• Autoportrait de l'homme au repos : Le chercheur d'emplois.

    Aujourd'hui, préface. J'ai écrit ce texte après avoir musardé sur l'un de mes rendez-vous quotidien, le nids à trouvailles de Pierrec ; L'Oujevipo. Endroit que je vous invite à visiter sans tarder sous peine d'excommunication du culte de la Fille de Cérès (c'est grave !).

    Aujourd'hui Pierrec ne nous a pas dégotté un des jeux improbables dont il a le secret mais un texte (que je vous invite à lire pour les même raisons que précédement mais avec en sus une menace de Petite Question pour les hérétiques qui ne s'y plieraient pas).

    J'ai senti qu'il fallait que j'apporte ma propre pierre à l'édifice. Voici donc, d'après le texte de Paul Fournel, Autoportrait du Descendeur :

    Autoportrait de l'homme au repos : Le chercheur d'emplois.

    Mon métier consiste à chercher des offres d'emplois du premier au dernier jour du mois. A chercher le plus vite possible. C'est un métier d'homme. D'abord parce que lorsqu'il ne travaille pas, l'homme a envie de chercher un emploi le plus vite possible, ensuite parce que lorsqu'il y a plusieurs hommes qui ne travaillent pas, ils veulent tous chercher plus vite les uns que les autres.

    Un métier humain.
    Je suis chercheur d'emplois.

    Il y a eu Jeffrey Lebowski, il y a eu Nicolas Catard, il y a eu les Polonais et, maintenant il y a moi. Je serai cette année au sommet du pic de chômage et lors du prochain rendez-vous Pôle Emploi, j'aurai un fascicule doré.

    Je suis l'homme le plus actif du pays, le plus affairé, le plus réactif, et mon travail consiste à fabriquer de l'inactivité.

    Tous les grands chercheurs d'emplois fabriquent de l'inactivité.

    Chercher plus vite, c'est d'abord chercher autrement ; de façon à semer la surprise et l'incompréhension. Faire sourciller. Chercher de telle manière que les autres soient persuadés que vous ne trouverez pas la rubrique des petites annonces dans le canard local, jusqu'à ce qu'une génération de chômeurs cherche comme vous.

    Dans une vie de chercheur d'emplois on ne peut inventer qu'une inactivité géniale et une seule.

    Les polonais sont arrivés pendant la crise avec la réputation de "plombiers sans tuyaux" deux saisons plus tard, les cinquante top-chercheurs du Pôle Emploi se tuyautaient comme eux.

    Maintenant il y a moi.

    Etre un grand chercheur d'emplois est un état qui exige un don absolu de soi-même et une concentration totale. Je prospecte à temps plein. Je prospecte en achetant mon pain à la boulangerie. Je vis avec une alerte Keljob innervée dans mon avant bras pour mieux prospecter. Je souris à Google et à la vendeuse du kiosque parce que je sais qu'ils m'aident à prospecter. Je casse la tête de mon conseiller qui est nul parce que je sais que cela m'aidera à prospecter.

    Prenez deux hommes à égalité de désoeuvrement et de moyens de communications, le même mois, mettez-les à côté l'un de l'autre et c'est toujours moi qui prospecte le plus vite.

    Le formulaire compliqué qui commande les premiers critères de recherche sur le site de l'ANPE, je le remplis mille fois par semaine. Les séances collectives au coin du boulevard Eugène Deruelle, celles où l’on va avec des pieds de plomb, je les fais chaque soir avant de me coucher. Je connais tous les encarts des journaux au caractère près et à quatre-vingt pages à la minute, je les vois passer au ralenti.

    Je me prépare aussi pour ces annonces fuyantes et imprécises que les hasards d'attribution des alertes automatiques nous imposent. Les annonces tordues qui permettent à un Croquignol, le Pied Nickelé, de devenir un champion de la trouvaille.

    Tout compte dans votre carrière.

    Un jour, l'essentiel devient l'angle du biseau de la mine de votre Stabilo jaune. C'est le Stabilo qui fait la trouvaille. Vous avez acheté toute la presse quotidienne, changé quatorze fois de moteur de recherche, vous êtes mis en colère et vous avez raté, pour quelques lignes oubliées, une offre parce qu'en tournant la page vous vous êtes demandé quel était l'angle du biseau de la mine de votre Stabilo jaune.

