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    Le jour. Une paume tiède contre la joue, je relève le menton, pensive. Le téléphone. Il fait tristement gris ce matin. Plantée devant la vitre avec une brassée de documents dans le bras, je vois d'avantage mon reflet que le reste de la ville, répandue quelque part en contrebas. Cet "en bas" que je n'ai pas contemplé depuis des années. D'ici je ne vois que les toits. Plats, lisses, noirs, où des blocs de ventilations poussent de ci de là comme de l'acné à hélice.
    Je me retourne. Trois pas jusqu'à mon bureau dans ce couloir en teintes sinistres. La machine à café bourdonne avec ardeur. Déjà soixante treize mille tasses depuis ce matin.

    Je passe la main sur le montant métallique de la fenêtre. Une limaille de métal se fiche dans mon index au niveau de la jointure de deux phalanges. Je relève le doigt. Et étonnée, je découvre une goutte de sang. Une petite coulure vermillonne. Mes yeux se réduisent. Une traînée sensuelle, langoureuse, délicate. D'une folle indécence.

    Ce n'est que lorsque je la lèche que le mot résonne dans mon esprit. En même temps que le goût cuivré. Trois syllabes. Je me retourne vivement. Je sais déjà ce dont il s'agit. Je n'ai pas besoin de la confirmation bureautique d'instruments déréglés par la puissante montée des énergies.

    Le Canabalt.

    Les lumières clignotent, rouge, vert... puis autre chose. Le sol se met à trembler. Je sais que je dois courir maintenant. Je n'ai pas le choix. Pas encore de vrai choix à part celui de rester et de mourir.

    Canabalt.

    L'avaleur de sensations, le parasite des sens. Mais une réelle menace. Tangible et mortelle. Je cours. Mes talons aiguilles me gênent dès les premières foulées. Je les envoie balader derrière un bureau.
    Je croise les avant-bras au moment où des fissures apparaissent le long des murs. La baie vitrée explose sous l'impact de mon corps lancé à pleine vitesse.

     

    Canal Baltique