• Chapitre 26 : Syllabe changeante.

    Lorsqu'elle reprend conscience, une flopée de sensations agressives se disputent la faveur de son attention. C'est d'abord un grand frisson accompagné de spasmes violents. Puis c'est cette douleur musculaire qui lui cisaille les articulations, comme si on venait de raccommoder ses coudes, ses genoux et même ses phalanges, un par un avec du fil de fer grossier.
    Il y a également cette sphère creuse et incisive qui agrandit la cavité béante de son estomac gargouillant, le goût acide sur sa langue pâteuse, les remugles aigres qui lui irritent les narines et lui flanquent la nausée. Et pour finir, il y a cette impression que sa tête va exploser si elle n'entend ne serait-ce qu'un seul murmure.

    Thrace émerge enfin des limbes avec le regard flou et papillonnant de celle qui vient de faire une visite approfondie d'un gouffre abyssal aux parois de néants. Elle tente de bouger un bras et sent une présence glacée couler le long de sa peau nue. Elle se fige mais le mouvement se poursuit ; tout en cliquetis et en raclements métalliques qui débouche sur un fracas soudain dont les échos lui écorchent les tympans.

    L'ondine porte deux doigts à sa tempe et grimace. Bon, sa tête est toujours entière. Elle parvient à se redresser prudemment et lentement, provoquant d'autres chutes des mailles de cet acier si froid.
    Des chaînes. Non point fixées mais juste posées en travers de son buste.

    Pourquoi ? Thrace achève de se débarrasser des dernières longueurs à gestes lents et imprécis. Ses mains tremblent et elle se sent pathétiquement faible. Faible comme elle ne l'a jamais été.
    En se redressant totalement, des mèches éparses de ses cheveux lui tombent sur les épaules et devant les yeux. Elle prend une inspiration dans l'air froid, ferme les yeux et tente de faire le point.

    C'est à ce moment qu'elle prend conscience de sa nudité. Un sursaut, un manquement dans la succession des battements de son cœur et il s'en faut de peu pour provoquer un nouveau spasme généralisé. L'ondine fronce les sourcils et resserre ses bras hérissés de chair de poule autour de sa tendre poitrine indûment exposée.

    Pourquoi ?! Toujours la même question, un peu plus agacée cette fois. Elle constate avec un soulagement tout mitigé qu'elle n'est dévêtue qu'à partir de la taille. Quoiqu'il se soit passé, une partie de sa dignité est intacte. Elle ne sait pas pourquoi, mais ça lui semble particulièrement important en cet instant de dépouillement total.
    D'ailleurs ici, tout semble si nu. Depuis les murs lisses jusqu'aux dalles régulières. La seule source de lumière faiblarde semble provenir directement de sa couche. C'est étrange, il en émet une vibration sourde et presque envoûtante qui semble pétrir l'intérieur même de son corps. L'effet est à peu près aussi apaisant qu'inquiétant. C'est peut être une des raisons qui font qu'elle s'est endormie profondément à en perdre le fil de la réalité.

    Les évènements lui reviennent peu à peu en mémoire tandis qu'elle détaille la salle sombre et glaciale. Elle a été malade, très malade. C'est arrivé juste après le combat. Le combat contre qui déjà ? C'était un grand gaillard à la peau rouge. Non ce n'est pas ça. Il y a un détail important à propos de sa peau mais …
    L'ondine fatiguée soupire de frustration. Que lui arrive t-il ? Elle se sait d'ordinaire plus résistante et plus réactive.

    - C'est probablement ce froid, énonce t-elle à haute voix, autant pour se convaincre elle-même que pour tester le son de sa voix. Le résultat est le même dans les deux cas ; Thrace se racle plusieurs fois la gorge avec une irritation grandissante.

