• Lève toi
    Assez tôt,
    Pour
    Du festin mystérieux
    De la nuit
    Receuillir ces quelques
    Miettes

    Paul Claudel



    Cabriole, saut, course, trébuche, évitement de justesse. Glisser, déraper, contrôler plus ou moins. Coudes au corps, souffler en cadence. Vraiment courir dans une forêt touffue, c'est encore pire que de s'y battre. Il y a trop d'obstacles visuels, trop de choses à gérer. Mais je fais de mon mieux. Et pour tout dire, je ne m'en tire pas trop mal.

    - Tu lambines humain !

    Tsss. L'enfoiré.

    - Grimpe !

    Avant même que je puisse tourner la tête, une puissante chose poilue me chope entre les mollets. Avec un cri de surprise, je me fais soulever, je bascule sur une échine anguleuse. Le fauve noir !

    - AAaaAAAaaaaah !

    Dès lors, notre vitesse acquiert une pointe à m'en déraciner les cheveux, du moins, ce qu'il m'en reste. Tétanisé par la vision de ces formes floues qui prennent toujours l'air viceux de venir écraser sur ma tronche avant de s'effacer au dernier moment, je me tasse sur ce félin sans même m'en rendre compte. Et si jamais il gérait mal le volume ? On dit qu'un chat peut passer n'importe où du moment que ses moustaches passent. Mais là c'est différent. Et moi, perché sur le dos de la bête, je me demande bien pourquoi je me turlupine pour des détails aussi absurdes alors que pour le moment, mon véritable tracas devrait plutôt être la proximité grandissante de cette braaaaaaaanche !
    Je resserre mon étreinte, ferme les yeux et heurte le sol feuillu lourdement. Choqué, je ne comprends que je suis à terre que lorsque je relève la tête. Je vois deux bottes pourries.

    - Arrête de m'étrangler crétin.
    - Huh ?
    - Serre moins fort.

    Hapé de nouveau, projeté pour être mieux rattrapé, nous revoilà parti aussi sec. J'encaisse le choc dans les parties et, puisque la grosse bête a aussi l'échine remarquablement dure, ça me fait un excellent dérivatif à ma trouille bleue pendant les longues et douloureuses minutes de notre périple insensé.

     

    ***



    La danse mortelle. Baignée d'un halo azuréen, l'ondine frappe, l'ondine tue. Elle se taille son chemin dans la mêlée sans chercher le détail. Elle se contente d'avancer. Pas une fois ses bottes ne reviennent dans les traces qu'elles ont déjà laissées. Et même si son sillage s'émaille de quelques floculations de son propre sang, elle gagne encore en puissance à chaque fois que son épée taillade une carrotide. A chaque fois que sa main tendue coupe un souffle définitivement. A chaque fois que du genou, de la tête ou du pied, elle expédie un mourrant dans l'autre monde. Elle foule les cadavres encore tièdes et s'abreuve de leurs ultimes plaintes. Jamais encore elle n'a ressenti ça.
    Ses lames tournoient autour d'elles. Déjà deux fois elle a brisé ses épées. Qu'importe pour une lame de perdue, elle en récupère dix. Il y a suffisement de chutes autour d'elle pour qu'elle récupère quelques copeaux de son élagage de gros.
    Elle a même résorbé ses écailles d'Acier qui sont revenues s'implanter dans sa chevelure. Elle n'en a pas besoin pour le moment et le crissement des trois mèches métalliques dans son dos ponctue sa musique de notes cisaillées qu'elle apprécie.

    Une main se lève. Elle frappe. Droite bloquée. A gauche pour lacérer. Elle détourne un bras, appuie sur un poignet et perce avidement ce qui se trouve derrière. Partie charnue. Agonie de tripes fumantes. Elle continue. Ça claque. Trois épées s'abattent sur elle. Elle croise les bras, écarte les jambes et d'une virevolte trop vive, fait reculer les trois thuadènes qui écopent de sales blessures dans le mouvement.
    Bras écartés, elle sourit et pique ses deux épées dans la poitrine du plus proche. Elle les laisse là, le fait basculer d'un coup de pied et agripe une autre arme au vol. Elle progresse encore. Les os craquent, les dents claquent, les muscles se déchirent. Elle frappe.

    Toute occupée à sa giclante besogne elle ne remarque pas que le cours de la bataille évolue. Elle est plongée dedans, trempée jusqu'aux coudes d'ichor, de sang, de sueur, de tout ce qui sort d'un corps. Autour d'elle, plusieurs soldats humain ont compris qu'ils ont un intérêt à se ranger du côté de cette furie masquée qui tranche tout ce qui passe à sa portée. Ils progressent derrière elle, achevant les blessés, les laissés-pour-crever-la-gueule-ouverte, les semi-mort, les abandonnés de l'abdomen, les éborgnés. Ils sont presques contraints de courir pour la suivre mais ils sont là.
    Ils crient, ils encouragent celle qu'ils considèrent d'ores et déjà comme une héroïne. Une meneuse au charisme éclaboussant. Et qui plus est, ça ne peut pas être un motif de désagrément pour une bande de mâles surexcités, c'est une femme avec tout ce qu'il faut, là où il faut.
    Sans le vouloir, Thrace est en train de se fédérer un noyau de fidèles qui s'enfonce dans la masse thuadène sans que rien ne parvienne à les arrêter. Beaucoup trop loin pour que les lignes de front suivent. Beaucoup trop. Mais ils sont là.

