• Chapitre 50 seconde partie : Encore la Vengeance.

    Bjorn est en méditation. Un endroit calme, le cercle de pierres. D'ici il domine l'essentiel de la plaine sans subir les perspectives écrasantes des hautes grottes percées dans les falaises. Ici, le vent est une caresse de fillette dans les cheveux et non un taureau mugissant qui cherche à vous détrôner de votre perchoir audacieux.
    Ici les idées sont simples, claires, résumées à quelques mots.

    Harmonie, mélodie, blessure, ténèbre, guerre.

    Et doute.
    Et remords.
    Et questionnements.

    Que fait Luk ? Le Marcheur des Cieux n'est pas revenu. Les humains s'apprêtent à nouveau à lancer l'assaut mais cette fois ce sera différent. Ou bien ce sera encore un massacre ? La dernière bataille, a laissé trop de frères sur la plaine de Mag Tuired. Des corps enchevêtrés dans une même mort, ennemis ou non. Au nombre d'eux, Uath et Chobar, tombés avec honneur. Oui mais tombés quand même. Dans la charpie que les hommes ont laissé derrière eux, difficile de reconstituer ce qui appartenait aux colosses nordiques. Viande grise, morceaux de métal brisé, cuir lacéré, poils. Des giclures noires. Pas mal de boue, des bestioles opportunistes et des bijoux fendus.
    L'Etoile du Nord est brisée, son étendard gît quelque part dans la boue rougie du sang de ses valeurs déchirées par les griffes avides d'humains sans foi. C'est une part du peuple nordique qui s'étiole. C'est une branche du grand arbre des thuadènes qui vient d'être tranchée. Et la sève coule…

    En ruissellement.
    En mélodie.

    Oui, le brave lieutenant blond aux goûts simples à besoin de silence. Et du moins de mots possible, pour ne pas nommer l'horreur. Pour bannie les maux de son esprit. C'est ainsi que fonctionne l'anterserk. Elle se nourrit des plaisirs simples de la vie pour édifier la défense absolue. Pas seulement contre les coups et les chocs des corps qui se heurtent, mais aussi contre les idées, les peines et les chocs des cœurs qui se meurent.

    Le plein.
    L'ancien.
    Les simples.

    Alors quand Gord'deo'deo'deomana déboule comme une furie dans le cercle de pierre avec son haleine chaude, ses gestes brusques et son patronyme trop long, Bjorn en perd évidemment une partie de sa sérénité.

    - BJORN ! Tu as vu Sélène ?!

    Le forgeron a l'air aux abois. Evidemment, le nordique ne l'ignore pas, il en pince pour la charmante blondinette. Les derniers évènements les ont rapprochés. Le lieutenant se relève et s'essuie les paumes sur sa tunique fatiguée.

    - Non Gord. Pas depuis qu'elle…
    - Je suis inquiet. Elle est partie. Partie !!
    - Calme toi Gord, reprend ton souffle. Explique.
    - Je l'avais laissé chez le guérisseur après ce qu'il s'est passé. Tu sais… elle a pris enfin… cette invocation… tu n'aurais jamais dû la laisser faire !
    Bjorn prend un air peiné.
    - Je ne suis pas responsable des actes de la maîtresse des rituels Gord, tu le sais très bien. Et même si c'était le cas, rien n'aurait pu la faire changer d'avis. Elle a sauvé nos armées hier… peut-être que personne ne s'en rendra mieux compte que moi.
    - Peut-être, je ne sais pas. Enfin elle a changé… je ne sais pas si c'est grave. Ce rituel l'a profondément changée. Quand on l'a amené chez le guérisseur hier, elle avait l'air dans un sale état. Et entre ses lèvres gercées, elle a trouvé le moyen de croasser quelque chose. Elle m'a dit qu'à partir de maintenant, elle était la dernière détentrice de la magie des thuadènes. Je n'ai pas compris. Ce matin, je retourne la trouver pour en savoir plus et Falosain me dit qu'elle est partie !!
    - Il sait où est-ce qu'elle est allée ?
    - Aucune idée !! Cet abruti était occupé à faire je-ne-sais-quoi.
    - Hm.