    Il est des choses que l'ondine déteste, comme d'être totalement démunie des moyens de récupérer un peu de superbe et de prestance. Comment en est-elle arrivée là ? Que s'est-il passé bon sang ?! La colère qui monte peu à peu dans ses veines lui réchauffe le corps et l'esprit, elle frappe du poing sur la pierre dure qui lui sert de lit. De la pierre et des chaînes, c'est probablement une prison. Mais dans ce cas, qui en sont les gardiens ?

    Alors comme en réponse à cette dernière question, une trappe s'ouvre dans le plafond et une silhouette trapue en tombe. Rapidement suivie par d'autres, c'est bientôt toute une troupe qui se regroupe autour d'elle, dans le faible halo de lumière dispensée par la pierre phosphorescente où elle repose. Thrace sourcille plusieurs fois, sa mâchoire se décroche. Oui il y a bien un détail à propos de la peau… à propos de leur peau… ils n'en ont pas. Elle avait oublié l'aspect monstrueux et repoussant de ses hôtes contrefaits.

    Maintenant elle se rappelle. Le grand escogriffe qui étend ses bras démesurés et filiformes vers elle, Jetuk, est une sorte de meneur par ici. Un type à avoir à la bonne. Difficile de savoir s'il lui sourit mais il n'a pas l'air contrarié de la voir réveillée. Au contraire en fait.


    - Thrace ! Il nous semblait avoir entendu les chaînes ricocher sur le sol. Tu es enfin de retour parmi nous.

    Le ton est chaleureux mais quelque chose dans son attitude l'inquiète. Ce coté un peu trop possessif, comme s'ils faisaient partie de la même famille.
    Thrace fait de son mieux pour se couvrir et répond d'un ton mal assuré :


    - Jetuk … je … où sont mes vêtements ?!

    Voilà le plus pressant ! Ca caille bordel et ce n'est pas en restant comme ça que ça va s'arranger. Sans compter le minimum de pudeur
    requise lorsque l'on est une jeune fille en présence de mâles… aussi altérés soient-ils.

    - Tu n'en auras bientôt plus besoin petite sœur.
    Celui-là, avec ses cornes, hum… Kernal, voilà.  
    - Tiens donc ! En quel honneur ? Je n'ai pas le souvenir d'être entrée dans votre harem !
    L'expression mordante qui se griffe en travers de son visage en dit suffisamment long sur la dose très réduite de contrariétés qu'elle est prête à encaisser pour le moment.
    - Donnez moi quelque chose à me mettre sur le dos ! J'ai froid bon sang !
    - Du calme…
    - Je SUIS calme !
    Jetuk se tourne tranquillement vers ses acolytes et les repousse en arrière à grands gestes des bras.
    - Messieurs, retirons nous, vous voyez bien qu'elle a encore besoin de repos.
    - Mais…
    - Aller !

    Et sur un claquement de doigts impérieux, toute la clique obtempère bon gré mal gré. Thrace, en tout cas, leur en sait grée de bien vouloir lui foutre un peu d'intimité.
    De nouveau seule, elle décide de passer à l'action. Ses jambes basculent par-dessus la dalle de pierre translucide qui diffuse son halo blanchâtre, elle tente de se planter sur ses guibolles.
    La pièce se met immédiatement à tanguer dangereusement et elle est contrainte de réintégrer dare dare une position assise plus prudente. Tout devient sombre, elle cligne des yeux plusieurs fois, ne sachant trop s'il vaut mieux de les garder fermés ou non.
    Toute occupée à empêcher un nouveau filet de bile de franchir ses lèvres gercées, elle ne remarque pas l'approche discrète d'un écorché dans son dos.

    - Thrace.

    Elle sursaute et se retrouve titubante, face à un Jetuk visiblement tout penaud. Ce dernier la rattrape par la taille de justesse lorsqu'elle perd l'équilibre et la guide doucement vers le lit de pierre.

    - Jetuk ! Tu ne sais pas t'annoncer ?
    - Désolé, je ne voulais pas te faire peur. Hem, je t'apporte tes vêtements.
    - Merci, lâche t-elle d'un ton acide.