     

    ***



    Maille fronce un sourcil.
    - Mais qu'est ce que c'est ce que cette trouée ? Le centre ennemi est déjà éventré ! Du travail baclé ça !
    - Je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit ça Monseigneur. Regardez comme les elfes se sont reformés derrière. C'est juste un groupe.
    - Je vois, des exubérants qui foncent au massacre. Leur entrain fait plaisir à voir. Dommage, ils vont tous y rester s'ils restent là.

    Un baron barbu (et passablement barbant), pointe les arrières ennemis de son doigt ganté.

    - Monseigneur, regardez ! Ils injectent de nouvelles forces dans la bataille.

    Effectivement, une troupe est en train de se mettre en branle au fond. Pas très nombreuse. Non vraiment pas nombreuse. Qu'espèrent-ils faire ?

    - Hmm, ceci aura au moins eu le mérite de les faire bouger. Alors voyons, qu'elle sera leur stratégie ? (Il se frotte les doigts, l'air d'un gourmet qui s'apprête à s'attabler devant des saveurs exotiques). J'adore contrer les stratégies !



    ***



    Bjorn et ses fidèles n'ont pas d'arme. Pas de casque, pas d'armure. Pas même une simple bandelette de cuir. Ils fendent les rangs de leurs frères silencieusement. Résolus, impassibles, ils avancent. La montée des anterserks. Sur leur passage, les elfes hochent respectueusement la tête. Ils sont comme des sages pour eux. Des anti-guerriers. Certains les méprisent parce qu'ils ne comprennent pas, mais la plupart savent ce que doit endurer un anterserk pour vaincre ne serait-ce qu'un seul ennemi. Le don absolu de soit. Le sacrifice permanent.
    C'est pour ça qu'ils sourient rarement. Personne ne trouve amusant de se faire transpercer le cœur encore et encore. Les anterserks sont les seuls nordiques a ne pas goûter la ferveur d'une bonne bataille bien goulue.

    Les échos se font plus rageux, les mouvements plus confus. C'est le moment. Le robuste lieutenant blond lève une main et tapote l'épaule du guerrier le plus proche. Dans son dos, une jeune femme aux tresses natées en couronne se fait craquer les phalanges.

    - Laissez nous les.

    C'est une sorte de cri de guerre. Très calme dans le genre. Quand les anterserks réclament le combat, alors il n'y a plus rien à dire. Pas besoin de gueuler, il faut juste s'écarter. La petite troupe de Bjorn s'engage dans le tumulte. grandissant. A peine chahutés par les heurts des corps qui s'entrechoquent, ils marchent ensemble, serrés mais pas pressés. Déjà certains joignent leurs mains, ferment les yeux ou retiennent leur souffle, selon la méthode qu'ils adoptent en pareille situation.
    Il y a de quoi être impressionné. Il faut avoir une confiance inébranlable pour marcher ainsi au devant d'une mort certaine sans aucune protection. Juste la certitude que rien ne pourra les atteindre.

    Les humains, trop facile à berner, repèrent rapidement ce petit tas d'elfes désarmés. Une chance ! Une opportunité ! Ils foncent. Ils se ruent sur ce qu'ils pensent être une brèche. Bjorn ne sourit même pas lorsque la première épée plonge vers sa poitrine exposée.

     

    ***



    - Allez mais allez !!

    C'est impensable ! D'où ça sort ça ?! Les soldats tombent comme des mouches autour de cette espèce de troupe tribale venue de nulle part. Les coups ne semblent pas les affecter et quoiqu'il en soit, eux, font terriblement mal à leurs adversaires. Mais comment font-ils ??
    Sans réfléchir, les sergents ordonnent l'acharnement. Les coups tombent toujours plus durement et les corps suivent d'autant plus rapidement. Mutilés. Défigurés. Atterrés. Déjà, les soldats hésitent. Les moins aguerris reculent. Et c'est là que les autres en profitent. Ils se ruent dans cette faiblesse derrière les démons blonds.

    - Resserrez les rangs ! Ne les laissez pas passer ! Braille quelqu'un.

    Quelque part, un archer survivant trouve le moyen de se ménager un espace pour encocher une flèche. Il bande son arc et vise le meneur. La tête de cette bande de furieux. Le curare, ça ne pardonne pas !
    Le trait part, fulgurant, faisant tourner les têtes.

     

    ***



    Bjorn sent le projectile arriver. Prévisible. Il le reçoit, semble t-il de plein fouet dans le ventre et pourtant, une fois encore. Rien, aucune plaie. Aucun impact. Il desserre les dents et reprend son souffle. Encore une fois.
    Les humains massés autour de l'archer piaillent de terreur lorsqu'ils voient leur camarade s'écrouler la bave aux lèvres. Cette fois, ils ont compris que leurs attaques leur sont retournées. Mais ça ne change rien. Ils ne peuvent pas les arrêter pour autant. Bjorn continue son avancée.

