• Histoire dont on ne veut pas être le héros

    Page 1


    There is no knowledge that is no power

    - Et en argien ça donne quoi ?
    Tampo s'avance en cliquetant au milieu de ses colifichets d'ossements. Déchiffrant la stèle à voix haute, il conclue sa traduction d'un beau crachat noirâtre sur les pierres rouges.
    - "Bienvenue dans le royaume de la Mort."
    - Chiottes du mercredi ! Ca craint.


    Tanne-cuir est inquiet...ce n'est pas commun. Brigane lui retourne un regard appuyé sans autre commentaire. A leurs pieds, un sol écarlate s'étire comme une croûte de sang dans quatre directions. Le vent charrie un certain nombre d'odeurs qu'il ne vaut mieux pas chercher à identifier. Plus haut, le mouvement céleste se poursuit, diffusant un panel kaléidoscopique de couleurs criardes.

    - Capitaine ?
    - On se bouge, le ciel vire encore au violet,
    grommelle Brigane.

    Après la stèle poussiéreuse, le chemin s'enfile dans une étroite piste sablonneuse. Sur le coté, quelques vestiges de statues anciennes dépeignent des scènes étranges où des corps difformes se mélangent et s'assemblent pour engendrer d'autres monstruosités. En soit ce n'est ni répugnant ni effrayant...c'est juste moche.  On sent pourtant que le sculpteur a transpiré à chaudes gouttes pour tenter de leur donner un tour inquiétant. Faut être marbré. Tampo se fend d'un rire pervers en détaillant un accouplement particulièrement grotesque. Le vieux sorcier fait un mouvement obscène des hanches avant de filer le train à ses compagnons.

    Au détour d'un virage, une paire de gigantesques portes barre la route. Le trio ne manque pas de sourciller en remarquant qu'elles ne sont soutenues par aucune arche ni mur. Les robustes battants sont là. Posés triomphalement dans ce désert rouge au ciel changeant. Si vous décidez de franchir les portes allez à la page 26. Si vous préférez contourner l'obstacle, passez page 47.

    - page 26 ?
    - Evidement, on est pas venu là pour contourner. On fonce et on défonce.

    Tanne-cuir salue cette déclaration par un rictus sauvage. La perspective d'une baston bien juteuse lui réchauffe sans doute le coeur.


    Page 26


    Derrière les portes, le paysage continue, stable et immuable. Pourtant, une fois entrouvertes, elles révèlent un intérieur sombre aux relents de charogne...et de fraise des bois. Derrière le perron, une série de vieilles dalles grises propose une petite balade dans une cave voûtée et humide. Pas question d'hésiter, le temps est compté. Les battants grincent et –comme il est de coutume dans ce genre d'endroit- se referment tranquillement sur les talons des trois voyageurs.

    - Bordel, il fait plus noir ici que dans le cul d'un troll mutant.
    Si vous décidez d'allumer une torche, allez page 3. Si vous préférez activer un sortilège, direction page 81.
    - Tampo. Lumière !

    Page 81


    Le raisin sec édenté qui leur sert de sorcier claque des doigts. Un bruit de pet se fait entendre...suivi d'une lueur verdâtre plutôt faiblarde.

    - On peut rien te demander hein.

    Brigane se demande si c'était une bonne idée d'emmener ce sac d'os. Pourtant, la consigne était formelle, sans un adepte des arts noirs, ils n'auront aucune chance de récupérer le sablier du… machin-truc. Pas moyen de se rappeler le nom exact.
    L'éclairage douteux de Tampo révèle un couloir tortueux qui se perd dans l'obscurité. Un peu plus loin, un inévitable embranchement se profile dans les contours spectraux de la lueur qui émane du sorcier. Si vous décidez de descendre les escaliers sur la droite, rendez-vous page 33, si vous êtes équipés du manuel de théocratie sulfureuse, entonnez le rituel et allez page 13.

    - Hein ? C'est quoi cette merde. On a raté quelque chose ... capitaine ?
    - Du calme, du calme. C'est un leurre à la con. On continue par la gauche.
    - Mais on ne peut pas...
    - On s'en fou putain, qu'est ce que t'as à être frileux Tanne-cuir ?