    Elle ne dédaigne cependant pas ce qu'il dépose à ses cotés. Une tunique noire et des pièces de cuir variées qui lui servent de protection. Elle tente de passer le tissu sombre par-dessus sa tête mais perd à nouveau l'équilibre en l'absence de point de repère. Une main prévenante vient lui saisir le biceps. Thrace se rebiffe d'un geste brusque.

    - Laisse moi ! Je vais y arriver, je ne suis pas gourde !

    Effectivement, elle finit par passer les bras dans les manches et la tête par le col après plusieurs essais infructueux. Elle parvient également à boucler sa ceinture mais ses doigts tremblent trop lorsqu'elle tente de s'atteler à son armure de cuir ou son masque noir.
    Sentant une crise venir, Thrace inspire profondément et décide de repousser le reste à plus tard. Elle croise les bras sur sa poitrine maintenant vêtue et plante son regard sombre dans les yeux du grand écorché.

    - Jetuk, je veux la vérité aussi simple et nue que je l'étais lorsque je me suis réveillée. Pourquoi étais-je étendue ici ? Pourquoi suis-je dans cet état ?
    Le démon rouge hausse ses épaules osseuses et craque sa mâchoire. D'un geste bref, il indique la stèle de pierre.
    - Tu permets que je m'assoie à tes cotés ?
    Elle acquiesce d'un mouvement de menton sec qu'elle regrette aussitôt à cause des élancements que ça provoque sous son crâne. La douleur et la faiblesse se conjuguent pour la barder de mauvaise humeur. Il vaudrait mieux que Jetuk ne tourne pas autour du pot.

    - Et bien je pourrais te donner les raisons médicales ou bien encore t'expliquer ce qu'il va arriver ensuite, mais je pense que le mieux pour toi à ce stade reste encore d'entendre la suite de notre histoire.
    Mauvais début, la botte de l'ondine vient frapper brutalement le sol.
    - Jetuk ! Tu es celui qu'on appelle l'Orateur hein ! Et bien je ne veux pas de discours, je veux une explication ! Je ne veux pas de grands gestes des bras, je veux combler ce vide qui sépare la fin du combat et mon réveil !

    L'écorché la considère un moment silencieusement, formulant sans doute plusieurs réponses avant de les rejeter aussitôt. Thrace se morigène de ne pas être capable de rassembler ses esprits toute seule. Depuis toujours, elle a appris à ne compter que sur elle-même. Devoir attendre la bonne volonté d'un autre est une torture mentale insupportable.
    Sa patience déjà mise à rude épreuve s'effiloche comme un ruban de laine mal tricoté. Elle s'apprête à grogner derechef lorsque l'Orateur se décide enfin à prendre la parole :

    - Thrace, tu portes la marque et tu as vaincu l'un des nôtres en combat singulier. Cela fait de toi une fomoire à part entière. Enfin presque, il reste une étape.
    - Moi une fomoire ? Une étape ?
    - Oui. La dernière étape consiste bien sûr à te révéler sous ta véritable apparence.

    L'ondine cille à ces derniers mots. Sa véritable apparence ? Veut-il parler de sa forme liquide ? Elle sait qu'elle ne peut pas utiliser ce pouvoir ici, la température trop basse l'en empêche. Mais de toute façon, le problème n'est pas là. Il n'est pas question de devenir une fomoire. Ca n'a jamais fait partie de ses objectifs et elle ne voit pas pourquoi ça changerait.
    Avant qu'elle ne puisse interposer le fruit de ses réflexions, Jetuk reprend avec emphase :

