• l'Hiver de l'Homme : Oeil pour Oeil

    Dixième Fragment :

    Xylarm était dans la place ! A peine sa première victime pétrifiée dans une agonie éternelle qu'elle réapparaissait au beau milieu d'un nuage de glace. Son index était négligemment tendu à l'endroit où se trouvait la pointe de l'épée qu'elle avait interceptée.
    Les moines hurlèrent.
    Les hommes crièrent.
    Les guerriers chargèrent.

    La démone des lames se mit alors à tournoyer, ses bras croisés autour de la poitrine. Elle suivait une trajectoire vaguement circulaire. Impuissants mais résolus, les guerriers combattaient inutilement avant d'être statufiés à leur tour. A l'issue du premier tour, la moitié des soldats étaient congelés. Les autres se groupèrent en losange défensif. Au centre, l'un d'entre eux invoquait à nouveau le Diép'Néa. Xylarm déploya ses aiguilles et se lança à l'assaut. Frappant, trucidant, parant des coups de plus en plus désespérés. La lutte devint acharnée. Le pouvoir de la démone se confrontant au fanatisme enflammé de l'élite du monarquement. L'espoir venait de changer de camp.

    De son coté, Quintus tentait de maintenir sa prise. La poigne avec laquelle il étranglait le doyen n'était pas aussi ferme qu'elle aurait dû. Ses forces commençaient à le trahir. Pour une raison étrange, il n'avait pas pu invoquer Quintorm et ses capacités restaient celles d'un humain, fussent-elles décuplées temporairement par une adrénaline salvatrice. Son avant bras tremblait déjà et ses doigts mal irrigués se relâchaient. En face, l'autre se débattait furieusement. Ses pieds touchaient presque le sol. Alors l'homme fit la seule chose qu'il lui vint à l'esprit. Il empoigna l'Oeil de Diépine et tira d'un coup sec pour briser la chaîne…ce qui manqua de lui rompre le cou.
    Bon c'est solide…idée stupide
    Renonçant à l'effet théâtral, il se décida à sagement faire passer la chaîne au dessus de sa tête. Le moine meneur avait la bouche grande ouverte pour tenter d'aspirer de l'air. En cet instant, il ressemblait d'avantage à un gros poisson hors de l'eau qu'à un vénérable religieux combattant. La pointe de ses pieds raclait le sol sablonneux en quête d'un point d'appui pour se dégager. Le visage de Quintus était plissé sous l'effort à un point qu'on ne voyait de ses yeux qu'une mince fente rougeoyante. De sa main libre, il saisit l'Oeil de Diépine au dessus de la bouche béante du moine.
    - Bon appétit - grha -
    Il lui enfourna le talisman dans la gorge. Le vieillard secoué de tremblements se mit à tousser pour expulser l'objet. L'homme aux iris bordées d'écarlate le força à avaler, relâchant temporairement sa prise de gorge. L'objet le plus précieux du monarquement était rendu à son légitime protecteur. Alors, il articula le seul mot de pouvoir auquel répondait l'artefact.

    - Libère

    L'Oeil se vida de toute l'énergie qu'il avait accumulée. La sensation ne devait pas être agréable à en juger par la réaction de son hôte. Le patriarche fut pris de violentes convulsions, ses dents crissèrent désagréablement avant que certaines ne se brisent, laissant échapper un filet de sang noirâtre qui vint se mélanger au reste des saletés qui maculaient son armure. La puissance ahurissante du Diép Nea se déchaînait dans ses entrailles, déchirant, lacérant, carbonisant, cherchant une sortie pour s'exprimer.
    Ses doigts recourbés griffaient l'air inutilement. Aux extrémités, ses ongles se mirent à se fendiller et à noircir tandis que le feu se frayait un chemin vers l'extérieur. Quintus le tenait toujours par la gorge, une expression implacable gravée sur son visage buriné. La chaleur qui émanait du corps du vieux bonhomme commençait à se diffuser hors de la carapace d'acier. Quintus relâcha sa prise. En tombant, le moine produisit un pitoyable concert de ferraille bon marché. L'odeur de cochon grillé se mélangeait à celle du métal en fusion. Il semblait plus prudent de s'éloigner un peu de cette fournaise.

    L'homme se détourna pour s'intéresser à sa compagne. La démone des lames avait bataillé âprement. De la vaillante phalange du monarquement ne restaient qu'une  poignée de vétérans aux épaules voûtées. La fatigue et la peur se lisaient dans leurs  gestes maladroits. Dernier îlot de résistance, ils n'en faisaient pas moins montre d'un acharnement remarquable, défendant ce qui était plus précieux que l'honneur, plus précieux que leur foutu Œil : leur vie.

    Xylarm s'était reculée pour souffler. Elle pressait une main poisseuse contre son flanc et haletait doucement. Autour d'elle la danse des flocons s'était amenuisée et le froid qui émanait de sa gracieuse silhouette n'était plus aussi mordant. A ce stade, les deux fugitifs pouvaient se retirer et laisser là les derniers rescapés raconter leur triste aventure aux jeunes. Un bon moyen de démoraliser les troupes.

    Quintus toucha le bras de la jeune démone. Elle lui rendit son regard tourmenté où se reflétait la même soif de sang. L'un comme l'autre avaient passés trop de temps au service du maître des ténèbres.

    - Tuons les tous, souffla une voix rauque. Impossible de dire lequel des deux avait parlé.

    Dans un bel ensemble, ils se ruèrent à l'assaut, repoussant sans vergogne les dernières parades faiblardes. Le sang jaillit dans leur sillage, rubicond et abondant.
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