• Je file au milieu des échardes de verre pilé. Dans le vide. Au-dessus du gouffre. Je me ramasse sur le toit de l'immeuble d'en face. Je sais que je peux courir plus vite, le Canabalt agit déjà.

    Alors je cours plus vite. Je slalome entre les tuyères de refroidissement. Mes mollets durcissent. Les os craquent. Mes poumons se dilatent. J'inspire une grande bouffée de méthane. Un autre saut. J'atterris sur une surface plane. Je glisse sur une flaque de théloium.

    C'est une bonne journée pour courir.

    Le vent s'engouffre dans les pans de ma veste de costume, je gonfle le thorax, je prends mon élan,  je saute. La sueur commence à empoisser ma chemise blanche. Un de mes stylos saute hors de ma poche. Il tinte sur le rebord et tombe dans le vide en tournoyant. Mes genoux gémissent, coudes aux corps, souffle rauque. Haletant, encore et encore, ébloui parfois lorsque le soleil se reflète sur une paroi de verre. Une grue grince. Elle se penche pour avaler les vermisseaux qui rampent le long des murs. Je me réceptionne sur son encolure et je cavale. Mes semelles tintent sur les montants d'acier zélinsisé, j'aspire plus d'air, mes poumons se disloquent, la chaleur m'enveloppe d'une étreinte engourdissante.

    J'arrive au bout de la grue. Il n'y a rien. Juste la façade lisse d'une autre tour en verre. Je pourrais me retourner mais je perçois déjà des formes mouvantes sur les côtés. Ils sont là, en train de récolter. Ils sont là.
    Alors je ne m'arrête pas, je ne ralentis pas, je saute.

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