    - Nous t'accueillerons avec la plus grande joie parmi nous. Les élus sont rares, et les élues encore plus !
    Il accentue le "e" de "élues" pour faire sentir la différence.
    - Qu'est ce qui vous fait croire que je suis celle que vous cherchez ?!
    - Pas celle, l'une de celles.
    - Je ne goûte pas le sel de la plaisanterie, s'impatiente t-elle.
    - Ce n'est pas une blague Thrace. La marque ne trompe jamais.
    - Mais quelle est cette marque foutrenoir ?! J'en ai plein les oreilles mais je ne sais même pas de quoi on parle !
    Sous la vigueur l'ondine dénude ses dents sur une grimace furieuse. Jetuk hoche la tête avec cérémonie et se fend de ce que l'on pourrait appeler un sourire.
    - Précisément ce que tu es en train d'exhiber sous mes yeux, ô impétueuse jeune fille.
    - Q-quoi ?
    - Les crocs qui poussent dans ta mâchoire. Tu n'avais pas remarqué ?

    L'ondine sursaute brutalement sous le coup de cette révélation. D'abord elle ne veut pas le croire. Et puis quelques bribes lui reviennent.
    Le sourire amusé de ce nécromancien lorsqu'elle s'est irritée contre lui. Et puis plus tard, la réaction de son adversaire et des témoins du duel lorsqu'elle s'est laissée gagner par la fureur du combat.
    Chez elle, retrousser les lèvres est un réflexe lié à la férocité de sa colère.
    Elle n'ose pas vérifier ce que le regard des autres a déjà confirmé. Et pourtant, c'est presque sans s'en rendre compte qu'elle lève une main hésitante pour promener la pulpe de ses doigts sur les contours de sa dentition. La conclusion s'abat sur ses épaules comme une chape de plomb. Quatre pointes saillent aux emplacements de ses canines. Deux en bas et deux en haut. Pas vraiment prononcées au point de la gêner quand elle ferme la bouche mais définitivement protubérantes.

    - Tu vois, c'est déjà commencé. C'est pour ça que nous t'avons transporté ici lorsque tu as manifesté les premiers symptômes de vomissements. Les rayons qui émanent de cette pierre accélèrent la métamorphose et rendent le passage moins difficile.

    Cette fois, Thrace bondit littéralement de la stèle, osille un instant et se stabilise péniblement. Son cœur bat la chamade et elle se tortille sur place comme pressée par un besoin naturel. Son estomac vient de s'entortiller autour de ses chevilles et ce qu'il restait de salive dans sa bouche vient d'évacuer les lieux pour perler à la surface de son front sous forme de sueur maladive.

    - La métamorphose ?!
    - Je te l'ai dit Thrace, pour que ta gloire de fomoire se déploie totalement, il faut que tu perdes cette apparence de mortelle petite humaine. Bientôt, tu seras comme nous ! Tu te débarrasseras de cette enveloppe de peau inutile pour donner libre court au potentiel décuplé de tes muscles mis à nus. Et pour la première fois depuis des centaines d'années, il y aura une femme parmi les Seigneurs Rouges !

    Il prononce ces mots d'un air exalté et écarte grands les bras ce faisant. Thrace est horrifiée par ce qu'elle pense comprendre. Elle voudrait l'interrompre mais les mots lui manquent. Ce qu'il suggère est tellement abominable qu'elle est prise de tremblements qui lui font claquer les dents. Etre comme eux ? Perdre sa peau et adopter un corps grotesque et difforme ?!
    Non ce n'est pas possible. Et l'autre qui continue, imperturbable malgré la détresse évidente de son interlocutrice médusée. Il expose sa théorie comme un bambin tout fier d'une découverte.

    - Nous sommes parvenus à emprisonner une partie de la magie du Gardien dans cette pierre particulièrement réceptive en l'exposant devant le Cœur pendant des années. Tu te souviens que nous t'avons raconté comment cette même magie nous a déformé.
    Alors, patiemment, nous l'avons soumise et altérée pour que cette énergie incroyablement puissante serve nos desseins. Nous savions qu'il y aurait un moyen utile de nous en servir plus tard.
    Et encore une fois, notre patience s'est montrée payante, car toi, Thrace, aujourd'hui tu as l'honneur d'étrenner cette médecine. Grâce à cette pierre, les douleurs et le temps de la métamorphose sont grandement réduits !
    Et pour en finir avec les détails triviaux, nous avons pris la liberté d'ôter tes vêtements pour que ta peau soit directement en contact avec la pierre. Les ondes se propagent  d'autant mieux ainsi.