     

    ***



    Nemed regarde le combat depuis le promontoire avec les autres, et depuis quelques instants, il arbore l'air impatient de celui qui voudrait se trouver ailleurs. Il danse d'un pied sur l'autre, il s'agite. Il marche de long en large et d'un coup, se bloque :
    - Semeur, les anterserks percent le flanc ennemi. Nous pourrions…
    - N'en faites rien, oppose le capitaine en levant la main. Bjorn ne pourra pas protéger d'autres hommes que les siens. Tout autre se ferait massacrer.
    - Mais il faut s'engouffrer dans la brèche.
    - C'est précisement ce que le commandant humain attendra. Non, nous allons profiter de ce mouvement pour accentuer la pression sur toute la ligne. C'est en les faisant reculer partout que nous allons les repousser. Si nous perçons, ils vont nous avaler. N'oublie pas que leur nombre jouera toujours en leur faveur. Le gros de leurs troupes n'est pas encore arrivé au contact, c'est une opportunité à saisir maintenant.

    Le meneur dépressif, enroulé dans sa cape grise, branle du chef et se dandine sur les pieds. Il hésite à approuver ou à douter du plan de son capitaine. Ça semble trop basique, trop simple comparé à l'ingéniosité des humains. Il s'essuie les paumes sur les cuisses et reprend :

    - Devrais-je faire marcher ma cohorte ?

    La tête casquée pivote vers lui. S'en suit un long silence gênant.

    - Non toi Nemed, je te réserve un rôle précis. Tu interviendras au moment précis où je te le dirais. D'ici là, contente toi de mémoriser la configuration du champ de bataille.

    La cohorte de Nemed, la Bras d'Argent, si elle est la plus ancienne de toutes est aussi la moins fournie et la moins glorieuse. A cause du manque certain de charisme de leur dernier meneur en date, les rares elfes qui se sont rangés sous sa bannière manquent tous de cette combativité essentielle aux hauts faits. Mais les guerriers qui ne se laissent pas aveugler par la témérité trop audacieuse ont leur utilité dans des cas critiques.
    Et alors que Luk suit du regard la progression inexorable de la petite ondine, il est clair qu'il a trouvé là, un parfait exemple de ce qu'on appelle une hardiesse folle. Et d'un ton rogue, il ordonne :

    - Que Jampre pousse les humains en arrière maintenant.

     

    ***



    Le duc voit venir la manœuvre des elfes. Ils enfoncent un côté et se servent de la confusion pour gagner du terrain. Il glousse, lèvres serrées. Un des barons s'emporte.

    - Monseigneur, ils vont nous acculer à la forêt !

    En effet, les troupes humaines sont si nombreuses qu'elle emplissent leur côté de la plaine. En poussant comme ils le font, les elfes empêchent les renfort d'arriver. Pire, ils empêtrent les unités, provoquant des situations confuses en arrière plan alors même que les avants perdent leur cohésion.

    - Aucune importance. Pensent-ils que ce genre de mouvement va suffire ? Ça ne fait que rapprocher les légions du Croze Hermitage et les troupes du Brehan. Laissez donc reculer nos hommes de tête. Ça laissera quelques rescapés à Lacevent qui pourront se vanter d'y avoir été.

    Le petit Grise sourit :

    - Apitoiement momentané Monseigneur ?
    - Maille de Sérénité, c'est un nom qui se complète gracieusement par "Clément" non ?


     

    ***



    Luk ricane à son tour.

    - Semeur ?
    - Les humains pensent qu'ils vaincront par leur seul nombre ! Ils se tassent en pensant que leurs fantassins lourds pourront les soulager. Ah AH AH !

    Les chefs elfes se regardent avec inquiétude. Certains se tournent vers la figure autoritaire du Gardien. Mais celui-ci semble confiant. Il ne bouge pas, assis sur un trône de pierre. Il regarde son Soldat dérouler sa bataille. Il a visiblement une confiance si séculaire que personne ne doute un instant que le Semeur de Chaos n'a pas mérité son nouveau nom par hasard.

    - Maintenant ils tombent à leur tour dans mon piège ! (Il étend le bras) Donnez de la trompe maintenant !

    Les notes se succèdent l'une après l'autre. De plus en plus graves, vibrant d'une colère et d'une énergie trop contenues.

     

    ***


    - Monseigneur ! A l'arrière ! Des elfes sortent du bois !
    - De l'autre côté aussi, par la rivière !
    - Des archers ! Ils utilisent des archers !

    Sur le tertre de commandement, la stupeur rivalise avec l'angoisse. Revirement inattendu, les troupes d'élites humaines viennent de se faire encercler sur trois côtés.

