• Chapitre 28 : Ce qui est et ce qui ne devrait pas être.

    Le temps passe. Des ondes la traversent.
    Recroquevillée dans un coin de la pièce froide, Thrace s'est roulée en boule le plus loin possible de la pierre maudite et de ses émanations invisibles. Quelle horrible sensation que de savoir que des changements se produisent en son sein sans pouvoir en déduire leur avancée. A quel phénomène doit-elle attribuer ces frissons glacés qui la traversent ? A La fatigue, la peur, la maladie ou la rage d'être impuissante ? Que présagent ces picotements sur son visage ? Est-ce une part du procédé qui doit faire d'elle une fomoire ?

    L'ondine ferme un instant les yeux pour chasser ces pensées serpentines qui l'étouffent et étranglent son esprit. Si elle se laisse absorber par la mélancolie, elle ne pourra pas agir le moment venu. Et c'est bien ce qu'elle s'est jurée de faire ; ne pas se laisser gangrener par ce pouvoir corrupteur qui fera bientôt tomber sa peau et ses cheveux.
    Jetuk ne s'est pas laissé impressionner par sa menace de suicide. Peut-être ne l'en croit-il pas capable ? Et dans le fond, même s'il n'y aurait rien de plus facile avec ce froid extrême, Thrace doute en effet d'en avoir la volonté. Une trop forte ardeur de vie brûle en elle pour qu'elle se laisse figer dans l'étreinte osseuse de la mort.
    Pourtant, il lui suffirait d'une pensée pour métamorphoser son corps en eau… laquelle deviendrait aussitôt de la glace mortelle pétrifiant l'étincelle de vie qui s'agite et palpite dans sa tendre poitrine de jeune fille.
    Thrace referme son poing devant son visage ravagé par des courants de sentiments contradictoires. Elle ne pourra jamais s'y résoudre et Jetuk l'a lu en elle. Telle est sa faiblesse et c'est par ce biais que l'ondine s'est toujours laissée manipuler. D'abord par ces créateurs, les Fir Bolgs, puis par Mélanargie et maintenant… encore et toujours.

    L'ondine relève légèrement la tête pour inspecter les hauteurs obscures de la chambre. C'est par là que l'Orateur écorché est reparti peu après leur discussion. La trappe ne semblait pas disposer de mécanisme d'ouverture ou de fermeture. Mais en retombant elle a produit un son massif suffisamment dissuasif pour sa faible carrure. Et de toute façon elle ne peut pas l'atteindre. Elle ne peut pas sortir.
    Décochant un nouveau regard mauvais à l'autel central, Thrace se pelotonne à nouveau contre le mur du fond, s'efforçant de maîtriser les spasmes qui traversent parfois sa carcasse avec une violence douloureuse. Est-ce un des effets du… NON elle ne doit pas y penser. Elle ne doit pas y penser. Elle doit se concentrer sur son évasion.
    Pour tuer le temps et les idées noires, Thrace se relève et arpente une fois de plus les contours de la pièce. Aucune autre ouverture que celle du plafond n'est décelable. Juste de la pierre grossière et lourdement ajustée avec un coté définitif assez convaincant. Il n'y a rien à faire pour le moment si ce n'est profiter de cet instant de répit pour récupérer ses forces.
    Aucune odeur, aucun son. Juste la sensation étrange et peut-être imaginée de se faire façonner. L'ondine se replie dans son coin sombre et ne tarde pas à s'assoupir à nouveau, l'esprit enfiévré par des visions perverses de corps recomposées.

    Par pressentiment ou alerte instinctive, elle se réveille juste à temps pour entendre quelqu'un manœuvrer la trappe du plafond. Jetuk ? Une faible clarté pénètre dans la pièce par le rectangle ajouré en hauteur.
    Thrace se relève souplement et s'avance à pas de chat, prenant garde à ne faire résonner aucun échos en s'avançant sur les dalles lisses. Une tête hirsute se découpe dans le contre-jour.

    - Championne ? Je vous apporte à manger.

    Le nouvel arrivant bascule ses jambes par l'ouverture, il se suspend quelques instants à la pierre et se laisse retomber agilement dans la pièce obscure. Ses yeux marquent un petit temps pour s'habituer à la pénombre, laps court mais précieux que sa pensionnaire se hâte d'exploiter pour se déplacer.