    "Les détails triviaux". Il a le sens de la formule lui. L'ondine parvient à moduler une exclamation aigue qui jaillit de sa gorge.

    - Mais je ne veux pas !
    Pour le coup, Jetuk se raidit, surpris.
    - Comment ?
    - Je ne VEUX PAS changer. Je suis une ondine, moi Thrace ! Pas l'une des vôtres ! Je ne veux pas ! Qui accepterait cette apparence repoussante ?? Pourquoi ? Pourquoi ??
    - Tu ne veux pas ? Oh je comprends bien sûr, cela fait partie du procédé, mais tu comprendras vite les avantages de…
    - NON Jetuk ! Ca n'a jamais fait partie de notre accord. Je devais vous aider à vaincre le Gardien, pas lier mon destin au votre. Je suis fière de ce que je suis et je ne veux pas changer !

    Le grand écorché fait mine de poser ses mains aux longs doigts sur les épaules de la jeune ondine mais se ravise judicieusement en avisant son air meurtri. Il adopte le ton tendre et paternel d'un professeur patient :

    - Thrace. Ce que tu éprouves est normal, il est toujours difficile d'abandonner une existence pour en embrasser une autre. Crois moi, tu te sentiras tellement plus forte après ! Pense à la jouissance que tu éprouveras en faisant partie intégrante de notre race ancienne aux pouvoirs immenses. Pense aux connaissances ! Oui, tu seras épanouie comme jamais et tes possibilités ne cesseront de croître à la mesure de ton immortalité.
    - Immortalité… elle répète ce dernier mot d'une voix atone et Jetuk prend ça pour une ouverture.
    - Oui ! Nous disposons d'une longévité si persistante que la plupart des races nous qualifient d'immortels. Et c'est vrai à bien des égards même s'il s'agit en réalité d'une forme de vieillissement particulièrement ralentie.

    Ne plus mourir. Continuer à vivre et à expérimenter sans vraiment goûter la saveur de ce qui fait l'éphémère de l'existence. Cela ressemble à quelque chose d'atrocement plat et figé. Et pour une fille d'eau dont l'essence et de toujours courir, cette idée est révulsante. Non, rien ne pourrait être pire que l'immortalité, toute relative soit-elle.

    - Non. Non je ne veux pas Jetuk. Tu ne comprends pas que c'est justement la proximité de la mort qui donne toute la profondeur de mon existence.
    - A quoi bon disposer de grands pouvoirs si ce n'est pas pour en profiter sur une longue période ?
    - Je me fiche d'avoir des pouvoirs ! Je m'en fiche ! Je suis heureuse d'être mise à l'épreuve de ma faiblesse. Je suis épanouie quand je surmonte mes limites ! C'est ma manière d'être vraie !

    Sa voix se brise sur la fin de cette tirade qui puise dans ses dernières forces. Mais de même que celui qui n'a jamais peur ne comprendra jamais le courageux, Jetuk ne semble pas comprendre le point de vue de Thrace. Il rejette son argument d'un revers de main et finit par rétorquer, légèrement agacé par les réticences de l'ondine entêtée :

    - De toute façon, il est trop tard pour reculer maintenant, la métamorphose est beaucoup trop avancée maintenant. Ne sens-tu pas les changements qui s'opèrent en toi ?

    Ils corrompent sa nature, ils s'attaquent à ce qu'elle a de plus précieux et il s'en réjouit pour elle. La vague de dégoût qui submerge la jeune fille lui fait perdre pied. Thrace tombe sans force à terre et considère ses doigts tremblants entre ses cils empoissés de larmes.

