• Chapitre 11 : Graine de tempête

    Il y avait une véritable assemblée sous les ordres du Templier. Cliquetante et disséquante. Petite armée de ciseaux, pinces et couperets. Un jeune garçon tirait régulièrement de l'eau dans le lavoir et l'amenait aux charcuteurs. Le sang noir et épais dégoûtait des bords de la table pour former de petites flaques visqueuses sur le sol.
    Personne n'a semblé remarquer mon intrusion malgré l'annonce discrète du sergent. En cet instant, tout le monde, y compris l'austère échalas qui dirigeait la bande, était occupé à ausculter les morceaux fraîchement découpés du cadavre un-peu-moins-fraîchement déterré. Un rebondissement que Mélanargie n'avait certainement pas prévu. Et un point que je devais donc garder en mémoire. Bon, si templier s'intéressait à ce tas de bidoche avariée, j'avais une chance.
    Je suis resté silencieux dans mon coin jusqu'à ce qu'un doigt osseux se pointe vers ma poitrine. Le templier continuait à observer le travail de décorticage mais c'est moi qu'il désignait, aucun doute là-dessus, j'en avais le cœur battant. Un des assistants a levé les yeux brièvement avant de se replonger dans son examen. J'ai supposé que je devais dire quelque chose :

    - C'est moi qu'il visait.
    Le regard inquisiteur du sorcier m'a cloué contre un mur. Mieux valait développer.
    - Ce zombie, il m'était destiné et je peux même vous dire de qui il venait.

    Ma déclaration a rendu perplexe plusieurs chirurgiens qui se sont interrompus. Le templier lui, s'est fendu d'une expression faciale tout à la fois étrange et terriblement effrayante. J'ai compris bien plus tard qu'il souriait. D'un claquement de doigt, il a fait sortir tout le monde. Ah, un entretien seul à seul. Comme ça s'il me tuait, ce serait plus intime…et sans doute plus raffiné.

    - Et de qui venait-il ?
    J'ai frissonné. Il m'a fait signe de m'asseoir et s'est raclé la gorge deux trois fois :
    - C'était vraiment de la mauvaise qualité vous savez.
    - Hum ? (encore une de mes répliques intelligentes)
    - Ce zombie. Il ne devait même pas être capable de parler. Et encore…il devait tout juste pouvoir tituber avec des gestes saccadés. Oui, vraiment de la viande grise de dernière catégorie.

    Il avait l'air déçu, moi pas. C'était le genre de type à penser qu'on pouvait avoir l'air sympa juste en distribuant des pâtisseries au coin de la rue à des gosses affamés. Il me flanquait la chair de poule.

    - S'il avait été un peu plus puissant, j'aurais pu savoir qui l'a fait. Mais là, l'énergie qui le liait à son créateur était vraiment très faible. Même un villageois un peu talentueux aurait pu y arriver. Sa main s'est élevée lentement dans l'air froid du lavoir. Alors…si vous avez la moindre idée…
    - Elle s'appelle Mélanargie.
    - Mélanargie ?! Tu as bien dit Mélanargie, tu en es sûr ?
    - Heu…oui.

    La fulgurance de sa réponse et de son passage au tutoiement m'ont un peu désarçonné. De son coté, il s'est mis à ruminer dans son coin. Il devait être habitué à être seul car il s'est mis à penser tout haut…tout à mon bénéfice.