    Page 43


    - Tu vois fallais pas s'affoler.
    - Heu...on est où là ?

    Le groupe s'immobilise dans ce qui semble être une grande salle. Du moins, c'est ce qu'on peut déduire dans les limites de l'aura du sorcier. A leurs cotés, l'éclaireur Harga palpe le sol de sa main experte.

    - Qui ça ??

    Harga se retourne avec un large sourire. Son regard de braise se coule –contemplatif mais un brin concupiscent- le long des reliefs avantageux d'attributs typiquement féminins. Douces courbures mises en valeur par l'entrelacement de lanières de cuir qui harnache la jeune fille.

    - Capitaine. Je n'avais pas encore remarqué que vous étiez une femme...
    - Olà ! Tampo bordel !


    Trop tard, Tanne Cuir fait déjà voltiger sa lourde massue. Harga esquive d'un bond et envoie son pied dans les gencives du colosse. D'un geste souple, il dégaine sa lame courte et se plie en deux. La masse cerclée de fer cogne brutalement contre les pierres, soulevant des éclats de roche qui s'éparpillent dans les airs. L'éclaireur, plus agile et plus souple parvient à éviter l'attaque barbaresque et saute en avant sous la garde du géant.

    - Vas- y étripe le ! Attrape le pour le vider !

    L'encouragement enrobé par la voix chaude d'une jeune femme sensuelle produit son petit effet. Le rouquin replie son avant bras devant lui. Son regard farouche brille d'un éclat flamboyant. D'un coup sec, sa main armée file dans un mouvement remontant de bas en haut. Le métal iridescent larde les protections de cuir et s'enfonce goulûment dans le bide du colosse. Tanne-Cuir lâche un hoquet et vomit un sang noir et épais. Sa langue jaillit comme un poisson mort lorsque son adversaire fouille ses entrailles avec sa dague ensorcelée. Le sang file en geyser abondant et putride. Couvert de cette substance répugnante, Harga met un genou terre et incline la tête, un bras devant lui et l'autre dans le dos.

    - Yes My Master !
    - Harga...


    Brigane place ses mains de chaque coté du visage du jeune éclaireur pour le relever. Son coeur bat plus fort et elle se sent étrangement réceptive à sa virilité juvénile. Sans doute le sang qui macule ses vêtements ajoute-il un certain charme sauvage. Si vous décidez de lui rouler une pelle, allez page 33, sinon, tournez la page.
    Relevant la visière de son casque, la jeune femme dévoile sa dentition parfaite dans un sourire enjôleur. Ses lèvres se rapprochent...

    - Attendez capitaine. C'est un piège.
    Tampo s'interpose entre les deux tourtereaux. Ses doigts osseux agrippent l'épaule cuirassée de son supérieur.
    - Quoi ?
    - La page 33...on l'a déjà eu plus haut.
    - Merde t'as raison. Quelqu'un essaie de nous ramener dans le fil du récit.

    - Il y a probablement un Naran Arteur à l'oeuvre ici. Gardons les yeux ouverts et la poudre bien au sec.

    Ce n'est pas très malin de la part du sorcier de prononcer à voix haute le nom d'une créature aussi puissante. Le groupe ne fait pas cinq pas qu'un bruit ondoyant se fait entendre.
    - Merde ! Eclipse la nuit et cogne le ruban des étoiles. Cinq pointes se dressent et retournent dans la main qui les a guidé. Entonne...
    Mais les invocations du sorcier restent sans effet. Le vieillard s'échine en vain à en suer des larmes de sang. Déjà, son coeur commence à se ratatiner sous l'effet des forces qu'il tente de contraindre inutilement.
    - Tu mens !
     Le sol se met à trembler, jetant à terre les trois compagnons. La vieille pomme ridée du sorcier se convulse sous l'effort. Les aiguilles de son costume ne sont plus aussi fringantes qu'avant et ses tatouages se mettent à couler comme s'ils étaient fait d'une encre bon marché.

    - Qu'est ce qu'il se passe putain ?
    - Un Naran ! Un Naran !
    - Je ne comprends pas...

    Ce qui est bien le but d'ailleurs
    - Il veut me sortir...attention je vais...
    N'y compte même pas pauvre niais. Je suis ton créateur, tu ne peux rien contre moi.
    - Je vais prendre le contrôle de cette histoire de fou.