    Trop tard ?
    Sakutei disait aussi qu'il est toujours trop tard pour choisir. Pourquoi pense t-elle à lui subitement ? Peut-être parce que ses paroles l'ont marquée. Peut-être parce que lui, la comprenait à sa façon et qu'il n'a jamais cherché à l'utiliser.

    Alors non. elle ne veut pas. C'est contre tout ce pour quoi elle se bat depuis toujours. Pour sa liberté et pour son indépendance. Mais où cela l'a conduit ? Depuis les fils de la maligne Mélanargie jusque dans les doigts osseux des grands écorchés du Sidh.
    Elle veut encore disposer de sa liberté de choix. Elle veut pouvoir renoncer et regretter quand elle se trompe. Elle veut pouvoir embrasser et savourer lorsqu'elle arpente le bon chemin.
    Non, ils ne peuvent pas la priver de ça. Ils ne peuvent pas lui faire subir ce qu'elle n'a pas choisi.

    Relevant la tête, Thrace arbore une expression de pure angoisse mêlée de profonde douleur lorsqu'elle s'adresse à nouveau à Jetuk. Ce dernier ne manque pas de déchiffrer son expression avant même qu'elle ne parle.

    - Jetuk, je t'en prie…ne me faites pas ça.

    Ses cheveux lui tombent dans les yeux, plus rien dans son attitude ne demeure de la farouche et fière Thrace. Elle crispe son poing sur le sol si froid et indifférent aux larmes salées qui l'inondent. Une mer de larme pour une fille de l'eau. Sa résolution se raffermit autour du noyau de son désespoir, elle desserre les dents et regarde l'Orateur droit dans les yeux.

    - Si vous ne me laissez pas partir, je me suiciderai.
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  • Commentaires

    1
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Lundi 8 Février 2010 à 18:44
    Oh non Thrace c'est ma préférée, tu peux pas me la mettre avec des crocs et sans peau :p et encore moins me la glacer mais bon je me doute que dans ton esprit tortueux va bien y avoir un truc...oui mais quoi....raaaaaaaaaaa!
    J'adore ces chapitres avec elle, parce que les ondines sont vraiment des personnages interessants dans la mythologie mais elle en plus est atirante et puis la praline qui sommeille en moi rêve de la voir avec Sakutei lool.
    Bon vu comment tu les laisses tous les deux c'est pas au prochain chapitre si ça doit arriver.

    J'ai adoré ta phrase : "Continuer à vivre et à expérimenter sans vraiment goûter la saveur de ce qui fait l'éphémère de l'existence" et l'ennui que serait l'immortalité^^. Le reflexion entre elle et Jetuk au delà de l'histoire est tellement juste.
    Aaah Sak je me régale à (de?) te lire, au bout de 3 lignes tu m'emportes dans ce monde et me donnes plus envie d'en sortir.
    C'est trop bon^^ (bon je crie pas pour pas te persécuter ...je patiente lol).
    2
    Sakutei Profil de Sakutei
    Lundi 8 Février 2010 à 19:53
    Of course qu'il y a du machiavélisme dans l'affaire :]
    Mais effectivement, il faut laisser le déploiement se faire petit à petit et je t'avoue que ça me démange de sauter aux conclusions mais, il faut admettre que ça massacrerait un peu la ligne de tension xD.

    Je trouve qu'un personnage prend plus de profondeur quand on en arrive à vraiment s'inquièter pour lui. Et c'est pour ça que j'essai de garder cette menace de l'irréversible au dessus de leur tête. Que ce soit la mort, la mutation ou la mutilation...

    Après tout, Sakutei a déjà perdu une main ;)

    La suite pour bientôt (oui je dis a à chaque fois je sais xD)
    Encore merci pour ton entrain qui dope ma propre créativité ^^
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