• Prison de verre aux parois trop lumineuses d'une engourdissante torpeur.

    Prison de verre aux parois trop lumineuses d'une engourdissante torpeur.
    A l'intérieur, baignée d'un éclat coloré, une paillette animée d'une personnalité codifiée.


    Ça pourrait être le moyen de s'évader. Simplement regarder par la fenêtre et, à force d'exercice méditatif, de trouver la force mentale adéquate. Mais elle sait bien que ça ne marche pas. Elle n'arrive pas à faire le vide dans sa tête. Et puis… elle sent qu'elle n'aimerait pas ça.


    Il y a en elle trop de choses qui pétillent. Se remplir la caboche avec ce soda acidulé qui cascade en permanence du net, c'est nettement plus efficace que de tenter de se purifier l'esprit à l'eau minérale de la méditation contemplative. S'encrasser les neurones dans le sucre, c'est encore le meilleur moyen de ne pas penser à ce qui tranche, ce qui coupe, ce qui est métallique et qui laisse de vilaines cicatrices violacées, boursouflées par le remord avant même d'être gangrenées par la re-mort.


    Parce qu'en plus tout ça recommence. C'est un cycle. Post-mortem – Pré-natal.

    Parfois, cela dit, elle agite une de ses antennes pour se réorienter.

    Se réaxer.

    Réinventer des horizons imaginaires et les peindre,

    par transposition,

    sur son fond d'écran à défaut de pouvoir les contempler par la fenêtre.


    Mais ça ne dure que le temps de la surprise. Petit à petit, la nouveauté acquiert elle aussi le relent graisseux d'un couloir trop visité. Les traces de pas creusent le sentier qui devient boueux à force de passage et très vite, c'est le bourbier. Et à nouveau, elle s'enlise là dedans. Elle s'englue dans le quotidien.

    Triste, elle renifle à titre posthume.

    Maintenant elle soupire. Tout ça va trop loin. Elle rajuste son masque qui lui écrase l'arête du nez. L'air est froid, filtré par un nuage de brume cotonneux. C'est toujours la meilleure heure pour surfer. Comme le disait Willard dans Apocalypse Now, il y a toujours une petite brise le matin. Ses orteils nus jouent distraitement avec d'anonymes gravats de bétons qui roulent sous ses pieds. Elle se concentre. Ses antennes ondulent un bref instant électrique.

    Elle plonge.

    Des images clignotent. Elle se sent sans cesse séduite par ces invitations à peine subtiles. Elle repasse dix fois par les mêmes endroits pour vérifier que rien n'a changé, mais d'un onglet à l'autre, en l'espace de quelques menues minutes, c'est toujours le même décor.

    Et pourtant elle repasse, encore et encore. Son regard s'engourdit à force d'hypnotisme. Elle le pressent. Il arrive. Ce couloir sans fond. Ce corridor qui ne conduit nulle part. Elle sait que la molassonerie progressive qui empoisse ses nerfs de guimauve lourde va fatalement la porter vers ce tunnel. Elle ne peut rien y faire.

    De toute façon, c'est sa dose

    de narcose

    qu'elle est venue chercher.

    Sans même vraiment en avoir conscience.

    C'est là qu'elle oublie le mieux.

    Un oubli d'une qualité infinie. Un étrange neutre en habit gris. Peut-être avec quelques néons stables enracinés sur les murs de béton. Elle respire. Il ne faut pas oublier les mécanismes essentiels. Elle murmure. Elle touche, le long des murs, la fine perlée de buée qui se cristallise en souvenirs glacés. Juste la surface des choses. Il n'y a pas grand-chose de plus à récolter quand on surfe. Elle en cueille au bout des doigts. Elle voudrait la lécher pour en savourer le suc mais elle ne peut pas. Il y a cette fine étendue transparente qui l'empêche de porter son index à ses lèvres. L'écran, impassible spectateur de son apnée.

    L'écran qui coupe.

    L'écran qui sépare.

    L'écran qu'elle ne perçoit plus. De même qu'elle n'a plus conscience de ses bras, ses jambes, la poussière grise sur ses orteils… Elle en oublie de renifler, son masque s'empoisse.

    Elle dévisage maintenant ce qu'il y a de moins intéressant. Les mutants, les liens sans queue ni tête, les discussions difformes. Les créatures grotesques qui paradent dans ce couloir portent les noms de Ragots, Blagues Boueuses ou Spectacles Navrants. Elle les regarde tous.

    Maintenant elle pleure. C'est comme ça, elle ne peut rien y faire. Le massacre doux-amer du quotidien étalé en grandes polices agressives. L'holocauste de ses inspirations au profit de ces quelques haleines nauséabondes.

    Le net pue. C'est pour ça qu'elle porte un masque.

    Mais

    elle ne peut plus le soutenir. Elle s'arrache à sa navigation brutalement, par saccades frénétiques, sans respecter aucun palier de décompression.

     
    Elle pourrait se       faire          éclater les           poumons, elle                 s'en moque.


    Elle pourrait se déchirer la peau,

    dilater ses orbites au point qu'ils gonflent de manière ridicule… ça n'a pas d'importance.


    Elle émerge de sa torpeur complètement hagarde. Désorientée, à la dérive. Une carcasse de plus qui descend le fleuve Nung.


    Plus rien. Plus aucune pensée. Oblitération totale par l'absurde.


    Maintenant elle se sent bien.

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  • Commentaires

    1
    Sakutei Profil de Sakutei
    Dimanche 28 Août 2011 à 14:34
    2
    Moo Profil de Moo
    Dimanche 28 Août 2011 à 21:40

    Wouhou, c'est la rentrée :D

    Le 10ème passage quotidien aura été le bon, quelque chose a changé :P

    C'est "juste un texte" ou y'a plus que ça derrière ?

    3
    Sakutei Profil de Sakutei
    Dimanche 28 Août 2011 à 22:13

    Hé hé, content de te trouver aussi Moo ^^. Après une longue période de doute, j'amorce ma reprise.

    Pour ce jet, c'est un texte unique. Ma déclaration de guerre au temps perdu sur Internet ! Mais bientôt, je compte continuer sur d'autres idées :)

    4
    Yksin
    Mercredi 7 Septembre 2011 à 20:55

    C'est fou comme je me suis tout de suite reconnue en lisant ton texte (non non je ne suis pas une grande geek...)

    J'adore, et ta plume est toujours aussi merveilleuse à la lecture ! Vivement la suite :D

    5
    Tyni
    Mercredi 7 Septembre 2011 à 21:58

    ...

    Je m'y suis reconnue aussi :x

     

    6
    Moo Profil de Moo
    Mercredi 7 Septembre 2011 à 22:11

    Wouhou, des revenantes :]

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    7
    Sakutei Profil de Sakutei
    Jeudi 8 Septembre 2011 à 00:19

    Wayye o/ De quoi sautiller allègrement. Je suis content que ce texte vous parle ^^. Au début, je l'ai surtout écrit par expulsion.

    N'hésitez pas à y revenir, la porte est ouverte tous les jours :D

    8
    Yksin
    Vendredi 9 Septembre 2011 à 12:17

    Compte là-dessus ^^

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