     

    ***



    Dans la mêlée, c'est la confusion la plus totale. Gênés par la proximité les uns des autres, les soldats réalisent petit à petit que des affrontements éclatent un peu partout. Leurs pieds ne trouvent plus d'appuis fiables, ils pivotent en tous sens. Et le son lugubre des cors de guerre continue d'imposer ses sourdes tonalités. Les légionnaires choisissent de camper sur leur position. Ils forment un arc défensif et bloquent la progression efficacement. Ce n'est évidemment pas le cas des autres troupes, plus légères, moins solides, qui sont obligées de reculer. Le Croze ne pourra pas tenir toute la largeur du front. Ils referment leur position. Ils tiennent bon. Vétérans indélogeables. Les coups de leurs adversaires ne les atteignent pas.
    Les archers de Lacevent qui se font déjà malmener depuis un moment décident sagement de battre en retraite. Ils retournent vers la forêt mais leur mouvement gêne les troupes qui veulent monter derrière.
    Sur la droite, les épéistes du Brehan qui constituent une autre des forces majeures du Delta se fait prendre à parti par deux cohortes regroupées en une seule. Un fait inédit mais pas de taille à effaroucher suffisement les porteurs de claymore qui n'attendaient que ça pour se dérouiller.

    La situation semble rétablie assez naturellement. Les elfes ne sont pas assez nombreux pour les submerger et il arrive toujours plus de troupes fraiches, ardentes de se battre à leur tour. Pour le moment cinq baronnies sont engagées sur le terrain. A celles déjà évoquées, s'ajoutent des soldats moins professionnels mais assez bien équipés, les troupes de Vasteterre et de Hauterive. Cinq sur dix-neuf et les elfes sont en difficulté. Ils n'ont aucune chance. Une énorme roulement surprend tout le monde et fait trembler le sol mais il en faut plus pour briser leur concentration. Certains relèvent la tête, persuadés qu'un pan de falaise vient de s'écrouler mais rien d'inhabituel ne se profile. Alors continuent.

    Les légionnaires appliquent leur tactique habituelle. Les décurions prennent en charge des groupes de dix et morcellent les ennemis en petits morceaux qu'ils combattent avec une efficacité redoutable. Eux même supervisés par les centurions qui restent au centre, contrôlant leur troupe par de simples signaux codés.

    - Javelots !

    Une volée de traits allongés surgit d'entre les cuirasses. Les elfes réagissent admirablement. Les boucliers ronds décorés d'un pin s'interposent, les pointes se fichent dans le bois tendre. Un des gradés du Croze sourit, il tape son glaive sur son pectoral en manière de provocation. C'est précisement le but de la manœuvre.
    A leur désagréable surprise, les elfes se retrouvent soudainement incapables de se protéger correctement. Ouverture ! Les javelots à manche souple ne sont pas faits pour blesser non. Leur rôle est de se planter dans les boucliers adverses pour les alourdir. Rodés à la manœuvre, les soldats en profitent immédiatement pour pousser leur avantage. A leur tour, ils usent de leurs propres pavois pour déplacer la ligne de force.
    Certains glissent, la boue semble partout. Les pieds pataugent littéralement dans une vase gluante qui ne cesse de s'alimenter par le sang et…
    Un décurion baisse les yeux sur ses bottes. Quelque chose ne va pas, ce bourbier est trop clair et bien trop liquide. De l'eau ?! Mais comment ?

    Au même instant, des exclamations retentissent en arrière. Une fumée acre les saisit tous à la gorge. Une rougeur inquiétante éclate dans la forêt. Des craquements, des crépitements. Quelqu'un a mis le feu au bois qui les sépare des renforts !

    Des flèches s'abattent alors sans merci, semblant venir de tous les côtés. Des corps tombent, trébuchent, la gueule dans l'eau. On patauge de plus en plus, jusqu'aux mollets. Les légionnaires commencent à peiner, trop lourds. L'eau monte toujours plus vite.

    - C'est… la rivière… bégaye un des soldats trempés en désignant la rive avachie qui vomit son contenu dans leur direction. L'effondrement, c'était ça ! Ils ont détourné la rivière !!

     

    ***



    Outre ses piliers remarquables, la plaine de Mag Tuired forme une sorte de cuvette encadrée par de nombreux arpens de forêt, des colines et par la rivière qui serpente en travers du Sidh. En dissimulant des troupes à l'avance, Luk s'est arrogé l'avantage du terrain. Les chasseurs de Zétane sont invisibles, impossibles à voir s'ils ne le désirent pas.
    Ce sont eux qui ont coupé la retraite et la ligne de ravitaillement. Ce sont eux qui ont fait s'effondrer des rochers dans le cours d'eau pour le déverser sur les troupes ennemies, présicement agglutinées dans un trou. Et ce sont encore eux qui les assaillent maintenant en les lardant de flèches. De l'eau, des flammes, finalement il est toujours possible de pallier à la perte des follets et des fangeux.

    - Et c'est maintenant que Skeld entre en action, s'amuse Luk. Faites donner les berserkers.

     

    ***



    Ils surgissent par dizaines ! Barbus échevelés à moitié ou totalement nus. Encore eux, encore ces fous de guerre. Maille serre le poing.

    - Je croyais qu'on les avait tous exterminés ceux là !