    - Un serviteur si faible dans les mains d'une experte basarduf…ça ne peut pas être un hasard graf. Non, une maîtresse lieuse d'ossement n'aurait pas pu faire ça sans arrière pensée. Grmbl, chichignon, treschenu…
    A part les borborygmes intempestifs, un détail m'a fait hausser le sourcil. La lettre d'adieu de la belle aux mèches d'argents me revenait en mémoire.
    - Lieuse d'ossements…ça fait deux fois que j'entends parler de ça. De quoi s'agit-il au juste ?
    J'aurais pu m'adresser à une tombe avec plus de succès (oui, mauvais exemple). L'autre s'est lancé dans un bombardement en règle :
    - Comment sais-tu ce nom ? D'où viens tu ? Qui es-tu ?
    - Hey, faisons un échange de bons procédés hein.
    - Pour qui tu te prends ? D'un geste, je peux te faire clouer au chevalet et là tu me dira tout ce que je veux.
    Argh. Comment ne pas plier devant tant d'allant ? En fait la menace m'a rendu encore plus hardi.
    - Marché conclu, c'est moi qui commence.
    Un rire rauque a traversé sa carcasse. Brrr. Je ne lui ai pas laissé le soin de préparer sa réplique, préférant enchaîner directement :
    - Mélanargie était ici il y a quelques jours. J'ai fait affaire avec elle et ensuite elle a promis de m'offrir la mort.
    Le templier s'est arrêté de ricaner (à mon grand soulagement) et s'est installé en face de moi. Il avait l'air d'être prêt à me considérer comme un interlocuteur valable.

    - Un salaire un peu étrange.
    - On a eu quelques désaccords.
    - En quoi consistait le travail ?
    - Je devais…lui faire une carte.

    Zut, pas moyen d'inventer quelque chose de plausible en si peu de temps. J'étais pris au dépourvu. Voyant que je voulais cacher cette partie, l'autre n'a pas manqué de se ruer dans la brèche de la manière la plus simple et la plus brutale :
    - Mais encore…
    - Bon d'accord (j'ai toussoté pour gagner du temps, mais rien ne s'est produit). Je devais m'introduire dans le rêve d'un homme pour en faire une carte. Ne me demandez pas pourquoi ou comment. Quand je me suis aperçu que je ne pouvais pas sortir, j'ai laissé tomber le boulot et je me suis concentré sur mon évasion. Je m'en suis tiré et elle ne me l'a pas pardonné.
    Voilà c'était plus ou moins ça. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu le sentiment de faire une bourde en racontant tout ça. Comme si des cartes s'échappaient des mes mains (ce qui est le comble pour un cartographe). Je n'aimais pas ça, mais je n'avais plus le choix.

    Le regard perçant du templier s'est détourné vers un point imaginaire, suspendu à quelques mètres au dessus de moi. J'ai réprimé une envie de lever le nez pour vérifier. Pour quoi faire ? De toute façon j'étais à sa merci. Il s'est levé soudainement et s'est dirigé à grands pas vers un lourd coffre en bois. Les charnières métalliques ont protesté bruyamment lorsqu'il a fait basculer le couvercle. Me dandinant mal à l'aise sur ma chaise, j'ai suivi ses mouvements alors qu'il apportait un tube sur une autre table, propre et dégagée.
    Je me suis approché tandis qu'il déroulait sous mes yeux une carte de la région et la calait aux quatre coins avec du tout-venant (dont une espèce de main momifiée plutôt intriguante). J'ai écarquillé les yeux. Woah ! Le Delta de Sérénité entièrement consigné sur parchemin. De quoi être admiratif. Et pour un connaisseur, la finesse du travail avait de quoi laisser bouchée bée. Chaque dénivellation, chaque recoin, le moindre sentier à chèvre était répertorié.

    - Donc Mélanargie était ici il y a quelques jours. Intéressant. Combien exactement ?

    J'ai ravalé ma salive avant de gober les mouches. Je lui ai répondu sur un ton absent tandis que mon regard se perdait dans les détails innombrables de la carte. Et qu'est ce que c'était que toutes ces annotations ? Des pattes de mouches à peu près aussi lisibles que celle de ma correspondante se tenaient en rangs serrés aux cotés de lignes qui traversaient les terres dans un entrecroisement incompréhensible.

    - Hmmm. Alors il y a cinq jours, elle était ici.