    Bjorn se caresse la barbe avec onctuosité, Gord lui, se triture les moustaches avec nervosité. Et tous deux, occupés à tripoter leur pilosité faciale, il en ratent l'essentiel. Sélène n'était pas la seule chez le guérisseur. Des blessés, il y en a toujours par grappes pendant une bataille alors on s'organise comme on peut. Mais en l'occurrence, la hutte de Falosain est réservée aux grandes figures.
    Ces derniers temps, il y avait une pensionnaire chez lui. Une femme également, rousse, blessée à mort avant le début des combat et qui, par un curieux hasard se trouve être une des meilleures amies de Sélène.
    Cette silhouette voûtée sur un bâton s'avance maintenant vers le cercle, claudiquant comme elle le peut et visiblement encore férocement diminuée par l'assaut de viols qu'elle a subis.

    Lorsqu'elle paraît devant eux, Bjorn et Gord restent coi. Le premier voudrait dire, le second voudrait faire, aucun des deux ne peut.

    - Sélène… est partie… dans la forêt, articule difficilement la pauvre créature meurtrie. Puis, changeant sa béquille de main, la rousse s'appuie du dos contre une des pierres levées avec un soulagement évident. Elle se passe une main couverte de bandages sur un visage encore tuméfié, sur le bandeau qui couvre ses yeux morts et vides.

    - Miyanne, souffle le nordique entre ses poils.
    - Bjorn, elle sourit péniblement, je suis content d'entendre ta voix. Tu m'as manqué.

    Elle tousse et reprend son souffle avant de continuer. Aucun des deux thuadènes n'ose plus frémir de peur de la briser par un simple déplacement d'air.

    - Sélène est partie tôt ce matin dans la forêt avec Sigurd. Ils sont allés traquer l'ondine. Ainsi que le voulait le Gardien.

    ***

    Thrace repère immédiatement deux silhouettes et bondit en arrière. Elle jette un œil par-dessus son épaule ; il y a aussi du mouvement par là. Et l'air parfaitement serein du druide n'est pas fait pour arranger les choses. C'est comme s'il la savait parfaitement piégée. Et loin de s'en préoccuper d'ailleurs, il retire une de ses espèces de ventre de rat qu'il porte aux pieds pour en faire tomber les graviers en tapotant la semelle.

    L'ondine réagit comme un animal menacé. Elle arrondit le dos, montre les dents et serre les poings. Déjà contre son coeur, la boule d'eau primordiale de Sataline palpite avec ardeur. Les trois mèches métalliques ondulent, serpentines menaces d'une mort coupante. Lorsqu'elle se sent prête, elle crache :

    - Alors quoi encore ?!

    Quand même un peu nerveuse, elle voit émerger deux grandes formes des bois, suivies de plusieurs petites. Un homme et une femme. Le premier en armes, la seconde en larmes. Non, un instant. Ce ne sont pas des larmes mais des traces noires, comme des tatouages en pleurs sur son visage.

    Thrace tique. Ils s'avancent lentement. Pas de chasseurs, confiants et sûr d'avoir ferré leur proie. A nouveau, l'ondine grimace :

    - Qu'est ce que vous me voulez ?

    Question de pure forme. La plupart des gens qui ne veulent pas la tuer… Le grand gaillard casqué s'avance d'un pas et fait claquer sa langue contre son palais avec une agressivité qui en déformerait l'air :

    - Je suis Sigurd, second lieutenant du Marcheur des Cieux. En son nom, tu vas payer pour avoir amené la mort dans le Sidh !

    L'autre, plus blonde, plus étrange, reste en retrait et écarte simplement les deux mains, paumes dirigées vers la jeune tueuse.

    - Sélène. Maîtresse des Rituels. Dernière Détentrice de la Magie Thuadène.

    Alors qu'elle parle, Thrace ressent l'étonnant jaillissement d'eau qui circule en elle. Des explosions, des courants contraires, contrariés par une main interdite. Oui, aucun doute, cette fille est habitée par des forces puissantes.