    Les nordiques bondissent dans l'eau sans se soucier de rien. Il foncent au massacre en beuglant sans relâche, dispersant, étripant, craquant les meilleures troupes de Maille embourbées dans cette pataugoire. Les soldats lourds ne peuvent plus bouger, les soldats légers ne peuvent pas se défendre.

    - Il faut envoyer des renforts !
    - Impossible avec cet incendie.
    - Alors…

    Le duc se crispe. C'est la première fois que ces nouveaux vassaux le voient manifester un réel signe de contrariété. Puis il se détend et soupire.

    - Ces elfes… ils sont coriaces comme prévu.

    Un petit rire. Le duc n'aime pas perdre.

    - Très bien. Grise, où en sont nos machines de guerre ?
    - Et bien dans la perspective d'un conflit étendu, nous avions pensé assembler plusieurs balistes et catapultes mais vu le délai dont nous avons disposé…
    - Combien ?
    - Pour le moment nous n'avons qu'un seul mangonneau et trois balistes.
    - Laissez tomber les balistes. (Il pointe une zone du doigt). Armez la catapulte et faites la tirer sans discontinuer par là.
    - Sur nos hommes ? Mais…
    - Faites ce que je vous dis. C'est là où les combattants ne peuvent pas bouger que les impacts feront le plus de dégâts.
    Un baron s'avance, le feu aux joues.
    - Monseigneur, nous n'allons pas sacrifier…
    - Les soldats meurent parce que c'est leur rôle ! Ne discutez pas mes ordres ! (Il claque des doigts). Messire Sreng !

    Le mastodonte en armure noire donne aux arguments de Maille le poids qui pourrait éventuellement manquer. Les récalcitrants se claquemurent dans leur bouderie revêche. Passé son accès de brusquerie inhabituelle, le duc rajuste son manteau et se recoiffe vigoureusement du bout des doigts. En un clin d'oeil, il retrouve son port régalien. 

     

    ***



    Luk est encore occupé à surveiller la réaction des humains lorsqu'on lui tape sur le bras.

    - Semeur, un monteur de loup… heu… avec un casque comme je n'ai jamais vu avant… annonce Gord dans une bourrasque. Ses gants de forge encore tièdes, il porte une main en visière pour tenter de comprendre qui guide qui. De fait, un cavalier noir au casque menaçant sur une bête sauvage, ça pourrait être impressionant mais la manière maladroite et sans doute un peu désespérée dont le cavalier étreint sa "monture", donne à penser que ce n'est pas lui qui dirige la course.

    - Qui est-ce ? Relance une jeune femme du nom de Sédiline. Meneuse depuis peu d'un étrange groupuscule qui prétend, à la manière des humains, "dessiner des sons". Plus discrète que bien de ses pairs, elle reste généralement en retrait pour écouter, apprendre et s'amuser des querelles de ses aînés.
    Plusieurs gardes dispersés en protection autour du Gardien dégainent déjà leurs armes. Miyanne les arrête du plat de la main en percevant le raclement caractéristique.
    - Ce n'est pas un loup Gord. C'est Gawain. Il a probablement de nouvelles informations pour nous.
    - Et sur son dos…
    - Un humain !
    Luk dégaine à son tour ses deux épées.
    - Parfait. Il apporte le loisir et le travail à la fois.
    - Attends Semeur, l'interrompt le Gardien. Laisse le d'abord nous expliquer. Occupe toi de la bataille et laisse moi gérer ça.
    - Comme tu voudras.

    Mais il y a une pointe de frustration dans sa manière de rengainer sèchement. Il se retourne et replonge dans son observation méticuleuse, prêt à commander un nouveau mouvement par le biais des cors.

     

    ***



    J'atterris brusquement aux pieds de ce qui semble un véritable conclave. La face dans la terre rêche, des brins d'herbe dans les dents, on ne peut pas rêver mieux comme entrée en matière. Il y en a de toutes les formes, des bottes lourdes et usées, des botines élégantes lacées au mollet, des sandales, des chaussures montantes dont les renforts donnent à penser qu'on pourrait les flanquer au feu sans les endommager… et d'autres encore.
    Je décide néanmoins, aussi palpitant que ce soit, de couper court à mon inventaire podologique pour regarder quelques trombines.

    - Waho…

    Je digère ma réaction. Pas franchement amicaux les visages. Sourcils froncés, bouches pincées, épaules contractées. Evidemment je ne m'attendais pas à des louanges de bienvenue. Juste une fille, plus jeune visiblement, qui me gratifie d'un étrange quart de sourire. A peine le redressement d'un coin de lèvre.
    Si les mâles sont plutôt rébarbatifs, cherchant l'impression plutôt que le style, elle dénote un peu avec son visage fin et ses tâches de rousseur. Elle n'est pas forcément jolie, trop maigre, trop grande, mais elle est indéniablement plus féminine que le reste de l'assemblée et ça…

    Qu'il arrête un peu de reluquer dès qu'il y a des girondes ! C'est pas le moment de la bagatelle !