    Amusant...et comment comptes-tu t'y prendre ? Il me suffit de claquer des doigts pour te briser la colonne vertébrale. Tu es mon personnage et je suis ton dieu, ton âme et ton souffle. Je suis chacune des gouttes de sang qui parcourent tes veines. Je suis aussi la langue avec laquelle tu tentes de me défier. Regarde...
    - Poatrache du poech chell
    Alors on a du mal à parler ? Tiens...attrape ça, j'ai une ligne de narration spéciale pour toi.

    Le vieux sorcier se raidit soudainement. Quelque chose vient de s'insinuer en lui. Comme un grouillement frénétique qui lui remonte le long des tripes. Une légion de fourmis voraces lui serait-elle entrée par le cul ? La douleur explose derrière ses prunelles.
    - ... mais il s'en ... remet aussi soudainement.
    QUOI ! C'est pitoyable. Aucun sens de la métrique, aucun style. C'est nul ! Tu ne vas pas t'en tirer comme ça.
    - Pourtant, aussi impossible que ce soit, le duel bascule. Plus assuré, Tampo se loge dans les coulisses du marionnettiste et attrape les fils. Mobilisant toutes ses forces, il boucle ses poings et muselle la voix de Naran pour imposer la sienne à la place.
    ...grumph. Mais son cerveau explosa d'un coup sans autres fioritures qu'un jet de lumière s'évaporant dans le néant et quelques projections de matière grise sur les cotés.

    Mindrot



    Navrant d'en arriver là...mais c'est fait. Retournons à la page 33 où il se passe quelque chose.

    Page 33


    Désormais livrés à eux même dans ce piège labyrinthique Harga et Brigane arpentent un tapis de mousse aux reflets incertains. La lumière de la pièce leur donne l'impression d'être filtrée par une grande quantité d'eau...comme un fond sous-marin. Les faibles bruissements de l'air contribuent à rafraîchir agréablement l'atmosphère.
    Au fond, une nouvelle porte. Pour l'ouvrir, allez à la page 666.
    - 666...Ca ne me dit rien qui vaille.
    - Pas le choix. On y va, vaille que vaille.


    Avant de s'embarquer là dedans, Brigane dégaine son sabre psionique et enclenche une cellule de plasma dans la crosse. Harga ouvre un oeil rond.
    - Uh ?
    - T'occupe, ça existe pas encore. Cadeau du Naran pour compenser la perte de Tampo.


    Page 666


    Elle est là, intemporelle et audacieuse. Un visage féminin d'une perfection inhumaine enchâssé sur un support métallique duquel partent des faisceaux de câbles électriques qui s'enfuient dans l'obscurité. Harga tapote son épaulière pour raviver sa torche. L'ampoule grésille faiblement avant de projeter une lumière vive sur la scène.

    - Tu vois, toi aussi...
    - Ah oui tiens.

    La déesse mécanique contemple les deux nouveaux venus sans rien dire. Son masque lisse ne s'anime qu'au niveau des fentes oculaires pour révéler l'éclat glacé d'optiques numériques. Silencieuse sans sourcils, la machine observe, analyse et compulse ses données. Seul le faible grésillement des cervo-moteurs témoigne de son activité.
    Brigane s'agenouille et abaisse sa visière pour engager les données de matrice. Des colonnes de chiffres glissent devant son regard clair. Du bout de ses doigts meurtris, elle soulève un capot au pied de la machine et se met à pianoter sur une console.

    - Harga, branche toi sur les auxiliaires.
    - C'est quoi ?

    L'éclaireur est toujours bouche bée. Sa lumière est toujours braquée sur ce visage sans expression. En dessous, une inscription pour le moins obscure lui révèle ce qui est sans doute le nom de l'assemblage : F4-UCH-3US3
    - Pas quoi mais qui. C'est quelqu'un.
    - Et...

    Brigane se redresse souplement et pose une main tendre sur la joue de son compagnon. Elle lui sert un de ses plus charmants sourire avant de se remettre au travail. Le jeune homme se gratte la nuque avec incertitude. Il se sent un peu dépassé là. Quelque chose de menaçant émane de la construction qui leur fait face. Pivotant, il balaye les alentours pour tenter de comprendre. Il ne tarde pas à repérer la série de lames articulées qui lui renvoient des reflets tranchants. Qui que ce soit, la F4-UCH-3US3 sait se défendre.