    - Tu vas nous rejoindre. Le Gardien a besoin de ton essence vitale.
    - Soumet toi ou meurs ! Tu n'as pas d'autre choix !

    Le druide, lui, n'a visiblement rien à ajouter. En fait il a d'avantage l'air concerné par l'intérieur de son oreille droite que par la scénette.
    Les formes s'extirpent à leur tour des buissons. Petites, contrefaites, moches.

    Thrace sourit. Maintenant que l'adversaire s'est dévoilé, il perd tout son mystère. Et du même coup, une bonne partie de son emprise sur elle. Encerclée mais pas désespérée, deux ou trois coup de taille et ces mochetés auront encore moins d'allure !

     - Je vois, les elfes sont sur le pieds de guerre, alors tout ce que vous avez, ce sont des ratés. C'est avec ça que vous pensez m'attraper ? Il va falloir mieux que ça !

    L'ondine avance le bras droit avec l'intention de faire jaillir Sataline dans sa paume mais quelque chose d'inhabituel se produit. C'est-à-dire qu'il ne se passe rien. Elle sursaute. Comment ?! Retente d'envoyer l'eau à droite mais rien.

    - Tu essaies d'utiliser tes pouvoirs d'élémentaire ?

    L'homme ricane. A côté, un pas en retrait, la petite blonde crispe sa main droite comme si elle tenait un objet lourd et rond entre ses doigts. Puis sèchement elle imprime un quart de tour à son poignet.

    - Sache que la magie des Thuadènes repose sur le contrôle des forces de la nature. Tu ne peux rien contre ça.
    - Et donc tu ne peux rien contre nous.

    Thrace fléchit les jambes lorsque le guerrier s'avance. Il tire une épée large et fait claquer deux fois la lame plate contre son bouclier. Il rentre la tête dans les épaules et écrase quelques brindilles supplémentaires à grand pas.
    Aller ! Aller ! Aller ! Rien à faire, l'eau est comme figée. Thrace commence à paniquer. Ses yeux papillonnent, elle reprend son souffle et…

    - Elle va s'enfuir, lâche quelqu'un tranquillement. Thrace tourne la tête et capte la bobine du druide. Puis l'air résolu du guerrier et le demi-sourire en train de se peindre sur le visage tourmenté de la "magicienne".

    Le contrôle des éléments.  C'est un piège ! Si elle passe sous forme vaporeuse elle sera totalement à sa merci ! Mais si elle reste sous forme humaine, c'est l'autre qui la tient !
    Bon sang. L'ondine recule mais ne peut aller nulle part. Elle remâche sa hargne et garde sa dernière carte pour le dernier moment.

    Acier, lui, ne fait pas partie des forces naturelles.

    ***

    Toujours très inconfortablement niché au sein de mon cercle de métal mortel, je lance un regard interloqué au baron Mordaigle.

    - Agir ? Qu'est ce que vous comptez faire ? Le tuer ?

    Je regrette immédiatement d'avoir posé la question. L'un dans l'autre, ça n'améliore pas l'image que ces gens doivent avoir de moi. Mais surtout, ça me livre pieds et poings liés à leur petite conspiration. Et s'il s'agit bien d'un meurtre…
    Le cœur battant, j'étouffe l'idée saugrenue qui me souffle de ricaner nerveusement. Je ferme les yeux, invoquant Mara, la déesse de la bière, n'importe qui ! Pourvu que ça soit autre chose… Je suis prêt à arrêter l'ivresse !

    - Absolument.

    Autant pour mes velléités d'abstinence.

    - Nous allons le tuer et reprendre le commandement des troupes.
    - Mais c'est une affaire délicate.

    Sans blague ! Merde. Qu'est ce que je viens faire là dedans ?? Je fais sauter la boule de nerfs qui me gargouille dans la gorge.