    Sérieusement, qui a envie d'une parasite jalouse qui envahit les pensées les plus privées ? Enfin jalouse… l'intérêt que le Kregg me porte est purement organique. Mais ça ne m'empêche pas de l'interprêter avec ma lorgnette humanisante. Et pour le peu que j'en ait vu, Elutrine n'a rien d'humaine.

    Mais non Elutrine, tu sais bien que tu restes mon unique moitiée…

    Puis détournant le regard, je cherche une paire de bottes plus merdiques que les autres. Ah le voilà ! Mon contact. Le druide est occupé à rendre ses hommages à un grand arbre. Oui je sais, les adeptes de la nature et leur éternelle vénération de la forêt. C'est vrai qu'il est classieux le chêne, mais de là à se prosterner devant.
    Et puis je réalise que les mouvements dans ses branchages ne coïncident pas vraiment aux très rares bourrasques. Et puis il y a ces étranges brins bruns un brin brassés par la brise… et cette tête aux bois de cerfs.
    Une main se déroule dans sa direction. (Cette main arachnéenne dotée d'une volonté propre).

    - Voici le Gardien. L'éternel protecteur du Sidh et de notre peuple. Celui par qui la Vitalité se fait Sève et Sang. Celui qui Trempe. Celui qui par Mille Mains peut Retourner le Sol. Le Porteur de la Masse et du Chaudron. Le Dagda de la déesse Dèna. Le bien nommé Nuadien car il incarne le Principe Instruit de Vigueur.

    Le puissant et majestueux chêne hybride de cerf, cette entité si présente qu'elle me file la chair de poule rien qu'à le sentir à moins de dix mètres, et bien cette force de la nature se crisse de ce qui me semble bien être un petit rire.

    Je relève la tête, un "gniuh" aux lèvres.

    - Merci Gawain, druide de Dèna et Principe Animal. Ça faisait longtemps qu'on ne m'avait pas rappelé tout ça. (Ça semble particulièrement drôle, tout le monde porte une main à sa bouche ou se retient de rire). Je vois que tu n'as pas perdu la patte quand il s'agit de trouver des nouvelles curiosités. De quoi s'agit-il aujourd'hui ?

    La main noueuse de veines torturées se replie et redéploie ses longs doigts tordus vers moi.

    - Du gibier naît la circonstance. A moins que ce ne soit l'inverse ? J'ai trouvé cet homme sur mon terrain de chasse.

    Un fringuant jeune thuadène encapuchonné fait un pas vers moi pour m'examiner.

    - Il me semble moins envahisseur qu'envahi ton intrus.

    Un nouveau rire parcourt l'assemblée. Sérieusement, ce sont eux qui vont m'aider à mettre un point final à la tragédie qui se joue à cause de la nécromancie ? Je veux dire, à mon drame personnel. A l'issue de cette crise d'hilarité sans objet, le vieux druide s'éponge les lèvres du revers de la main (ou l'inverse) et me désigne à nouveau du pouce.

    - Il est venu demander de l'aide.
    Pouce qu'il s'applique ensuite à ronger avec un entrain de rongeur affamé.
    - Mmmmh.

    Le silence se fait. Enfin, dans la relative mesure ou nous parviennent toujours les éclats, l'odeur et l'humeur de la bataille en contrebas. L'enfer se déchaîne et ici, tout semble calme. A l'exception en fait de ce type au casque à cornes… qui lui a l'air plutôt agité.
    Un contact sur mon épaule, je sursaute. Tourne la tête et trouve un bandeau à quelques centimètres de mon nez. Derrière, il y a une rousse dont le reste du visage semble marqué de plusieurs cicatrices récentes. En voilà une qui a morflé.

    - De l'aide… mais qu'est ce que tu as apporté… ?
    - En échange ?
    - Ah non, je ne pense pas que ce soit en échange. Ou alors c'est très vicieux de ta part.
    L'incompréhension me fait écarter les mains.

    - Ce que Miyanne veut dire, c'est que tu es un des premiers intrus qui a amené derrière lui… ce désastre.

    Une main éloquente me présente la boucherie collective. Je serre les dents. Qu'est ce que je fais ? Je tente d'expliquer que ce n'est pas moi mais… un genre d'ami un peu spécial ? Ou alors je tente de débrouiller toute l'affaire en présentant un compromis. "D'accord, le coup de l'invasion, c'est un peu de ma faute, mais en contrepartie je vous refile tous les plans du duc". Bien présomptueux à beaucoup de titres. Et quand mon regard rebondit sur l'entité frangée d'ombre pulsante qui en impose rien que par son intégralité, je me vois mal commencer à proposer un arrangement. J'ai déjà du mal à le fixer. Je ne sais pas pourquoi, mais à chaque fois que j'essaie, je finis par dériver jusqu'à loucher sur mon nez. Il ne m'est pas impossible de soutenir son regard. Non, c'est encore mieux que ça, je ne peux même pas soutenir de le regarder.
    Je me frotte la nuque, embarrassé. Heureusement, quelqu'un vient à ma rescousse.

    - Bah, un simple humain ne peut pas être responsable de tout. Et puis c'est dans leur nature d'accumuler les désastres par ignorance, stupidité ou entêtement borné.