    Quand je dors, je travaille, en mangeant je travaille. Je dessine mes cercles rouges, je modèle mes découpages. Ma vue et mon flair sont intraitables, je porte sans cesse sur l'index, la trace d'encre des pages que je parcours.

    Lorsque le facteur me délivre dans la boite aux lettres, il libère des tonnes de travail. Après, il reste un chercheur d'emplois sur sa liste qui a plus ni yeux, ni tête, ni jambe et qui prospecte pour arriver au bout des annonces plus vite que les autres hommes.

    C'est la règle.

    Et puis il y a le moment qui arrive forcément dans une vie, le seul moment de vrai repos, de repos absolu. Le repos du chercheur d'emplois.
    Vous avez passé la première quinzaine et les jours suivant à fond, vous entrez dans la fin de la troisième semaine et vous faites cette minuscule erreur de candidature, cette petite faute stupide (qui n'est pas d'inattention puisque les chercheurs d'emploi ignorent l'inattention) qui vous rapproche à quelques détails du profil idéal. Et là, c'est le vrai repos, le repos immense. Vous avez déjà obtenu un contact téléphonique puis très vite un rendez-vous et le contrat. Plus rien n'a d'importance, vous n'êtes plus un chercheur d'emplois, vos muscles se relâchent, votre esprit se libère, vous savez que vous allez vous faire embaucher.

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 27 Mars 2011 à 11:24

    "Je suis l'homme le plus actif du pays, le plus affairé, le plus réactif, et mon travail consiste à fabriquer de l'inactivité."

    Haha! J'adore cette phrase! On dirait que le canevas a été conçu spécialement pour elle. J'adore aussi le pluriel à "chercheur d'emploiS" qui semble rendre la tâche encore plus difficile.

    Puissent les autoportraits d'hommes et de femmes au repos innonder le monde à la manière d'un clip de Lady Gaga

    2
    Moo.
    Dimanche 27 Mars 2011 à 13:58

    Quand j'ai vu ce nouveau post, j'me suis dit que j'avais enfin un nouveau texte à se mettre sous la dent.


    3 minutes plus tard, je me retrouve à nouveau dans l'expectative du suivant. Ca se grignotte vite ton truc... je vais en profiter pour passer sur le blog de ton collègue :)

    3
    Sakutei Profil de Sakutei
    Dimanche 27 Mars 2011 à 14:11

    Merci pour vos commentaires o/

    @Pierrec : Du moment que ça grimpe pas dans une surenchère de kitch à l'image desdits clips moi ça me va.

    @ Moo : Hey, ça me fait magmatiquement plaisir de te voir toujours à l'affût. Il faut absolument que j'honore cette fidèlité sans faille :]

    Je vais m'y remettre avec plus d'assiduité. Cette petite parenthèse stylistique est aussi une manière de remettre le pied à l'étrier.

    4
    tyni
    Lundi 28 Mars 2011 à 21:33

    Moi, j'veux juste voir tes innombrables lettres de motivations qui doivent d'être du même accabit (surtout les dernières) et au moins aussi désopilant. Il n'y a qu'un chercheur d'emplois qui "aime" sa recherche inutile pour pondre un texte comme ça !

    (Et mention spéciale à la raclée donnée au type du Pôle Emploi. Il me fait perdre plus de temps qu'il m'en fait gagner, perso ^^)

    5
    Sakutei Profil de Sakutei
    Vendredi 1er Avril 2011 à 16:44

    Ah ah ah :D ! Crois moi, c'est justement le truc que tu ne veux pas voir xD. Naaaan pas les lettres !

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    6
    manousche
    Vendredi 8 Avril 2011 à 15:10

     

    alors il faut se mettre aux lettres de non-motivation : http://www.previeux.net/pdf/non_motivation.pdf

    7
    Sakutei Profil de Sakutei
    Vendredi 8 Avril 2011 à 21:52

    Ah ah excellent !

    J'ai toujours rêvé d'envoyer une lettre du style "malgré tout l'intérêt que présente votre offre d'emploi pour moi, je suis au regret de pas pouvoir y donner suite. En vous souhaitant, blablabla".

    Dans le genre lettre de motiv, j'en avais aussi écrit une trollesque que je me réserve pour un jour funeste :]

    8
    manousche
    Samedi 9 Avril 2011 à 15:31

    ah oui, très belle lettre aussi ! maintenant tu n'as plus qu'à écrire celle d'un troll qui voudrait postuler chez Carrefour... (et l'envoyer éventuellement)

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