    - Où êtes-vous Ô Thrace ?

    Sans un mot ni bruit, l'ondine se coule dans son dos et se rapproche en retenant son souffle. Une "cape verte", c'est un fomoire inférieur. Voilà qui va lui faciliter les choses.
    Le jeune homme se retourne juste à temps pour surprendre l'approche furtive de la tueuse. Celle-ci ne marque aucune hésitation. Une main gantée s'écrase contre le bas de son visage sur un claquement sec. L'ondine se colle au jeune soldat, enroule sa jambe dans le creux de son genou et le fait basculer en arrière.
    Déséquilibré, l'autre échappe le sac de provisions qu'il tenait à la main et heurte durement le sol, lâchant une exclamation étouffée par la main ferme qui lui écrase la mâchoire.
    Thrace lui empoigne le poignet droit et presse son genou sur sa poitrine. Un toussotement s'en échappe. Le jeune soldat se débat et parvient à basculer sur le coté en grognant. Sa main gauche se libère mais il hésite encore à frapper sa championne. Impitoyable, la tueuse en profite pour le retourner sur le ventre et lui bloque le bras dans un clé craquante aux articulations.

    Nouveau gémissement étouffé. Thrace peut sentir les raidissements de douleurs qui parcourent les muscles de sa victime. Elle pose son genou entre ses omoplates et raffermit sa prise.
    S'humectant les lèvres, elle approche sa bouche tout contre l'oreille de son captif pour lui murmurer ses conditions :


    - Ne crie pas, dans cette position je pourrais te casser le bras sans effort. (Elle laisse s'écouler un instant pour s'assurer que l'autre a bien entendu et reprend). Je vais te laisser répondre à mes questions, ensuite tu m'aideras à atteindre la trappe. Tu as compris ? Hoche la tête si tu as compris.
    Le petit soldat s'empresse d'acquiescer, visiblement terrorisé par le ton menaçant.
    - Bien.

    Elle retire sa paume et en profite pour tirer la petite épée courte qui pend au baudrier de cuir de sa victime.

    - Pou-pourquoi ?? Championne vous êtes notre…
    - Chuuuut, siffle t-elle avec une douceur trompeuse, c'est moi qui vais te poser des questions.
    Thrace ne parvient pas à voir de quel acabit est fait ce fomoire. Elle espère qu'il ne possède aucune particularité désagréable qui va se révéler au mauvais moment.
    - Quel est le chemin le plus court pour remonter à la surface ?
    - Mais je…
    - Tu étais en surface n'est-ce pas ? Comme toutes les capes vertes. Donc tu connais les lieux. Je veux sortir d'ici et tu vas m'aider. Allons répond ! (Elle remonte légèrement le bras de son captif, ce qui occasionne un craquement désagréable).
    - Attendez, je vais vous dire…
     
    Le jeune homme déballe son sac, Thrace mémorise patiemment chacune des indications.

    - J'espère pour toi que tu ne m'as pas raconté de bobards. Tu n'aimerais pas que je sois obligée d'errer dans ces couloirs avec le risque de te retomber dessus.
    - Je vous assure que je vous ai dit la vérité championne.
    - Tant mieux, tant mieux. Et maintenant … -ouch-

    Un violent coup sur le crâne la fait retomber en avant. Sonnée, l'ondine a juste le réflexe de rouler sur le coté pour éviter le coup suivant. Elle lève mollement un bras mais ses gestes son imprécis et elle récolte un autre coup sourd en pleine poitrine. Sa tête heurte la pierre mais elle parvient à rester consciente. Juste assez pour entrevoir une autre cape verte s'enrouler devant ses yeux troubles.

    - Je suis désolée… championne… le Seigneur Jetuk nous avait prévenu que… Ooh je suis tellement désolée.

    Une femme d'âge indéfinissable la dévisage. Sa peau sombre et profondément ridée évoque l'écorce d'un chêne. Mais le plus surprenant reste son bras droit, extention grotesque et déformée dont elle sert à la manière d'un gourdin. Comment se fait-il qu'elle ne l'ait pas entendu arriver ??
    Le jeune homme se relève à son tour et masse son épaule douloureuse. Un mélange de regret et de détresse se dispute les expressions de son visage. Il soupire.