    Je sourit benoîtement avec une ironie douceâtre. Merci pour le soutien.

    - Tu as raison Sédiline. Nous y reviendrons. Qu'est ce qu'il veut alors ?
    - Et bien, c'est assez simple. Il veut qu'on le débarasse d'une nécromancienne pendue à ses basques. Je pense qu'on pourrait lui enseigner comment faire, ça nous donnerait une bonne raison de transmettre quelque chose d'utile pour une fois.
    - Tu le penses vraiment ?
    - Mmmh, que ce soit utile, je n'en doute pas. Mais que ça soit destiné à une race mineure… oh après tout oui pourquoi pas !
    Un des gaillards s'emporte.
    - Tu divagues Gawain ! Retourne dans ta forêt croquer les imprudents.
    - Allons, allons, encore de la véhémence… demandez vous pourquoi je ne pointe plus mon museau au conseil.
    La jeune femme qui répond au nom de Miyanne s'éloigne de moi et renifle avec dédain.
    - Mais pourquoi lui ?
    - Pourquoi pas.
    L'autre enrage de plus belle du coup. Le côté tac-au-tac plaît rarement aux contestataires.
    - Absurde ! Nous n'allons pas foutre en l'air notre savoir sur un caprice !
    - Ah oui ? Et bien je vais t'en apprendre une belle. Il y a fort à parier que dans les heures qui viennent, notre si précieux savoir disparaîsse avec les ultimes râles des malchanceux qui auront le plaisir très douteux d'être dans les derniers survivants. Qu'est ce que tu transmetteras alors ? "Merde". Pas glorieux comme souvenir.
    - Nous n'allons pas disparaître vieillard !

    Le concerné lève une paume vers le haut, penche la tête et, pas vraiment homme à ergoter pendant des heures, se contente de conclure son argumentaire par un "hé", en bonne et due forme.

    Je ne sais pas pourquoi je me sens de trop, mais je suis soulagé quand l'aveugle m'attrape la main et me guide d'autorité à l'écart.

    - Ça va durer un moment, m'informe t-elle. Tout le monde n'a pas encore poussé son petit laïus. Alors en attendant, si tu souhaites te restaurer, te reposer… nous ne disposons plus de grand-chose mais si tu as un besoin spécifique, dis toujours.

    Je commence par lui sourire avant de réaliser que ça ne sert à rien. Et puis je réfléchis. Mais vu la manière dont je me frotte l'œil, mon corps est plus rapide que moi.

    - Et bien, je pense que j'aimerais simplement dormir un peu.
    - Avec ou sans compagnie ?

    La question est posée tellement naturellement que je n'ai pas le temps d'être choqué.

    - Oh j'ai déjà ce qu'il me faut merci.

    Elle ne me regarde pas (évidement) mais si c'était le cas je pense que j'aurais eu droit à un papillonnement de perplexité. C'est tout moi ça… Je parviens à me faire introduire dans le sanctuaire du sanctuaire, j'assiste à des conversations improbables entre des créatures sur le point de grimper définitivement de l'état de légende nébuleuse à celui de gros mythe fumeux et tout ce que je trouve à faire, c'est de passer pour un pervers.

    Bien vu.

     

    ***



    - Catapulte en place Monseigneur, ils sont parés à la manœuvre !

    Le baron Descendre est un exubérant. Malgré son nom pour le moins lugubre, c'est un petit rondouillard avec juste assez de cheveux pour faire le tour du crâne. Sa baronnie est célèbre pour ses fêtes, ses concours de bestiaux et ses catapultes. Quand on parle de Descendre, on évoque immanquablement sa manie de faire "la bombe" à tout bout de champ.
    Et justement, une fois n'est pas coutume, il s'agit encore de viser le bon bout du champ.

    - A vous l'honneur baron, répond le duc avec une élégance courtoise.
    - Avec plaisir.

    Il attrape lui-même les fanions et transmet le code visuel aux servants et ingénieurs qui fourmillent autour de l'énorme assemblage érigé à quelque distance du campement sur une zone à peu près plate.

    - Il y aura un ou deux tirs d'ajustement mais normalement, ça devrait aller assez vite, explique t-il d'un ton badin. D'abord, les ingénieurs doivent régler correctement la tension des brides autour du contrepoids et puis...
    - Intéressant, ment la voix du duc. Prévenez moi simplement si quelque chose ne se passe pas comme prévu.
    Son petit conseiller gris surgit alors au débotté.
    - Ah Monseigneur, nous avons un problème.
    - Comment ça ?
    - Une vague rumeur mais… ça commence à poser problème. Des ragots murmurés. Je pense que vous devriez être au courant : beaucoup de gens accusent le baron Mordaigle d'être un nécrophile sadique qui enlève des enfants la nuit et se baigne dans le sang de prostituées qu'il dévoie au clair de lune en envoyant des sbires ratisser le camp.

    Maille se découvre une mine abasourdie qui traduit moins la surprise que l'incongruité du fait que Grise vienne lui soumettre ce genre de chose maintenant. En plein milieu d'une bataille !