    - J'ai la fréquence. Bouge toi !

    Harga sursaute, attrape une bride de connexion et la boucle sur sa broche d'avant bras. Dans sa hâte, il en oublie d'activer son pare-feu. Le hurlement strident qu'il pousse arrache Brigane à sa tâche. Trop tard pour réagir, un parasite est déjà à l'oeuvre, grignotant par petites bouchées tranquilles le cerveau du jeune pisteur. Impuissante, Brigane se mord les lèvres pour ne pas crier. Elle ne peut qu'assister à la dégradation de son compagnon. Heureusement, le processus est rapide. Un liquide bleuté s'écoule de sa bouche, de son nez et de ses yeux révulsés. Puis dans un grand frisson, il s'affale au sol, secoué par une série d'éclairs crépitants. Sa carte mère est grillée...c'est fini pour lui.

    Brigane se reprend en muselant la petite voix qui la conjure de prendre ses jambes à son cou. Elle entrouvre légèrement le col de sa combinaison. Tous ces morts si soudains...cette atmosphère si changeante...elle commence à perdre pied mais s'agrippe à sa mission. Du pouce, elle enclenche les micros de son casque. Les données s'injectent.

    >>> Ici le capitaine astro-spatial Brigane Cendrecoeur. En mission sur Pyro IV. Je requiers une connexion avec un pontife de la Mort.
    >>> Je suis un module d'extension de la Faucheuse, je vous reçois parfaitement capitaine. Que puis-je faire pour vous ?
    >>> Bon sang pour venir vous voir il faut être persévérant. Ce monde n'est qu'un vaste délire.
    >>> On n'accuse pas le miroir de refléter ses pensées. Que puis-je faire pour vous ?
    >>> Je suis ici pour arrêter le temps.
    >>> Précisez votre requête.
    >>> L'apocalypse s'annonce. Je dois récupérer le Sablier de la Mort (ah oui voilà...c'était pourtant simple à retenir) pour tout arrêter. En figeant l'instant. Comme ça nous vivrons dans la dernière seconde pour l'éternité.
    >>> L'éternité... c'est plutôt long.
    >>> Je n'aurais jamais pensé trouver un gramme de sens de l'humour dans une foutue machine dévolue à la moisson des âmes.
    >>> On y trouve ce qu'on y apporte.
    >>> Bon, je n'ai pas de temps à perdre, il doit en rester à peine cinq minutes.
    >>> Je vois. Quoiqu'il en soit, le Sablier n'est pas disponible en ce moment. Mais peut-être préféreriez vous un autre article.
    >>> Et merde !
    >>> Je peux vous proposer de boucler les dernières minutes pour en faire un cycle fermé. En utilisant l'énergie du temps restant, je peux incrémenter un retour sans fin et ...
    >>> Ca nous tirerait d'affaire ?
    >>> En un sens oui, ça serait une éternité de très bonne qualité. Aucune perte de temps.
    >>> Pas le choix, je suis à court. Je prends.
    >>> C'est noté...on se revoit tout à l'heure alors.
    >>> Comment ??
    >>> Mort ou Folie, il faut choisir. Terminé.
    Plip Connexion Perdue.

    Rendez vous Page 1

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    There is no knowledge that is no power

     

    - Et en argien ça donne quoi ?

    Tampo s'avance en cliquetant au milieu de ses colifichets d'ossements. Déchiffrant la stèle à voix haute, il conclue sa traduction d'un beau crachat noirâtre sur les pierres rouges.

    - "Bienvenue dans le royaume de la Mort."

    - Chiottes du mercredi ! Ca craint.

     

    Tanne-cuir est inquiet...ce n'est pas commun. Brigane lui retourne un regard appuyé sans autre commentaire. A leurs pieds, un sol écarlate s'étire comme une croûte de sang dans quatre directions. Le vent charrie un certain nombre d'odeurs qu'il ne vaut mieux pas chercher à identifier. Plus haut, le mouvement céleste se poursuit, diffusant un panel kaléidoscopique de couleurs criardes.