    - Pardonnez nous Ô Thrace mais tant que vous n'êtes pas prête…

    Il tire des chaînes de son prétendu sac à provision et fait un signe de tête à sa comparse. Les yeux de l'ondine s'agrandissent d'effroi, c'était un piège ! Elle tente de se relever mais sa tête est encore trop bourdonnante et elle en est réduite à ramper sur le sol.
    Une main se referme, sans brutalité, sur son mollet droit. Elle donne frénétiquement du talon dessus sans effet. Le femme d'écorce n'a pas l'air sensible à ce genre d'attaque faiblarde.


    - Lâ…lâchez moi.

    Sa voix est empâtée par l'étourdissement mais l'urgence de la situation lui donne assez de vigueur pour rester cohérente. Elle entend le cliquetis de l'acier qui se rapproche.

    - S'il vous plaît, ne nous obligez pas à vous frapper encore.

    Elle n'y tient pas non plus mais elle se débat quand même. Le soldat lui assène une claque retentissante qui faite retomber sa tête sur le coté et lui fend la lèvre. Puis les deux capes vertes l'empoignent par les chevilles et entreprennent de la ramener vers l'autel.

    - Ah non ! Non ! NOOOOOOON !

    Thrace sursaute au contact des chaînes froides et dans un violent mouvement, parvient à expédier son pied dans les gencives du petit gars. Elle tente d'échapper à la prise de la femme-écorce mais ne parvient pas à pénétrer sa puissante armure naturelle.
    Elle en est quitte pour un solide coup de bras-gourdin qui l'envoie dans les vapes pour de bon.


    Lorsqu'elle reprend conscience, les deux soldats s'affairent encore à l'enchaîner à la pierre. Elle peut faiblement bouger les jambes et les bras mais son torse est comprimé par les mailles cruelles. De rage, elle se met à pousser des hurlements hystériques. Elle serre les dents et tire de toutes ses forces sur les liens d'aciers pour s'en libérer ; sans succès évidement. Haletante, elle relâche ses efforts, reprend son souffle et se remet à remuer, dopée par son horreur insondable pour cette pierre vicieuse.


    - Libérez moi ! Libérez moi ! Je suis votre championne oui ou non ? Vous ne pouvez pas me faire ça ! HAN ! HAAAAARRRG !
    - S'il vous plaît, calmez vous. Tant que vous n'êtes pas prête nous ne pouvons pas vous laisser aller, mais ensuite vous comprendrez que nous agissons pour votre bien.

    Thrace se refuse a s'avouer vaincue et puisqu'elle ne peut plus bouger, alors il ne lui reste que la parole.


    - Attendez, attendez ! (Elle s'efforce de contrôler son souffle affolé). Ne vous suffit-il pas de me laisser enfermée ici ? Ces chaînes m'écorchent la peau, vous n'allez pas me laisser souffrir comme ça ?!
    La femme lui retourne un regard triste, deux perles vertes scintillantes dans ce tableau végétal aux rides profondes.
    - Ainsi vivent les héros. (Elle soupire). Mais n'ayez crainte, le procédé est peut-être un peu douloureux mais il se déroulera plus vite au contact de la pierre. Par égard pour vous, nous vous laissons vos vêtements mais si vous le voulez nous pouvons vous les enlever. Sur la peau nue, l'effet sera encore plus rapide et donc l'épreuve sera moins grande.

    Sa voix est tissée des grincements des branches dans le vent. L'effet est déroutant mais ce n'est pas tant la forme que le contenu de ses paroles qui laisse Thrace médusée. Les deux autres se détournent et s'apprêtent à quitter les lieux lorsqu'elle les rappelle d'une voix qu'elle parvient à contrôler à grand prix :

    - Attendez ! Je… ça ira plus vite si je facilite les choses hein ?

    Les deux capes tournoient pour se stabiliser un instant plus tard sur les talons de leurs porteurs.

    - Oui en effet. Nous admirons la résistance opiniâtre que vous affichez. Elle est digne de notre championne. Mais il n'y aurait pas de déshonneur à relâcher vos efforts maintenant.