    Le templier a posé son doigt sur le village où nous étions, ce qui m'a appris son nom au passage : Bras le Teil. Je devais être complètement molasson pour ignorer jusqu'à cette information élémentaire. Trempant une plume dans un encrier, il a ajouté quelques notes et tracé une nouvelle ligne qui partait d'un secteur plus éloigné du bout de sa pointe crissante. Aaah, voilà à quoi servait la carte ! Il suivait des déplacements. J'ai reconsidéré le lacis de lignes avec un autre regard. Il y avait plusieurs tracés et très probablement autant de personnes concernées. Il ne m'a pas fallut longtemps pour tenter une hypothèse sur un ton volontairement badin, histoire de plastronner un peu :

    - Ce sont tous des nécromanciens ? L'autre m'a dévisagé avec un œil rond. J'ai savouré.
    - Je vois. Tu es probablement plus malin que tu en à l'air.
    - Gage de survie.
    - Hmm. Très bien. Oui se sont tous des nécromanciens. Nous en connaissons cinq en activité dans la région et le Temple s'efforce de garder un œil sur chacun d'eux.

    Il s'est redressé subitement et m'a posé une main sèche sur l'épaule.
    - Et bien merci beaucoup, c'était très utile. Tu peux disposer.
    Je voulais protester mais il m'a poussé vers la sortie avant d'appeler le planton de service pour me faire escorter dehors.
    - Hey attendez !

    Je me suis débattu pendant qu'on me menait d'autorité par le bras. Un type assez trapu d'ailleurs. Il en a été quitte pour un coup de coude dans le nez. Pendant qu'il jurait dans sa barbe, je me suis retourné précipitamment vers le lavoir pour agripper le templier par la manche. Celui-ci m'a dévisagé du haut de ses sourcils broussailleux avec une pointe d'étonnement et un zeste de menace mortelle au fond des prunelles. Rien à foutre.

    - Ecoute le vieux ! J'ai échappé à la mort un nombre de fois que je ne compte même plus. On m'a transpercé, lardé, laissé mourir de faim et soif et finalement on m'a récompensé en m'envoyant un zombie puant !! Et tout ça je le dois à une seule personne : Mélanargie. Elle veut ma peau … ou plutôt mes os, et il n'en est pas question !

    Le lancier de l'entrée m'est retombé sur le dos avec rudesse. J'ai mal encaissé le choc et suis tombé lourdement sur les dalles glaciales. Le soldat m'a filé deux coups dans les reins qui m'ont arraché un grognement. Je me suis retourné, la rage au cœur. J'en avais marre d'être le jouet qu'on utilise avant de jeter sur le coté ! J'ai renâclé sous les chocs et envoyé un coup de pied vicieux dans son entrejambe avant de me relever péniblement. Le sorcier aurait pu me foudroyer d'un geste, (enfin ça fait partie des pouvoirs qu'on leur prête habituellement) mais il n'a rien fait. Haletant, j'ai interposé la table du cadavre entre moi et le soldat. Celui-ci n'a pas hésité, il a sauté par-dessus, poings dressés. Agile l'enfoiré ! J'ai reculé d'un bond en amortissant un coup sourd, les avants bras croisés devant le visage. Purée, ça faisait mal ! Un impact rude m'a ébranlé la tempe. Ma vision s'est assombrie, j'ai oscillé sans but avant de mettre la main sur un objet dur. J'ai frappé au hasard sans succès. Le soldat a fait un mouvement que je n'ai pas pu suivre. Une lueur étincelante m'a accroché le regard. Merde ! Une lame ! J'ai foncé bille en tête avant qu'il puisse se mettre en garde. Nous avons roulé à terre dans une pagaille de bras et de jambes. L'épée a sauté de l'empoignade pour atterrir en tintant à quelques pas, l'objet inconnu que je tenais d'une paume glissante également. Relevant les yeux, il m'a semblé que le templier s'était reculé légèrement pour éviter d'être happé dans la bagarre. Pourquoi n'intervenait-il pas ?
    On a toujours tort de réfléchir pendant une baston, le soldat m'a expédié son poing dans la figure. Une douleur écarlate a jailli entre mes yeux. J'ai tenté de riposter mais une poigne d'acier s'est refermée sur mon poignet. Il a commencé à tordre, j'ai réprimé un cri entre mes dents crissantes. A force de tortillements, j'ai trouvé une ouverture. Le plat de ma paume libre s'est écrasé brutalement contre sa pomme d'adam. Le soldat s'est mis à hoqueter. Sous l'excitation, le sang m'est monté à la tête, j'ai bloqué mon souffle. La prise au poignet s'est relâchée, j'ai profité de mon avantage pour lui assener un bon coup de genou dans la poitrine. Il a hoqueté, la langue saillante, puis s'est effondré d'un bloc. Tout de fureur et de rage, j'ai sauté sur son épée pour lui porter le coup fatal.