    - C'est tout ?

    Avec un aplomb sans faille, son vis-à-vis continue :

    - Non, on l'accuse aussi de magie noire, de rituels interdits, de copulation avec les animaux, de…
    - Ça ira Grise, merci. Nous verrons ça plus tard, j'ai un travail sur les bras là !
    - Justement Monseigneur, les forces de Mordaigle ne pourront pas participer…
    - J'ai déjà usé de ce que je voulais chez Mordaigle ! Assez !
    Le duc foudroie le petit homme du regard et reprend la direction des opérations.

     

    ***



    Le bref moment de distraction de chacun des commandements aura donné suffisement de temps au milieu pour que les choses évoluent. En l'absence de tout ordre venant d'en haut, les soldats se sont débrouillés eux même. C'est à ça que sert la chaîne hiérarchique après tout.
    Les coups pleuvent de toutes parts. Les cris, grognements, hoquets, on s'acharne. C'est la chaos. L'enfer. La folie furieuse. Les bottes s'enfoncent, chaque pas fait jaillir des éclaboussures qui risquent de projeter de la boue dans les yeux. On cligne, on saute. On s'écroule les uns sur les autres. Des bruits de carcasses de boite. Des dégringolades. Tout bouge trop vite. Epées rougies de sang. Fer, bronze. Tête d'allumé en train de hurler. Tête allumée en train de brûler. La fumée opaque. La toux caquetante, les crachats.
    Des hurlement à glacer le sang. Les berserks qui déboulent d'un coup sans prévenir. Il en faut pour tenir le coup. Mais globalement, rien ne prépare un homme qui se retrouve enlisé, asphyxié et peinant à tenir son équipement en place à affronter un fou furieux totalement nu qui jaillit de nulle part avec pour seules armes, sa hache excitée, rougie, tremblante d'impatience et luisante des coups déjà portés, et son pénis à peu près dans le même état.
    La situation devient intenable à beaucoup d'égards et pas seulement parce que la dignité des pieux guerriers du Croze est offensée. Tout ceci est trop bourbeux. Mais lorsque s'abbat le premier boulet, explosant au milieu de la fange en pulvérisant un groupe complet, La nouvelle consigne devient limpide pour tout le monde : chacun pour soi !

     

    ***



    Bon alors qu'est ce qu'il y avait de si pressant tout à l'heure pour que tu me cisaille les nerfs à me seriner ta rengaine sans répit ?
    Pourquoi elle lui dirait maintenant ? Elle n'est pas un animal de compagnie qu'il amadoue sur demande.
    Bon fais comme tu veux. Je ne veux pas savoir de toute façon.
    Ah non ?

    Trop facile.

    Nan.
    Tant mieux parce qu'elle ne lui dira pas.

    Raté.
    Je tambourine sur ma poitrine. Je suis tellement fatigué que j'ai l'impression que mon corps va s'enfoncer dans le sol. Plusieurs minutes passent. Je tourne, me retourne. Et merde ! Je suis TROP fatigué pour dormir. Il y a trop d'excitation dans l'air et malgré moi, je suis impatient d'entendre ce que le Gardien aura à dire… quand ils en auront terminé. La dénommée Miyanne a promis d'envoyer quelqu'un me prévenir quand ce sera le cas. Donc normalement, je pourrais me détendre. Je devrais en profiter, comme un bon petit soldat, cueillir l'opportunité, ce genre de trucs. Mais non. C'est toujours aussi mal foutu le sommeil.
    Mais il y a un remède à ça. Et tant pis pour mon ego, ce ne sera pas la dernière fois qu'il prendra une griffure.

    S'il te plaît ?
    Il va falloir qu'il fasse mieux que ça.
    La garce ronronne de satisfaction pendant que me répands en excuses et lorsqu'elle est repue, elle daigne m'accorder sa clémence et ma pitance. Mais a force de fréquenter des gens aussi peu recommandable que moi, elle a finit par apprendre à distiller ses effets.

    Dans la plaine, il y avait la fille de Mara.
    Et alors ? La fille de… mais attends, Mara, la déesse ?
    Mara. Celle qui me parle !
    Mara te parle ?
    Depuis qu'ils lui ont mis le sceau oui. J'entends la voix de la Maîtresse. Elle parle. Elle dicte. Elle impose.
    Oh… c'est inattendu ça.

    Ma chance, j'avais déjà le parasite sanguinaire, maintenant en prime, j'hérite de la pythie mystifiée. Le sort imposé par Hidelmark aura donc eu des effets secondaires ! J'espère que ça n'est pas le signe d'une nouvelle évolution d'Elutrine, je ne suis pas certain d'être capable d'en supporter une autre.
    En tout cas, ça marche, je commence à m'assoupir peu à peu. Je m'étire indolemment. Peut-être que j'aurais dû accepter la compagnie, ça aussi ça aide à dormir.

    Bon et qu'est ce qu'elle te dit de beau ?
    Elle dit qu'il doit faire un enfant à sa fille pour complèter la lignée.

    !!
    Autant pour mes velléités de roupiller.


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