     

    - Capitaine ?

    - On se bouge, le ciel vire encore au violet, grommelle Brigane.

     

    Après la stèle poussiéreuse, le chemin s'enfile dans une étroite piste sablonneuse. Sur le coté, quelques vestiges de statues anciennes dépeignent des scènes étranges où des corps difformes se mélangent et s'assemblent pour engendrer d'autres monstruosités. En soit ce n'est ni répugnant ni effrayant...c'est juste moche.  On sent pourtant que le sculpteur a transpiré à chaudes gouttes pour tenter de leur donner un tour inquiétant. Faut être marbré. Tampo se fend d'un rire pervers en détaillant un accouplement particulièrement grotesque. Le vieux sorcier fait un mouvement obscène des hanches avant de filer le train à ses compagnons.

     

    Au détour d'un virage, une paire de gigantesques portes barre la route. Le trio ne manque pas de sourciller en remarquant qu'elles ne sont soutenues par aucune arche ni mur. Les robustes battants sont là. Posés triomphalement dans ce désert rouge au ciel changeant. Si vous décidez de franchir les portes allez à la page 26. Si vous préférez contourner l'obstacle, passez page 47.

     

    - page 26 ?

    - Evidement, on est pas venu là pour contourner. On fonce et on défonce.

     

    Tanne-cuir salue cette déclaration par un rictus sauvage. La perspective d'une baston bien juteuse lui réchauffe sans doute le coeur.

     

    Page 26

     

    Derrière les portes, le paysage continue, stable et immuable. Pourtant, une fois entrouvertes, elles révèlent un intérieur sombre aux relents de charogne...et de fraise des bois. Derrière le perron, une série de vieilles dalles grises propose une petite balade dans une cave voûtée et humide. Pas question d'hésiter, le temps est compté. Les battants grincent et –comme il est de coutume dans ce genre d'endroit- se referment tranquillement sur les talons des trois voyageurs.

     

    - Bordel, il fait plus noir ici que dans le cul d'un troll mutant.

    Si vous décidez d'allumer une torche, allez page 3. Si vous préférez activer un sortilège, direction page 81.

     

    - Tampo. Lumière !

    Page 81

     

    Le raisin sec édenté qui leur sert de sorcier claque des doigts. Un bruit de pet se fait entendre...suivi d'une lueur verdâtre plutôt faiblarde.

     

    - On peut rien te demander hein.

     

    Brigane se demande si c'était une bonne idée d'emmener ce sac d'os. Pourtant, la consigne était formelle, sans un adepte des arts noirs, ils n'auront aucune chance de récupérer le sablier du machin-truc. Pas moyen de se rappeler le nom.

     

    L'éclairage douteux de Tampo révèle un couloir tortueux qui se perd dans l'obscurité. Un peu plus loin, un inévitable embranchement se profile dans les contours spectraux de la lueur qui émane du sorcier. Si vous décidez de descendre les escaliers sur la droite, rendez-vous page 33, si vous êtes équipés du manuel de théocratie sulfureuse, entonnez le rituel et allez page 13.

     

    - Hein ? C'est quoi cette merde. On a raté quelque chose ... capitaine ?

    - Du calme, du calme. C'est un leurre à la con. On continue par la gauche.

    - Mais on ne peut pas...

    - On s'en fou putain, qu'est ce que t'as à être frileux Tanne-cuir ?

     

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    - Tu vois fallais pas s'affoler.

    - Heu...on est où là ?

     

    Le groupe s'immobilise dans ce qui semble être une grande salle. Du moins, c'est ce qu'on peut déduire dans les limites de l'aura du sorcier. A leurs cotés, l'éclaireur Harga palpe le sol de sa main experte.

     

    - Qui ça ?

     

    Harga se retourne avec un large sourire. Son regard de braise se coule –contemplatif mais un brin concupiscent- le long des reliefs avantageux d'attributs typiquement féminins. Douces courbures mises en valeur par l'entrelacement de lanières de cuir qui harnache la jeune fille.

     

    - Capitaine. Je n'avais pas encore remarqué que vous étiez une femme...

    - Olà ! Tampo bordel !