    Ainsi ils pensent que toute cette hargne est juste un acte héroïque pour s'infliger une épreuve plus dure. Pas de doute, ils ne vivent pas dans le même monde. Il n'y a donc plus qu'une chose à faire. Thrace déglutit lentement et chasse une mèche capturée au coin de ses lèvres ensanglantées d'un souffle brusque.

    - Très bien. D'accord… j'accepte de renoncer à l'héroisme guerrier. Retirez moi mes vêtements que je puisse embrasser le pouvoir des fomoires plus rapidement. Ainsi je serais apte à vous… à nous défendre plus rapidement.

    Les deux soldats se regardent un instant. Ils semblent se parler à demi voix mais Thrace ne comprend rien, ses tympans sont parasités par les battements sourds de son propre cœur. Finalement, l'un et l'autre s'approchent à nouveau, leurs visages éclairés par la lueur verdâtre qui émane de l'autel confèrent à la scène une note macabre qui file des frissons à la svlete jeune fille allongée sous leurs yeux.


    - Vous êtes sûre ?
    - Enlevez moi tout. (Elle inspire profondément et plante son regard sombre dans les yeux de la femme-arbre). Je suis prête.
    - D'accord championne !

    Elle lui sourit gentiment et se penche pour lui retirer ses gants. Thrace sent ses bottes glisser, puis ils lui débouclent sa ceinture et son plastron mais ne parviennent pas à lui retirer ni sa tunique ni son pantalon.

    - Nous allons retirer les chaînes un instant. Ne bougez pas.

    A peine sent-elle les mailles se relâcher que Thrace se redresse d'un bond, surprenant les deux autres par sa vigueur soudaine. Regroupant les doigts de sa main gauche en cône, elle détend subitement son bras et lâche un cri de douleur en sentant l'eau devenir glace.
    Le jeune fomoire hoquette soudainement, plus de surprise que de douleur dabns un premier temps. Un filet de salive rosâtre gicle de ses lèvres. Il baisse les yeux sur l'auréole sombre qui imbibe peu à peu sa tunique. Sous l'éclairage lugubre, le sang a une étrange teinte brune. Fleur sombre dont l'unique pistil est constitué par le bras couvert de glace de l'ondine qui le traverse de part en part pour repaître sous la forme d'un pieux de glace dans son dos.


    - Pourq…

    Sa voix s'étrangle sur un gargouillis. Thrace retire vivement son bras, juste à temps pour esquiver le coup de masse de la femme-écorce. Elle roule sur le sol, capturant au passage une des longueurs de chaîne qui la retenait prisonnière. Sans ses protections, il va falloir être précise.
    Inspirant vivement, elle fait tournoyer les mailles devant elle à la manière d'un fléau tout en se décalant lentement sur le coté. Son adversaire suit son mouvement sans un regard pour son compagnon qui vient de s'affaler contre la pierre translucide. Le sang qui s'écoule sur l'autel se met à fumer comme porté à une chaleur intense, diffusant une odeur aigre et désagréable dans la chambre.

    Remodelant sa main à grand peine, l'ondine esquive un assaut massif et se déporte sur la droite avant de répondre par un coup de fouet. Sans effet notable.


    - Pourquoi nous tuer ?! Championne, nous sommes vos humbles serviteurs !
    - Je ne serai jamais l'une des vôtres.

    Thrace refrappe, faisant cette fois jaillir des petits morceaux d'écorce. L'autre grogne et se rue à nouveau pour frapper le vide qu'occupait l'ondine un battement de cil plus tôt. La chaîne égratigne encore l'écorce. Le burin fait tonner la pierre.


    - Vous ne pouvez pas faire autrement. Pourquoi refuser cet honneur ?!

    Des pointes de colères percent dans sa voix. Elle ne comprend pas. Thrace réagit juste à temps pour éviter son assaut soudain et se rattrape sur les talons en agitant les bras. Sa main droite tournoie, elle manque sa cible. Quelques coups mal ajustés s'enchaînent avant que Thrace ne puisse interposer l'autel entre elles pour reprendre son souffle.

    - Déformer et plier les autres à votre image ? C'est ça un honneur ?! NON je ne veux pas de ça merci ! Crache t-elle avec conviction.