    Cette fois le templier a réagi. D'un murmure, il a fait bouger quelque chose dans l'air qui m'a pétrifié dans mon geste. J'ai voulu me rebiffer mais rien à faire. Un choc clinquant a fait vibrer la lame levée au dessus de ma tête. L'épée a glissé de mes doigts engourdis pour retomber à mes pieds. Et merde !

    - Belle démonstration. Belle fougue !
    On aurait dit qu'il flattait un étalon. Ca m'a mis en rogne.
    - Qu'est ce que vous m'avez fait ?
    - C'est juste un sort. Rien de bien méchant.

    Ce petit connard suffisant s'est avancé vers le soldat qui ne bougeait plus. Au même moment, la pression sur mon bras s'est relâchée et j'ai pu librement tomber par terre avec tout le manque de classe possible. Allongé, non … littéralement vautré sur les dalles, j'ai soudain redouté l'arrivée impromptue d'autres soldats. Mais apparemment, les échos de notre empoignade n'avaient alerté personne. Enfin difficile à dire. J'ai reniflé un instant la poussière humide du sol avant de me relever. M'appuyant contre la table de la carte, je me suis appliqué à reprendre mon souffle et mes esprits.

    - Bon sang, qu'est ce qu'il s'est passé ?
    - On dirait que tu es du genre combatif. (De dos, le grand sorcier agenouillé a fait quelques gestes aériens, ses grands bras maigrelets dénudés par ses mouvements saccadés) Voilà qui devrait aller mieux. Relève toi Trempe…ça va ?

    Le soldat avait l'air encore un peu sonné mais valide. Hum, je n'avais pas dû frapper trop fort... Dans le feu de l'action je ne m'en étais pas rendu compte, mais le coup que je lui avais porté à la gorge aurait pu le tuer. Les choses se seraient sans doute compliquées pour moi s'il ne s'était pas relevé. Qu'est ce qu'il m'avait pris ? Encore cette frénésie de violence. Sur le moment, j'ai pensé au rêve de Javel et le massacre du Quincy. Cette pensée s'est invitée dans mon esprit comme une anguille froide qui aurait parcouru ma colonne vertébrale. J'ai humé l'air vicié du lavoir. Les émanations putrides du cadavre en morceau me donnaient envie de vomir. Je ne me suis pas retenu, à ma courte honte. C'était humiliant et légèrement traumatisant. Je me sentais très mal. Tout tremblant, les yeux plissés, j'ai entrevu le sorcier qui s'approchait de moi.

    - Et bien et bien. Je ne voulais pas de toi dans mes pattes mais finalement je devrais pouvoir t'aider en échange d'un petit service. Enfin…disons plutôt un arrangement.

    Il s'est penché avec une louche d'eau. Je me suis nettoyé la bouche plusieurs fois, prenant de profondes inspirations en essayant d'ignorer mes hauts-le-cœur. Finalement, je me suis senti assez remis pour reprendre la discussion.