     

    Trop tard, Tanne Cuir fait déjà voltiger sa lourde massue. Harga esquive d'un bond et envoie son pied dans les gencives du colosse. D'un geste souple, il dégaine sa lame courte et se plie en deux. La masse cerclée de fer cogne brutalement contre les pierres, soulevant des éclats de roche qui s'éparpillent dans les airs. L'éclaireur, plus agile et plus souple parvient à éviter l'attaque barbaresque et saute en avant sous la garde du géant.

     

    - Vas- y étripe le ! Attrape le pour le vider !

     

    Difficile de savoir qui a crié avec cette voix de jeune pucelle...Néanmoins l'encouragement produit son petit effet. Le jeune rouquin replie son avant bras devant lui. Son regard farouche brille d'un éclat flamboyant. D'un coup sec, sa main armée file dans un mouvement remontant de bas en haut. Le métal iridescent larde les protections de cuir et s'enfonce goulûment dans le bide du colosse. Tanne-Cuir lâche un hoquet et vomit un sang noir et épais. Sa langue jaillit comme un poisson mort lorsque son adversaire fouille ses entrailles avec sa dague ensorcelée. Le sang file en geyser abondant et putride. Couvert de cette substance répugnante, Harga met un genou terre et incline la tête, un bras devant lui et l'autre dans le dos.

     

    - Yes My Master !

    - Harga...

     

    Brigane place ses mains de chaque coté du visage du jeune éclaireur pour le relever. Son coeur bat plus fort et elle se sent étrangement réceptive à sa virilité juvénile. Sans doute le sang qui macule ses vêtements ajoute-il un certain charme sauvage. Si vous décidez de lui rouler une pelle, allez page 33, sinon, tournez la page.

     

    Relevant la visière de son casque, la jeune femme dévoile sa dentition parfaite dans un sourire enjôleur. Ses lèvres se rapprochent...

     

    - Attendez capitaine. C'est un piège.

    Tampo s'interpose entre les deux tourtereaux. Ses doigts osseux agrippent l'épaule cuirassée de son supérieur.

    - Quoi ?

    - La page 33...on l'a déjà eu plus haut.

    - Merde t'as raison. Quelqu'un essaie de nous ramener dans le fil du récit.

    - Il y a probablement un Naran Arteur à l'oeuvre ici. Gardons les yeux ouverts et la poudre bien au sec.

     

    Ce n'est pas très malin de la part du sorcier de prononcer à voix haute le nom d'une créature aussi puissante. Le groupe n'a pas fait cinq pas qu'un bruit ondoyant se fait entendre.

     

    - Merde ! Eclipse la nuit et cogne le ruban des étoiles. Cinq pointes se dressent et retournent dans la main qui les a guidé. Entonne...

     

    Mais les invocations du sorcier restent sans effet. Le vieillard s'échine en vain à en suer des larmes de sang. Déjà, son coeur commence à se ratatiner sous l'effet des forces qu'il tente de contraindre inutilement.

     

    - Tu mens !

     

    Le sol se met à trembler, jetant à terre les trois compagnons. La vieille pomme ridée du sorcier se convulse sous l'effort. Les aiguilles de son costume ne sont plus aussi fringantes qu'avant et ses tatouages se mettent à couler comme s'ils étaient fait d'une encre bon marché.

     

    - Qu'est ce qu'il se passe putain ?

    - Un Naran ! Un Naran !

    - Je ne comprends pas...

     

    Ce qui est bien le but d'ailleurs

    - Il veut me sortir...attention je vais...

     

    N'y compte même pas pauvre niais. Je suis ton créateur, tu ne peux rien contre moi.

    - Je vais prendre le contrôle de cette histoire de fou.

     

    Amusant...et comment comptes-tu t'y prendre ? Il me suffit de claquer des doigts pour te briser la colonne vertébrale. Tu es mon personnage et je suis ton dieu, ton âme et ton souffle. Je suis chacune des gouttes de sang qui parcourent tes veines. Je suis aussi la langue avec laquelle tu tentes de me défier. Regarde...

     

    - Tsugino-Maye

     

    Alors on a du mal à parler ? Tiens...attrape çà, j'ai une ligne de narration spéciale pour toi. Le vieux sorcier se raidit soudainement. Quelque chose vient de s'insinuer en lui. Comme un grouillement frénétique qui lui remonte le long des tripes. Une légions de fourmis voraces lui serait-elle entrée par le cul ? La douleur explose derrière ses prunelles.