    - Vous déconnez ! (Un garde toussote, je me reprends). Vous plaisantez ! Ecoutez, je ne sais pas ce que vous prévoyez de faire mais croyez moi, ça ne marchera pas.
    - Notre plan fonctionnera parce qu'il est trop simple justement.
    - NON, écoutez, ça ne mar-che-ra pas. Maille prévoit tout. TOUT ! Il aura prévu ça aussi !
    - Pas ça.
    - Mais si !

    Le baron secoue la tête, se lève et fait quelques pas dans la grande tente.

    - Ecoutez bien Sakutei. Nous allons le tuer parce que c'est nécessaire si nous voulons que nos terres ne soient pas saignées à blanc. J'ai juré allégeance à un meurtrier. Je suis prêt à sacrifier mon honneur pour préserver la vie des…
    - Oh pitié ! Epargnez moi le couplet ! Vous voulez trucider le duc, ça je comprends, mais vous ne POUVEZ pas.
    - Si, et vous allez nous y aider.
    - Moi ? Quoi moi ? Nan mais vous êtes malades ! Je ne suis pas un assassin, je ne sais même pas me battre.
    Le baron reparaît avec une coupe entre les doigts. J'ai la bouche sèche. Il désigne mon bras gauche.
    - Mais vous avez sa confiance. Et vous avez… cette chose.
    - Nous vous couvrirons, nous vous fournirons une retraite sûre et assez d'or pour finir le reste de votre vie confortablement.
    - Vous n'aurez même pas besoin d'assumer le meurtre ! Il suffira de prétendre à l'accident ! C'est la beauté de la chose, vous ne vous contrôlez pas.

    J'essaie de garder mon calme. De déglutir, de me gratter la nuque sans me faire empaler la main, de lever un sourcil, de faire QUELQUE CHOSE !!
    Du calme. Du calme. Je respire.

    - Ecoutez, je connais bien Maille. Ça ne marchera pas.
    - Pourquoi ?
    - C'est… comme ça…

    Et là me reviennent en tête un liste interminable d'épisodes ou j'avais toujours cinq ou six coups de retards. Une foutue interminable succession...

    - Hier, au conseil, vous avez pu l'entretenir en privé n'est-ce pas ?
    - Façon de parler… et puis ça ne s'est pas bien passé.

    Je crois que les hommes interprètent complètement de travers ce que je viens de leur dire. Le goût ducal en matière de raffinement sexuel n'est inconnu de personne.

    - Hé ! C'est pas ce que vous pensez !

    Le baron, soucieux, balaie l'objection d'un geste et se rassoit en face de moi.

    - Sakutei, nous avons besoin de vous. Aucun de mes hommes ne peut s'approcher du duc. Il s'entoure constamment de ses cerbères en armure noire et personne n'a pu leur arracher plus de trois mots depuis qu'ils sont là. Vous êtes le seul.
    - Trouvez quelqu'un d'autre !
    - Oh nous avons un autre plan bien sûr. Mais nous aurions quand même besoin de vous.

    La voix dans mon dos enchaîne :

    - C'est notre chance à tous de revoir notre foyer. Peut-être pas la seule, mais en tout cas la meilleure.

    Une nouvelle fois, je soupire :

    - Nan écoutez, je ne marche pas là dedans. C'est foireux. Oui je suis d'accord, le duc est un dément et tout ce que vous voulez. Mara sait que moi aussi je voudrais arrêter tout ça ! Mais je veux agir à ma façon. Et le tuer… non, c'est trop direct.

    Mordaigle se redresse et me toise méchamment :

    - Parce que nous sommes trop idiots pour comprendre ça peut-être ?! Vous nous prenez pour des demeurés ? Nous avons passé nos nuits à hésiter. Croyez vous que nous fassions appel à vous par gaîté de cœur ?!
    - Vous devez comprendre que nos intérêts se rejoignent. Il est crucial d'unir nos forces. Mais le cas échéant… nous pourrions éventuellement entendre votre idée ? tente de négocier le dénommé Lionel. Le baron grogne. La situation ne s'arrange pas.
    - Ça ne marchera pas.
    - On n'a pas le choix ! Il faut essayer. Vous pouvez solliciter une audience. Faites le, et nous vous épargnerons le jugement qui vous est promis si vous mettez un seul orteil sur notre territoire.

