• l'Hiver de l'Homme : Xylarm

    Cinquième Fragment :

    Quintus se souleva sur le coude et cracha le morceau de cartilage qu'il avait dans la bouche.–beurk–. Le choc lui avait fait claquer la mâchoire brutalement. Voilà une chose dont le Gardien devrait se passer dorénavant. Un goût désagréable lui envahissait la bouche, mais ce n'était rien comparé aux diverses ecchymoses qui lui marbraient le corps. Sa main rencontra alors la forme inerte de son adversaire. Ce dernier avait reçut la porte de plein fouet. Une occasion inespérée. Quintus se releva et détala nu vers la sortie. Puis, au dernier moment, il revint sur ses pas et fouilla les poches du gros moine sonné. Il récupéra l'œil de Diépine et passa la chaînette autour du cou.

    Il fit quelques enjambées rapides, ses pieds claquant sur la pierre froide, puis il se retourna pour vérifier que personne ne le suivait. Le laboratoire du Prieur crachait sa fumée dans le couloir comme une gueule de géhenne béant sur un enfer jaune. Et devant, assez incongrus dans ce décor, quelques flocons épars dansaient encore dans l'air. A part ça rien ne bougeait.
    Cette neige. Quintus ne connaissait qu'une seule personne capable de ce genre de prouesse. Et s'il en tombait en intérieur, cela voulait dire qu'elle était dans le monarquement. Mais ce qui n'était pas sûr, c'est que cette personne soit de son coté…à supposer que l'on puisse encore définir des camps.

    Environné d'un nuage de brume jaunâtre qui ne voulait pas le lâcher, Quintus se mit à courir vers ce qu'il espérait être une sortie. Un coup d'œil rapide par une fenêtre brisée lui permit d'apercevoir une traînée de faibles lueurs tremblotantes en contrebas. Il se trouvait toujours dans les hauteurs du bâtiment, il fallait donc descendre. Drapé dans la brume qui cachait sa nudité (il faudrait d'ailleurs bientôt faire quelque chose à ce sujet), il enfila le couloir mal éclairé à toutes jambes.

    Il trébucha dans un escalier en colimaçon et finit par atterrir dans une pièce rectangulaire pourvue de solides tables. La pièce n'était éclairée que par la lueur blafarde de la lune qui s'invitait par une fenêtre. Il faisait particulièrement froid ici. Meurtrit et transit, Quintus s'approcha et repéra plusieurs chopes renversées au hasard. Apparemment les moines avaient été interrompus en plein travail. Passant le doigt sur le bois vernissé, il gratta la mince couche de givre qui le recouvrait. Ce froid n'était pas aussi naturel qu'il tentait de paraître. Elle était passée par ici. Il eut un vague sourire.

    L'homme aux yeux gris couvert de brume attrapa une chope miraculeusement intacte et en huma le contenu. De la Bélier du Diable. C'était toujours ça de pris ! Il s'en envoya une généreuse rasade pour tenter de ramener un peu de vie dans ses membres tétanisés. Affolé par cet assaut subit, son corps se mit à protester violement. Toussant, crachant, s'étranglant à moitié, Quintus s'affala sur une chaise pour reprendre son souffle. Il se releva bien vite avant de se geler le fondement et opta pour une retraite prudente vers les cuisines où il trouverait peut-être une source de chaleur plus tangible. Il garda quand même la chope en pogne.

    La porte du fond s'ouvrait sur une pièce trois fois plus grande. A croire qu'il fallait beaucoup de place pour nourrir la communauté. Des fourneaux en veille s'appuyaient les uns contre les autres, côtoyant des plans de travail et des bacs pour usages divers. La douce lueur des feux couverts diffusait une tiédeur agréable. Quintus sentit une légion de fourmis prendre possession de son corps. S'il n'avait pas trouvé la sortie, il avait du moins trouvé une bonne entrée en matière. Ca sentait le pain cuit et la bonne viande grillée. Ca fleurait bon le houblon et la charcuterie. Un gargouillement affamé répondit aux effluves alléchants qui entouraient Quintus. Il n'avait pas vraiment le temps de se restaurer, mais après ce qu'il venait de vivre, un peu de réconfort serait le bienvenu.
    Agitant les bras pour se débarrasser des derniers lambeaux de brume qui lui collaient à la peau, il mit le cap vers les impressionnants garde-mangers qui garnissaient le mur du fond. Après deux ou trois gorgées de bière supplémentaire, il se sentait déjà nettement plus clairvoyant. La distance qui le séparait du sol était moins affolante et il aurait peut-être pu simplement s'en tirer en sautant d'une fenêtre. Oui…il était temps de manger quelque chose avant d'envisager quelque chose d'encore plus absurde. Il revint vers un plan de travail, les bras chargés de charcutaille, volailles et autres victuailles. Au passage, il mit la main sur une blouse de mitron. Pas idéal mais toujours mieux que son absence de tenue actuelle.

    Alors qu'il s'installait pour un solide casse-croûte, un coup de vent joueur le fit frissonner de la tête aux pieds. Devant lui, la danse des flocons reprit. Plus drue et plus joyeuse que jamais. Imperturbable (rien ne saurait le détourner de sa tâche), Quintus rompit un gros morceau de pain et l'enfourna sans lever les yeux. Il entendit un pas léger et cristallin s'approcher des cuisines. Comme si quelqu'un marchait sur du verre…ou de la glace. Une forme sombre s'avança dans la lueur des fourneaux. Quintus se rinça la gorge avec de la Bélier et jeta un œil à l'ombre dans l'embrasure de la porte. Dans le clair obscur, La silhouette était indéfinissable, mais indéniablement féminine. Ce fut elle qui rompit le silence douillet :


    - C'est toi qui sèmes des nuages jaunes partout ?

    - Salut Xyla, tu as l'air en pleine forme.

    La silhouette drapée de ténèbres sembla hocher la tête en dénégation.

    - Non. Je suis Xylarm.
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  • Commentaires

    1
    Malice bp2
    Mardi 7 Avril 2009 à 17:28
    merci pour ces moments de réel plaisir que tu nous offres !!!! nous sommes conquis et attendons la suite avec impatience ! Chapeau l 'artiste !!c'est vraiment bien écrit et j'aime beaucoup apercevoir de quoi est faite ton imagination.L'histoire est très prenante et nous change beaucoup de notre univers quotidien.alors merci ..et au boulot !!! on en veut encore !!!!bisou bisou frérot !
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