     

    - ... mais il s'en ... remet aussi soudainement.

     

    QUOI ! C'est pitoyable. Aucun sens de la métrique, aucun style. C'est nul ! Tu ne vas pas t'en tirer comme ça.

     

    - Pourtant, aussi impossible que ce soit, le duel bascule. Plus assuré, Tampo se loge dans les coulisses du marionnettiste et attrape les fils. Mobilisant toutes ses forces, il boucle ses poings et muselle la voix de Naran pour imposer la sienne à la place.

     

    ...grumph. Mais son cerveau explosa d'un coup sans autres fioritures qu'un jet de lumière s'évaporant dans le néant et quelques projections de matière grise sur les cotés.

     

    [img]http://www.magiccorporation.com/scan/8th_edition/mind_rot.jpg[/img]

     

    Navrant d'en arriver là...mais c'est fait. Retournons à la page 33 où il se passe quelque chose.

     

    Page 33

     

    Désormais livrés à eux même dans ce piège labyrinthique Harga et Brigane arpentent un tapis de mousse aux reflets incertains. La lumière de la pièce leur donne l'impression d'être filtrée par une grande quantité d'eau...comme un fond sous-marin. Les faibles bruissements de l'air contribuent à rafraichir agréablement l'atmosphère.

     

    Au fond, une nouvelle porte. Pour l'ouvrir, allez à la page 666.

     

    - 666...Ca ne me dit rien qui vaille.

    - Pas le choix. On y va, vaille que vaille.

     

    Avant de s'embarquer là dedans, Brigane dégaine son sabre psionique et enclenche une cellule de plasma dans la crosse. Hagra ouvre un oeil rond.

     

    - Uh ?

    - T'occupe, ca existe pas encore. Cadeau du Naran pour compenser la perte de Tampo.

     

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    Elle est là, intemporelle et audacieuse. Un visage féminin d'une perfection inhumaine enchassé sur un support métallique duquel partent des faisceaux de cables électriques qui s'enfuient dans l'obscurité. Hagra tapote son épaulière pour raviver sa torche. L'ampoule grésille faiblement avant de projetter une lumière vive sur la scène.

     

    - Tu vois, toi aussi...

    - Ah oui tiens.

     

    La déesse mécanique contemple les deux nouveaux venus sans rien dire. Son masque lisse ne s'anime qu'au niveau des fentes occulaires pour réveler l'éclat glacé d'occulaires numériques. Silencieuse sans sourcils, la machine observe, analyse et compulse ses données. Seul le faible grésillement des cervo-moteurs témoigne de son activité.

     

    Brigane s'agenouille et abaisse sa visière pour engager les données de matrice. Des colonnes de chiffres glissent devant son regard clair. Du bout de ses doigts meurtris, elle soulève un capot au pied de la machine et se met à pianotter sur une console.

     

    - Hagra, branche toi sur les auxiliaires.

    - C'est quoi ? L'éclaireur est toujours bouche bée. Sa lumière est toujours braquée sur ce visage sans expression. En dessous, une inscription pour le moins obscure lui révèle ce qui est sans doute le nom de l'assemblage : F4-UCH-3US3

     

    - Pas quoi mais qui. C'est quelqu'un.

    - Et...

     

    Brigane se redresse souplement et pose une main tendre sur la joue de son compagnon. Elle lui sert un de ses plus charmants sourire avant de se remettre au travail. Le jeune homme se gratte la nuque avec incertitude. Il se sent un peu dépassé là. Quelque chose de menaçant émane de la construction qui leur fait face. Pivotant, il balaye les alentours pour tenter de comprendre. Il ne tarde pas a repèrer la série de lames articulées qui lui renvoient des reflets tranchants. Qui que ce soit, la F4-UCH-3US3 sait se défendre.

     

    - J'ai la fréquence. Bouge toi !