    Ah voilà autre chose. Quand la carotte ne fait pas avancer le bourricot…

    - Vous êtes avec nous ou contre nous.

    Je suis pris au piège. Dois-je trahir Maille ? Dois-je renier ce que me souffle mon instinct ? Je n'ai pas le choix. Je ne peux faire qu'une seule chose :

    - Non, je ne marche pas.
    - Pfeuh. Crétin. Lionel !

    La lame surgit sous mon menton, écaille l'os qui me recouvre la peau et s'enfonce profondément dans ma gorge. Je tombe en avant. Dernière vision sur un jet de sang. Oh voilà pourquoi il n'y avait pas de tapis…

    ***

    L'épée du guerrier passe à quelques centimètres de sa poitrine. Thrace se contracte, bondit sur le côté et retombe nez à nez avec un homoncule hideux qui tente de l'attraper au mollet. Elle lui retourne un coup de pied sévère et fait face au thuadène.
    Le bouclier la heurte en pleine figure, elle tombe en arrière.
    Elle esquive la mort d'une roulade et se repositionne. Un appui levé. Le guerrier charge. Thrace esquive. Sa main droite file. Elle claque sur une protection de bronze. Raté. L'épée siffle à nouveau ! A un cheveu cette fois.

    - Aaaaah !

    Elle bascule en avant et gratifie son adversaire d'un coup de talon sous le menton. Presque.

    - Ça suffit ! Veux-tu donc mourir ?

    Pour toute réponse, elle bondit sur la fille mais se voit immédiatement repoussée par un courant d'air. La garce ! Elle retourne son ardeur contre un homoncule et se retrouve prise entre les attaques physiques et les impulsions magiques des deux thuadènes.
    Pas encore, pas encore.
    Elle ronge son frein, guette l'opportunité idéale. Les assassins ne raisonnent pas de la même manière que les bagarreurs. Elle ne peut porter qu'un seul coup, fatal et décisif. Normalement l'attente se fait dans le noir, dissimulée et hors de portée. Mais elle peut aussi se faire dans la chaleur du combat.

    Thrace baisse le dos et pivote sur une jambe pour passer sous l'épée. Ça devient difficile ! Encore le bouclier, puis un mouvement furtif sur la droite. Un homoncule se retrouve éjecté de la mêlée d'un coup de pied.
    Ceux là sont tout au plus une gêne mais ils la distraient au moment où elle a besoin de toutes ses capacités. Elle ne doit pas manquer sa chance ! Si seulement elle pouvait se débarrasser du verrou magique…

    Oscillant brièvement à l'issue d'un enchaînement un peu hasardeux, Thrace reprend le mors aux dents et se jette en avant dans les jambes de son adversaire. Elle roule, prend un coup dans les côtes et se relève dans son dos. Juste avant qu'il ne se retourne, elle lui crochète le coude et le tracte brutalement. Déséquilibré, il tourne autour d'elle, juste à temps pour le faucher d'un croche-patte. Il tombe ! Piaffant d'impatience, Thrace lui écrase la poitrine d'un coup de genou, replie le bras gauche devant son masque noir et…

    Trop tard !

    Le rugissement des flammes dans son dos la pousse à se jeter sur le côté. La magicienne tient ses deux bras tendus devant elle, rassemblés au niveau de ses doigts joints. Elle incante :


    - Brumeux, Follets, Fangeux, entendez ma voix. Grondez, crépitez, Gloutonnez ! Avalez !

    Oh putride ! Une odeur néfaste lui saisit les narines. L'ondine n'a même pas le temps de comprendre que déjà, le guerrier se relève et la repousse brutalement. Elle se venge sur un autre homoncule et se prépare à recevoir le fruit de la tempête. Tout autour, des flammes dansent, des ondulations invisibles déchirent l'espace… et… et...
    Elle tente de se déplacer mais ses bottes lui répondent par la négative dans un bruit de succion. Le sol l'avale ! Cette fois, elle panique vraiment. Des craquements montent derrière son dos. Encore des homoncules ?