    L'aura maléfique de la pierre maintenant souillée de sang lui irrite la vue. Elle s'agite et pourtant elle a si froid ! La femme-écorce bondit par-dessus l'autel et parvient à lui asséner un coup de pied dans le ventre qui la fait décoller du sol. En retour, elle entortille la chaîne autour de son bras-gourdin et fléchit les jambes. Son adversaire se redresse et tente à nouveau de la convaincre d'arrêter cette folie.


    - Vous n'avez pas le choix ! C'est votre destin. C'est ainsi.

    Sans répondre, l'ondine saute, passe au-dessus de son adversaire et entraîne avec elle le membre massif. Les jointures gémissent dans un grincement typiquement végétal. La fomoire pousse un cri soudain et des échardes voltigent dans la pièce. Thrace se ramasse brutalement sur le sol, le craquement du bois lui arrache un sourire sans joie.
    Elle se retourne, lâche son arme empêtrée et se décale lentement. La femme écorce est appuyée contre l'autel, son bras droit salement brisé laissant voir des éclats plus tendres et plus blancs ; ce qui permet au passage à l'ondine de constater qu'elle est entièrement faite de bois. La sève coule lentement sur le sol comme un sirop épais et (pour autant qu'elle peut en juger avec la luminosité) verdâtre.
    La voyant hors d'état de nuire, Thrace se rapproche prudemment et récupère la petite épée qu'elle a laissé tomber un peu plus tôt. Pointant l'instrument en direction de son adversaire vaincue, elle lâche d'un ton résolu :


    - Il n'y a pas de destin, juste des choses un peu plus difficiles à combattre que les autres.
    - Belles paroles que voilà… ça mérite de nous tuer ?
    Peut-être. A vrai dire, Thrace n'y réfléchit même pas. Là n'est pas la question. Se rapprochant encore d'un pas, elle récupère ses bottes, et ses gants avant de poursuivre.
    - Je vais quitter cette pièce maintenant. Tu peux m'aider ou me résister, c'est à toi de voir.

    Voyant que l'autre ne bouge plus, elle en profite pour enfiler ses protections. L'ondine achève de reboucler les lanières lorsque la femme-écorce lui répond avec une douleur insondable dans la voix. Son regard brillant se porte non pas sur l'ondine mais sur le soldat inerte, figé sur le sol.

    - Notre championne nous trahit… celle qui devait nous offrir la lumière du soleil ne fait que déposer le baiser qui scelle nos lèvres dans la mort.
    - ASSEZ ! Je ne suis PAS votre championne.

    L'ondine achève de revêtir son armure de cuir et tente de sauter vers la trappe. En pure perte, cette dernière est beaucoup trop haute. De frustration, elle tape du pied sur le sol avant de se retourner vers la fomoire.

    - Je ne peux pas atteindre l'ouverture. Il y a un mécanisme quelque part ?

    L'autre ne lui répond pas, bercée par son amertume personnelle. Sa tête boisée oscille lentement comme si elle allait dormir mais Thrace peut l'entendre fredonner une étrange complainte. Comme le murmure du vent dans les feuillages.
    Pressée d'en finir, elle se rapproche et lui plante son épée sous le menton tranchant vers le haut pour lui faire relever la tête.


    - Aller, dis-moi.
    - Non il n'y a pas de mécanisme. Nous les fomoires sommes assez agiles et puissants pour l'atteindre. Ta seule manière de sortir d'ici est d'accepter ton destin et de devenir l'une des nôtres.
    - JAMAIS. Tu m'entends, ja-mais. Tu vas m'aider.
    - Je suis désolée championne mais je n'en ferai rien. Tu peux me tuer mais ça ne t'avancera à rien.

    La fomoire est passée au tutoiement... S'il y a un sens particulier à tout ceci, Thrace n'est certainement d'humeur à le démêler. Exaspérée, L'ondine avise alors la chaîne toujours enroulée autour du membre brisé.

    - Tu ne me laisses pas le choix. (Son regard s'assombrit encore). Je ne reculerai pas devant ça.