     

    Hargan sursaute et attrape une bride de connexion et la boucle sur sa broche d'avant bras. Dans sa hâte, il en oublie d'activer son pare-feu. Le hurlement strident qu'il pousse arrache Brigane à sa tâche. Trop tard pour réagir, un parasite est déjà à l'oeuvre, grignotant par petites bouchées tranquilles le cerveau du jeune pisteur. Impuissante, Brigane se mord les lèvres pour ne pas crier. Elle ne peut qu'assister à la dégradation de son compagnon. Heureusement, le processus est rapide. Un liquide bleuté s'écoule de sa bouche, de son nez et de ses yeux révulsés. Puis dans un grand frisson, il s'affale au sol, secoué par une série d'éclairs crépitants. Sa carte mère est grillée...c'est fini pour lui.

     

    Brigane se reprend en musellant la petite voix qui la conjure de prendre ses jambes à son cou. Elle ouvre légèrement le col de sa combinaison. Tous ces morts si soudains...cette atmosphère si changeante...elle commence à perdre pied mais s'aggripe à sa mission. Du pouce, elle enclenche les micros de son casque. Les données s'injectent.

     

    >>> Ici le capitaine astro-spacial Brigane Cendrecoeur. En mission sur Pyro IV. Je requiert une connexion avec un pontife de la Mort.

    >>> Je suis un module d'extension de la Faucheuse, je vous reçoit parfaitement capitaine. Que puis-je faire pour vous ?

    >>> Bon sang pour venir vous voir il faut être persévérant. Ce monde n'est qu'un vaste délire.

    >>> On n'accuse pas le miroir de reflèter ses pensées. Que puis-je faire pour vous ?

    >>> Je suis ici pour arrêter le temps.

    >>> Précisez votre requête.

    >>> L'apocalypse s'annonce. Je dois récupèrer le Sablier de la Mort (ah oui voilà...c'était poutant simple à retenir) pour tout arrêter. En figeant l'instant. Comme ça nous vivrons dans la dernière seconde pour l'éternité.

    >>> L'éternité... c'est plutôt long.

    >>> Je n'aurais jamais pensé trouver un gramme de sens de l'humour dans une foutue machine dévolue à la moisson des âmes.

    >>> On y trouve ce qu'on y apporte.

    >>> Bon, je n'ai pas de temps à perdre, il doit en rester à peine cinq minutes.

    >>> Je vois. Quoiqu'il en soit, le Sablier n'est pas disponible en ce moment. Mais peut-être préféreriez vous un autre article.

    >>> Et merde !

    >>> Je peux vous proposer de boucler les dernières minutes pour en faire un cycle fermé. En utilisant l'energie du temps restant, je peux incrémenter un retour sans fin et ...

    >>> Ca nous tirerait d'affaire ?

    >>> En un sens oui, ça serait une éternité de très bonne qualité. Aucune perte de temps.

    >>> Pas le choix, je suis à court. Je prends.

    >>> C'est noté...on se revoie tout à l'heure alors.

    >>> Comment ??

    >>> Mort ou Folie, il faut choisir. Terminé.

     

    Plip Connexion Perdue.

     

    Rendez vous Page 1

    « Chapitre 13 : Un peu de CalmeTrevor, des contrefaçons. »

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  • Commentaires

    1
    Sakutei Profil de Sakutei
    Vendredi 23 Octobre 2009 à 11:17
    Le thème était : La Folie et la Mort.

    J'ai écrit ce texte dans le cadre d'un duel qui a avorté il y a au moins 8 mois de ça. Je suis retombé dessus...et après quelques retouches, le voici !

    Il y avait quelques retrictions à respecter :
    - Introduire 5 personnages
    - Placer "Attrape le pour le vider" et "Silencieuse sans sourcils"
    - Insèrer une image de Magic the Gathring en lien avec le texte.

    Voilà ce que j'aurais présenté. Si vous n'avez pas tout compris c'est normal. Je me suis surtout fait plaisir xD.
    J'ai toujours voulu m'amuser avec une construction en forme "d'histoire dont vous êtes le héros". Et un duel entre le narrateur et ses personnages, c'est un truc qui me tentais depuis longtemps :]

    Sinon comme vous le voyez, peu de nouveaux textes dans ce fil en ce moment. Je suis en pleine ébullition sur Demi-Deuil et Coeur de Cendre où plusieurs chapitres ont été postés dernièrement. Je vous renvoie à la rubrique dédiée pour ceux qui n'aurait pas vu ^^.

    A plusse !
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