Seizième Fragment :
Quintus leva une main pour interrompre sa compagne :
- Attends, attends là ! Qu'est ce que tu racontes. D'abord, quelle importance ? Et ensuite tu n'es pas dans le même cas ? Que je sache, tu es prisonnière du Génif, ta part humaine est morte.
Xylarm secoua la tête en dénégation
- Oui Xyla est morte et ce que tu vois en moi n'est que le reflet de l'Essence qui possède son esprit. Mais dans mon cas, c'est différent. Mes éléments sont par nature des forces froides, beaucoup moins impétueuses que des forces chaudes comme les tiennes. Malgré le fait que je sois privée d'humanité, mes instincts restent proches de ce que l'on pourrait appeler une "force tranquille".
- Teuh ! Tu t'es pas vue quand tu massacres, tu...
- Ce n'est pas pareil ! C'est normal d'éprouver de la colère ou de la rage quand on se bat.
- Non, tu agis toujours avec cette cuisante distance qui pétrifie les muscles et fige les sangs. Pourquoi cherches-tu à nier que tu prends tu plaisir à donner la mort ?
- Tais toi ! La voix de la tueuse claqua dans l'air sèchement. Son visage prit une expression acérée qui mettait en valeur sa beauté féroce.
Quintus serra les poings. Que se passait-il exactement ? La tension grimpa de quelques crans pendant que les deux anciens servants de Zalnash s'affrontaient du regard. Xylarm finit par détourner les yeux, replaçant une mèche de cheveux vagabonde derrière son oreille gauche.
- De toute façon ce n'est pas la question. Laisse moi gérer mes propres problèmes et occupe toi des tiens.
- Ah ! Chacun pour soi hein. Tu n'as pas changé. Quand tu es dans le Génif tu restes hautaine et si précieusement intouchable !
A peine avait-il prononcé ces paroles qu'il le regrettait en se mordant la lèvre. Elle n'avait peut-être pas tort de dire qu'il se faisait consumer par son impétuosité. Il détourna le regard vers la forêt environnante.
Xylarm crispa la mâchoire mais ne préféra pas relever. Du bout des doigts, elle écarta Quintus sur le coté et reprit le sentier. Son pas régulier soulevait de petites gerbes de glaces qui venaient mourir sur les ornières en fondant doucement. La température avait encore chuté de quelques degrés et Quintus réprima un frisson. Il emboîta la pas de la démone sans mot dire.
Le silence renfrogné qui s'en suivi n'était morcelé que par le bruit humide des chaussures de Quintus et les craquements occasionnels des brindilles. Il allait falloir trouver une nouvelle manière de briser la glace...et pas seulement au sens figuré. La dernière déclaration de Xylarm l'intriguait plus qu'elle ne l'inquiétait. Il voulait en savoir plus. En vérité, ce n'était pas tant le problème de devenir peut-être un monstre sanguinaire qui le préoccupait, mais plutôt la maîtrise capricieuse de son pouvoir de métamorphose.
Finalement, avec un soupir, il se prépara à faire ce qu'aucun démon ne ferait sans aller se cacher sous une pierre juste après. Rougissant déjà à la racine des cheveux, il marmonna :
- Bon d'accord. Je m'excuse.
Xylarm ralenti légèrement et jeta un regard amusé par dessus son épaule.
- Oh. Pas mal Quintus.
- Oui bon pas la peine d'en rajouter hein.
Pas de doute, l'homme était bien plus à l'aise au milieu d'un franche mêlée bien juteuse. Quintus leva les yeux au ciel et s'imprégna des odeurs de sous-bois dans une grande inspiration. La sève acide des pins, la terre nourricière, les feuilles amères...un véritable bouquet médicinal aux vertus étrangement apaisantes. Tout en s'étirant à s'en faire craquer les épaules, il réfléchissait. La vie n'est jamais simple.
- Il y a quand même une chose qui me turlupine dans tout ça.
- Quoi donc.
- Je suis persuadé que ce n'était pas la Fureur et la Fièvre. Depuis le temps, je les connais bien. C'était autre chose.
- C'est peut-être un effet lié à l'augmentation de leur emprise sur ton esprit.
- Hum. Ca m'étonnerait, grommela t-il dubitatif.
- Quintus, il faut que tu fasses attention. Chaque fois que tu te laisseras submerger par ta colère, tu donneras plus de pouvoir à l'Essence.
- On ne sait même pas si ta théorie est vraie !
- Crois moi, c'est mieux pour toi.
L'homme en blouse de marmiton fronça les sourcils. Il refusait de se rendre à ces arguments. Xylarm était habitée par un froid clame et attentif. Ce n'était pas son cas. Son caractère fougueux et passionné le poussait à toujours aller plus loin. Pas de précaution quand on vit dans le feu de l'action.
Au moment précis où il formulait cette pensée, un choc vibrant lui ébranla l'épaule. Il poussa un juron et trébucha. Juste devant, Xylarm venait de se ramasser sur le sol d'une étrange façon. Quintus leva les yeux. Quelque chose de métallique dépassait de son épaule. Un genou dans la boue collante, il tenta d'extirper le projectile effilé. Un sifflement annonça l'arrivée d'un autre dard. La pointe lui chatouilla l'oreille avant d'aller se ficher dans un tronc.
-Bordel ! Xyl'.
- Humph...
Sans plus de discours, Quintus empoigna la manche de son glaive et se rua dans les sous bois à la recherche du tireur embusqué. A peine sorti du sentier, il se prit deux autres fléchettes, une dans la cuisse et une entre deux côtes. Piquant ! A ce stade, même le plus borné des gorilles aurait compris qu'il n'avait aucune chance dans ses conditions. Il n'arrivait même pas à voir leurs agresseurs. Faisant volte face, Quintus rejoignit la démone prostrée en travers du chemin. Les dents dénudées sur un rictus de couleur, Xylarm avait arraché le dard qui l'avait frappé en pleine poitrine. Son sang clair ruisselait doucement, traçant des sillons écarlates sur sa tunique de cuir. Sa respiration haletante était chargée de cristaux de glace.
- Ca va ?
- -haha- le choc ...
Une autre volée de projectiles les força à se jeter dans la fange brunâtre.
Tags : quintus, xylarm, homme, peut-etre, moi
Suivre le flux RSS des commentaires
Ajouter un commentaire
Créer mon blog