    - Que voulez vous dire ?
    - Tu as l'air étonnamment coriace malgré ton allure pitoyable.
    - Merci, ai-je lâché sur un ton acide.
    - Ne te braque pas. Ce que je veux dire, c'est qu'il est étonnant que Mélanargie t'ait envoyé un zombie aussi faible…alors qu'elle aurait pu assurer le coup. (Il m'a regardé avec un drôle d'air tout en s'appuyant sur la table d'un geste anodin). Tu ne le sais pas, mais il y a plusieurs disciplines dans la nécromancie. En tant que Templier, je ne les connais pas toutes, mais par exemple, les lieurs d'ossements sont dévolus au maniement du squelette humain ou animal. Ils utilisent leur pouvoir pour faire bouger les carcasses et les tenir en cohésion. Les plus faibles sont obligés de recourir à des cadavres frais encore assez fermes pour ne pas demander trop d'énergie lieuse. (Désignant la table d'opération) Celui-là était mort depuis moins de trois jours. C'est pour ça que c'est du bas de gamme, de la viande grise.
    - Ah ah. Et alors ?
    - Et alors, Mélanargie est une maîtresse dans cette discipline. Elle aurait pu faire mieux. Beaucoup mieux. Si elle l'avait vraiment voulu, tu serais mort sans l'ombre d'un doute. Au début je pensais que c'était un coup de chance et que ce zombie aurait dû avoir ta peau…mais après avoir vu ça. Hum non. Tu es bien trop coriace et elle devait le savoir puisque tu dis toi-même t'être échappé de son piège. Ca m'intrigue, et tu devrais l'être aussi.

    A ce moment, le soldat s'est relevé pesamment. Il m'a jeté un regard absent. J'ai pensé qu'il allait dire quelque chose mais il s'est contenté de sortir en grognant.

    - Heu…il va bien ?
    - Ne t'occupe pas de lui. J'ai dû le sauver à l'article de la mort et je pense qu'il lui faudra un temps pour s'en remettre. Il était temps…encore un peu et seul un nécromancien aurait pu en faire son affaire.

    La blague n'a fait rire que lui. J'avais trop de matière à réflexion pour lui renvoyer une vraie vanne dans les dents. Sa voix grinçante s'est élevée à nouveau avec cérémonie :
    - Les nécromanciens sont rarement bien disposés à l'égard des vivants. Ils sont obnubilé par leurs propres pouvoirs et souvent perdus dans des querelles intestines. Ils ont toujours des motifs personnels derrière leurs actions et sont très égoïstes. De fait, ils sont redoutables !
    - Je vois…pourquoi vous me dites tout ça maintenant alors que vous étiez sur le point de vous débarrasser de moi ?
    Il m'a tapoté l'épaule sans conviction. Parodie de geste amical orchestrée par un glaçon.
    - Comme je te l'ai dit, je pense qu'on devrait travailler ensemble.

    D'un mouvement de menton, je l'ai invité à continuer. Son regard ténébreux m'a transpercé une fois de plus.
    - Je veux pister Mélanargie et elle veut te tuer. Ce qui signifie que vos chemins vont se recouper d'une manière où d'une autre. Je vais t'aider à survire jusqu'à la confrontation.
    Il avait une idée derrière la tête.
    - Je t'offre mon savoir et une aide matérielle et je ne te demande rien en échange si ce n'est de chercher à rester en vie. Ca me paraît honnête !
    - Une aide matérielle ?
    - Oui. Que dirais-tu d'un peu de soutien ? Il y a quelques jours, j'avais l'intention d'envoyer quelques hommes en mission spéciale. On a été retardé par cette histoire de mouvement de troupe. Une vraie plaie cette campagne. Bref, je suis sûr que vous fonctionnerez très bien ensemble. Oh oui, ce sera même parfait.
    - Eh là, eh là, je n'ai pas l'intention de m'encombrer de vos coupes jarrets. Des renseignements me suffiront amplement. Ensuite je…
    - Allons, allons, c'est une association. Les gens vertueux tablent sur une confiance réciproque.
    - Grumph… c'est ça… la confiance. Je me marre !
    - Exact. Dans notre cas il nous faut des garanties de part et d'autre. Mes hommes veilleront à mes intérêts.
    - Je refuse !
    - Tu seras le chef de l'expédition. Je donnerai des ordres pour que tu sois le seul maître à bord.
    - J'accepte !

