• Excision par exorcisme.

    Il vivait trop vite, il vivait trop loin.
    Beaucoup trop loin.

    Sans s'attacher parce qu'il dérapait constamment. Parcourant les journées à grandes enjambées sans en tirer toute la saveur. Distancieux et capricieux, il changeait d'idée sur un ouï dire ou pour un nom. Ses premiers regrets se concevaient dès l'aube. Alors il courait, il courait après ses chimères quotidiennes, laissant échapper des minutes et des secondes par poignées.

    Une vie sans vibration. Juste la sensation de rater et de trébucher. Sans s'en rendre compte, il descendait les barreaux un à un, par peur de ne pas pouvoir atteindre l'échelon suivant. Et bientôt, au fond de l'abysse, c'est son sang qui s'écoulerait, comme des larmes amères.
    Mais ça, il ne voulait pas y croire...et de toute façon il ne pouvait pas le concevoir. Se disant épicurien vivant dans l'instant, c'est plutôt par peur de l'inconnu qu'il n'osait pas lever le regard. Son esprit tourmenté ne cessait de s'agiter pour rattraper le temps perdu. Il en devenait fébrile. Et plus il tremblait, plus il en laissait échapper.

    Le temps, ce précieux condiment de tous nos instants, est comparable à un tas de sable qui s'écoule inexorablement dans ce fameux sablier de verre aux panses rebondies. Chacun, nous en portons une portion aux creux de nos bras. A chaque mouvement, il s'en déverse un peu. Il faudrait le préserver, le choyer ! Mais on ne peut pas vivre sans s'agiter...seule la mort est figée. C'est un prédateur vorace mais avant tout patient. C'est son trait le plus effrayant, c'est bien connu.

    Lui, ardent impatient bourrelé de remords, savait que chaque moment gaspillé ne serait jamais récupéré. Alors il secouait inutilement sa carcasse et laissait filer toujours plus de sable par les interstices. Une peur panique lui nouait les tripes tandis qu'il regardait ces baisers envolés, ces occasions fuyantes et ces possibilités évanouies, tourbillonner comme des feuilles mortes avant de disparaître dans le néant. Il s'en bourrait le coeur, il serrait ses souvenirs contre lui comme autant de peluches et autres fanfreluches destinées à renvoyer le méchant dévoreur sous le lit.

    Au fond ce n'était qu'un gamin qui regrettait de ne plus en être un.

    Et quand il est mort, il ne s'est pas aperçu
    Que c'est en voulant se hisser d'un brin

    Qu'il s'était pendu.
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  • Commentaires

    1
    Sakutei Profil de Sakutei
    Mardi 25 Août 2009 à 23:34
    Je dédie ce texte à celui qui voudra bien le reconnaître comme un élément famillier. Ben oui, j'avais besoin d'expulser tout ça. C'est ça, un exorcisme.
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