    Non, pire ! Une autre silhouette martiale ! Lame au clair, le visage dissimulé par une solide épaisseur de métal. Poisse, un autre guerrier dans la danse, cette fois il va vraiment falloir innover.

    La tueuse s'apprête à tenter le tout pour le tout, elle rassemble ses forces au moment où les deux épées fondent sur elle. Elle se crispe ! Et dans un fracas assourdissant à ses oreilles, les lames s'entrechoquent brutalement. Uh ? Interloquée, Thrace reste suspendue sous le double fil. L'un ébréché et l'autre parfaitement entretenu. Une lame de bronze contre une lame d'acier. Mais les elfes ne possèdent pas…

    - Un humain ?! Ici !

    Confirmation du soupçon, ce nouvel invité n'était pas prévu sur la liste. Thrace en profite immédiatement et assène une terrible manchette sur le tibia du thuadène. Une attaque qui –en théorie- n'aurait pas dû lui faire si mal. Mais il hurle, saute en arrière, se réceptionne maladroitement et trébuche dans un gémissement.

    L'ondine se relève et ramène son bras droit devant sa poitrine. Les écailles d'acier reluisent d'un éclat brûlant sous les feux croisés des follets. Un sang écarlate en coule. L'art d'une tueuse, c'est justement de bousculer les théories.

    La magicienne pousse un cri aigu et jette ses forces dans la bataille. L'humain bondit à travers la tourmente de feu sans exprimer le moindre inconfort il lève son épée et… comme précédemment pour l'ondine, se fait repousser immédiatement par son bouclier de vent.

    - Qui es-tu ?! Comment es-tu arrivé ici ?!

    Effectivement, il a l'air un peu perdu l'humain. Un grand gaillard bien bâti. Aucun signe distinctif ne permet de le désigner. Seule particularité, et c'est un fait étrange, une vilaine coulée sombre à l'arrière de sa côte de maille.
    Le soldat glousse. Ou du moins, c'est sans doute ainsi qu'il faut interpréter le son rocailleux qui sort d'entrefer. Ça aussi c'est étrange. Thrace sourcille.

    - Ça n'a pas été facile.

    D'abord la voix croasse, comme si elle n'avait pas servi depuis un moment. Mais bientôt elle acquiert les accents d'une pénible familiarité. Et pour l'ondine, c'est pire qu'une douche froide.
    Elle se passe une main dégouttée sur le visage lorsque le soldat décline son identité.

    - Je suis Mélanargie. Nécromancienne de l'Université Noire.

    Puis à l'attention d'une ondine proprement médusée, la tête casquée reprend :

    - Maintenant tu vas comprendre pourquoi on m'appelle maîtresse ès lieuse d'ossement.

    ***

    - Vous savez, croassé-je avec un soupçon (oh à peine) d'ironie noire entre les dents, quand j'ai écopé de cette malédiction…

    Je me relève lentement sur les paumes. Mes doigts griffent un sable tâché de mon propre sang. Je relève les yeux. Noirs. Très noirs. Je fixe, le baron médusé, les gardes pétrifiés qui quittaient déjà la place. Tout le monde. Une démence sauvage s'empare de moi. Je la sens battre à un rythme infernal. Elle est là : la puissance de la nécromancie.

    - … j'ai rapidement compris qu'Elutrine me conférait des capacités de régénération extraordinaires.

    On les sent floués. Ils tranchent une gorge et voilà que je me relève avec ce sourire sardonique. Le baron va en prendre la chaude-pisse !

    - Lionel ! Gardes ! Tuez… !
    - Ça ne sera pas si simple, dis-je avec un calme excessif.

    Je fais lentement monter ma main gauche dans mon champ de vision. La suture de ma gorge progresse vite. Je sens les filaments d'Elutrine se ressouder. Il n'y a plus aucun doute sur le fait que je suis maudit sans espoir de retour. Elle tient mon corps et tout ce qu'il y a de vital en lui.
    Je fais tomber le gant de maille et rejette la tête en arrière.