    Poussant un cri farouche, elle assène un méchant coup d'épée sur la brisure de l'épaule de la femme-écorce qui tombe sur le coté sous la douleur. Enjambant son corps secoué de saccades, Thrace lève une nouvelle fois sa lame et bûcheronne sans merci, faisant gicler des copeaux en tout sens. Les deux femmes crient de concert sur des notes dysharmoniques.
    Finalement le bras mutilé saute et se sépare du tronc. Avec horreur, Thrace constate que la femme est toujours consciente. Elle lui renvoie un regard insondable où l'on peut seulement lire quelque chose qui ressemble à l'enfer. Voilà le genre de chose que l'on se retrouve obligée de faire dans les pires situations. Pas de quoi être fière. Pas de gloire à en tirer. Ce genre de chose ne devrait pas être.


    Se détournant de ce spectacle trop perturbant, la tueuse tracte la chaîne et le bois à l'aplomb de l'ouverture. Il faut encore un moment pour entortiller plus solidement les mailles, retailler un peu le bout de branche et en estimer la stabilité.
    La femme-arbre a repris son marmonnement étrange. Thrace s'efforce de ne pas l'écouter, se concentrant plutôt sur sa liberté à portée de main.
    Les trois premiers essais sont infructueux et l'ondine se retrouve à masser son crâne décidément bien malmené ces derniers temps.


    - Cendres noires ! Il n'y a donc aucun point d'accroche là haut ?!

    Finalement, le grappin improvisé finit par trouver une prise assez solide. L'ondine s'y suspend plusieurs fois pour en tester la solidité et hoche la tête, satisfaite. Elle passe l'épée émoussée à sa ceinture, rajuste ses gants et grimpe le long de la chaîne avec une lenteur désespérante. Ses muscles tétanisés par ce combat soudain répondent mal et elle redoute plus que tout de prendre une crampe en pleine grimpette.
    Au moment où elle achève son ascension, une voix lui fait tourner la tête vers le bas.


    - Tu es forte… notre championne.

    Thrace hausse les épaules et se hisse finalement sur les dalles de la grande salle centrale. Libre à nouveau !
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  • Commentaires

    1
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Mardi 2 Mars 2010 à 13:15
    Zut j'ai lu sans crier la suite, soulagée que ma championne puisse enfin s'évader^^. Je reviens tout exprès.
    Ils sont quand même vachement touchants ces fomoires même s'ils sont trop moches mais bon c'est un monde très intriguant que j'espère retrouver plus tard dans l'histoire.

    Bon allez: Sak!! La suiiiiiiiiiiiiite siteplééééééééééééé
    2
    Sakutei Profil de Sakutei
    Mercredi 3 Mars 2010 à 18:40
    J'espère qu'ils sont un peu touchants oui ^^.
    J'espère pouvoir donner un peu de profondeur à chacune des factions en lice. Les fomoires qui dépérissent, les thuadènes qui frémissent, les Fir Bolgs qu'on n'a pas encore trop vus et les humains dans leurs délices...

    Merci de suivre avec toujours autant d'enthousiasme, c'est en grande partie grâce à toi que je ne lâche pas prise quand j'ai des trous d'inspiration !

    Bientôt le chapitre 30, wah !
    3
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Samedi 6 Mars 2010 à 13:10
    Tu sais qu'en plus à Marseille tu as un fan club? Mon colloc, les 2 guides avec qui je bosse et même mon frère, mais ils font les timides tss. Alors on a chacun nos chouchous, mon colloc c'est Sakutei et quand moi je rêve d'une romance lui veut qu'il l'a trucide lool.
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    4
    Sakutei Profil de Sakutei
    Samedi 6 Mars 2010 à 13:41
    Cool :D.
    Je viendrai en dédicace quand j'aurais un bouquin alors \o/

    Bientôt, bientôt... il va se passer plein de choses qui vont donner des heures de gloires à certains et des heures de non-gloire à d'autres ^^.
    5
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Samedi 6 Mars 2010 à 20:35
    Je leur marcherai sur la tête pour avoir la première dédicace...et sur mon soutient gorge loooooool^^
    6
    Sakutei Profil de Sakutei
    Lundi 8 Mars 2010 à 20:49
    Ca me va xD.
    Je mettrai de la Guinness sur le comptoir pour te guider dans la mêlée !
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