sentit alors sous des doigts un tissu rugueux. Dernière chance. Mobilisant toutes ses forces, il tira dessus à s'en déboîter l'épaule. Le moine fut projeté au dessus de lui et vint s'écraser à son tour contre la porte.

    - Ah ! Ah ! quel effet ça fait ?!

    Des cris résonnaient dans le couloir. Quintus se rejeta en arrière, chassant le sang de ses yeux d'un geste rapide. Il renversa la table pour séparer la pièce en deux. Accroupit derrière, il tenta d'appeler Quitorm. Rien à faire. Bon, il n'aurait de toute façon jamais pu l'invoquer aussi peu de temps après. Le Gardien se relevait déjà, furieux et assoiffé de violence. Sur le côté, le Prieur remuait faiblement. Quintus attrapa un quelconque pot et l'envoya au petit bonheur la chance. Le moine esquiva sans problème. Une poudre rose coula sur le sol. Le prisonnier cherchait une arme. Le Gardien n'en avait pas besoin. Soufflant comme un taureau, il fonça à travers les débris. Quintus sauta sur le rebord de la table renversée et tenta une manchette. Le moine lui agrippa le poignet et le tira vers lui. L'homme prit appui sur la table et accompagna le mouvement. Les deux lutteurs tombèrent rudement à terre.

    Quintus, plus léger et affranchi des encombrants vêtements fut le premier debout, il frappa du talon. Le moine lui tordit la cheville, arrachant un feulement rauque à son adversaire. Le prisonnier reçut alors un coup magistral dans les testicules. Une paire d'yeux gris embués de larmes s'ouvrit tout grand sur une souffrance insoupçonnée. Tout devint rouge.

    - … !!

    En tombant, il défonça un imposant bocal qui renfermait une sorte de gelée verdâtre, laquelle dégoulina un peu partout avec un bruit de succion. Poisseux, collant, décoré de divers morceaux d'insectes, Quintus se recroquevillait sur sa douleur intime. Alors le moine frappa. Aveuglé par la colère, il roua son adversaire de coups de poings avant de le projeter contre un mur à l'issue d'un magistral "plat de paume".
    Dans un coin, la gelée verte rencontra la poudre rose. La réaction fut spectaculaire et inattendue. Un éclair illumina la scène, aveuglant les deux combattants. Puis une étrange fumée jaune commença à emplir la pièce. Hormis la couleur peu commune, elle avait ceci de particulier qu'elle semblait s'accrocher aux moindres objets, les environnant d'une sorte de brume maladive. Haletant péniblement, Quintus roula dans le brouillard. Les jurons proférés par le Gardien le renseignaient sur sa position. Pour sa part, il gardait un silence prudent. Quelque chose le piqua au poignet avant de détaler dans la brume. Saletés…mais où est cette foutue porte ?
    L'homme rampait précautionneusement le long d'un plan de travail. Le moine ne faisait plus de bruit, cherchant sans doute lui aussi à repérer son adversaire à l'oreille. Le silence cotonneux imposé par le brouillard jaune n'était ponctué que par le crissement occasionnel des insectes.
    Le prisonnier sut alors qu'il était arrivé devant la porte lorsque ses doigts effleurèrent le bois grossier. Il fallait agir vite et bien. Prenant une grande inspiration, il se redressa d'un bond et se tendit à la recherche du loquet. Lorsque sa main droite se referma sur la poignée, il sentit un étau lui broyer le poignet. Quintus lâcha un juron du moyen âge en découvrant la face tavelée du Gardien à quelques pouces de lui.

    - Crétin, je connais bien mieux le monarquement que toi.

    Il se passa alors plusieurs choses assez confuses. Quintus mordit le nez du moine qui se mit à hurler comme un dément. Au même moment, une détonation ébranla les murs de la vieille bâtisse. Pour finir, quelque chose de lourd tomba sur les deux lutteurs dans un fracas de gonds arrachés et de bois gémissant. La porte était ouverte…enfin si l'on peut dire.

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