    - Vas-y Elutrine, fais les souffrir, dis-je avec une pointe d'amertume, les yeux brûlants d'une haine douloureuse.

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  • Commentaires

    1
    Moo.
    Vendredi 15 Avril 2011 à 21:54

    Je crois qu'il va encore me falloir un résumé de l'épisode précédent, je sais plus du tout où on en est XD


    /me part se cacher (et se replonger dans l'épisode précédent par la même occaz)

    2
    Takeshi k
    Lundi 18 Avril 2011 à 13:39
    Y a pas à dire j'adore ces scènes de combats et l'ambiance que tu y mets. On ressent la peur, la hargne, la haine et le sang c'est mortel. Enfin Melanargie apparaît! Bon je suis sur mon tel donc je te ferai pas 20 lignes mais là t'as pas le choix que de poster vite la suite si tu tiens a ta vie ( et je laisse le plaisir à Kim de crier)
    3
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Mardi 19 Avril 2011 à 15:46

    Vi vi vi laisse moi crier la suiiiiiiiiiiiiiiiite!!!!!!!! Ah mais en plus il me met Thrace dans une situation!!!!  Et Sakutei pas mieux. Non il va pas accepter de tuer Maille quand même?!!!

    AH pi ouiii Mélanargie^^ je sais toujours pas quoi penser d'elle, perso à détester ou non? on verra, c'est comme pour gawain (zut moi aussi j'oublie les noms) j'arrive pas à le detester même s'il moleste ma Thrace chéri, son coté pervers sadique me plait^^.

    Moo en fait il faut relire les 4 derniers chapitres avant d'attaquer le 50 (enfin partie 1 et 2) tu verras on s'y retrouve mieux^^.

    4
    Sakutei Profil de Sakutei
    Mercredi 20 Avril 2011 à 11:47

    Merci pour vos commentaires ! Je suis un peu long à la détente, j'étais parti musarder sur Paris... puis le retour, le décalage horaire, tout ça...

    Moo : en fait ça m'intéresserait de savoir ce qui est le plus "paumant". J'avais un peu peur que le retour de Miyanne fasse confusion mais apparement ce n'est pas la seule chose. Enfin, c'est peut-être juste que je traîne misérablement xD.

    Takeshi : oui c'est exactement ce que je cherche à donner. Le goût du sang sur la langue :D


    Akemi : Mélanargie à la base, c'est un peu ma favorite en fait... mais pas forcément parce qu'elle est à aimer x). Seulement jusque là elle est restée en arrière plan. Comme les autres nécromanciens, elle manipule huk huk huk.

     

    Je bosse sur la suite depuis hier, normalement, ça nous rend un post demain au plus tard o/ (prévoyez mon retard habituel cela dit...).

    5
    Moo.
    Mercredi 20 Avril 2011 à 22:32

    Akemi : j'ai déjà relu les 2 ou 3 chapitres précédants le 50.1 avant d'attaquer sa lecture, mais quand le 50.2 est arrivé, j'arrivais plus à me souvenir d'où est ce qu'on avait laissé les principaux protagonistes. Du coup, je suis reparti relire le 50.1 avant même de lire une seule ligne du 50.2


    Sak' : y'a rien de paumant, c'est juste qu'une coupure de quelques jours suffit parfois (souvent ? -__-') à me faire perdre le fil. Ca a été le cas cette fois ci, j'essaierai de faire mieux la prochaine fois XD


    Et pour finir une citation : "la suiiiiiiiiiiiiiiiite!!!!!!!!"

    6
    Sakutei Profil de Sakutei
    Samedi 23 Avril 2011 à 08:57

    Ah ah, merci Moo mais c'est plutôt moi qui suis trop lent de la plume ! J'essaierai de m'améliorer :)

     

    Et bardaf, je vais arriver à poster cette suite aujourd'hui ! Huk !

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