    Au bout du compte, il savait que j'allais céder. J'avais trop besoin de ses informations. Le grand échalas s'est mis à s'affairer dans la pièce. Ses doigts farfouillaient comme des pattes d'araignée. Il m'a fourré une babiole argentée entre les doigts.

    - Bien, passons à la suite sans tarder. Voici une amulette. Pour me contacter en cas de besoin. Suis moi.

    En sortant, le templier s'est penché pour donner quelques instructions au soldat qui piétinait à l'entrée. Nous avons traversé le village à vive allure. Ce dernier prenait de plus en plus des allures de campement militaire. Les civils continuaient à évacuer en file disparate par le sud tandis que les "noirs" fourmillaient au nord, au delà de la place centrale et de l'auberge à opium. On avait fiché quelques pieux en terre et visiblement, une paire de malchanceux avaient perdu à la courte paille et se retrouvaient avec une pelle et un pic pour tenter d'aménager un remblai. Les soldats du baron se préparaient comme pour un assaut venant des forêts. Curieux. S'il y avait vraiment des hors-la-loi là dedans, ils n'avaient aucune raison d'engager un affrontement frontal. Enfin ils n'avaient pas l'air sur les dents…c'était peut-être juste la routine pour s'assurer une base de repli sûre. Je n'y connaissais pas grand-chose en la matière.
    On s'est amené vers la forge où il régnait comme il se doit, une chaleur infernale. Un gaillard taillé comme un bloc maniait le marteau mais il avait troqué les socs des paysans contre des tranchoirs beaucoup plus fendards à travailler. D'ailleurs il s'en donnait à coeur joie et ne s'est pas occupé de nous. Il y avait des râteliers de matériel disposés le long des murs. Pour l'heure, ils étaient encombrés par divers ustensiles guerriers.

    - Equipement. Je te recommande de te cuirasser un peu. Mélanargie n'est pas une tendre et ses attaques n'iront pas en mollissant.

    Enchanté par cette nouvelle, j'ai plissé le nez devant un pectoral massif qui me promettait silencieusement de me laisser la langue pendante à la fin de la journée si je le portais. Pour trimballer sa propre forge, la compagnie de Rogue devait ratisser la campagne depuis un moment.
    Un raclement de semelle dans l'entrée. J'ai relevé les yeux.

    - Ah et voici mes hommes. Tu connais déjà Trempe et voici L'Artincheur, c'est un spécialiste pour notre affaire. Il te dira tout ce que tu as besoin de savoir.

    Oh non. Le premier, c'était précisément celui avec qui je m'étais colleté dans le lavoir. L'autre ne me disait rien en revanche. Et sa sale bobine de fouine ne me revenait pas.
    - Messieurs, retirez vos uniformes et servez vous dans la réserve. Vous partez en mission sous le commandement de…heu. Au fait ?
    - Sakutei.
    - Voilà. Maintenant…

    A ce moment précis, une clameur s'est élevée à l'extérieur. Des cris d'alarme, des piétinements, des bousculades. Le forgeron s'est éclipsé en un sursaut. Quelqu'un à crié un
    "Aux armes !" plein de conviction. Aucun de nous n'a bougé un orteil. Les deux soldats venaient d'être relevés ils sautaient sur l'occasion. Le templier était probablement au dessus de tout ça. Quand à moi…et bien je serais bien parti à toutes jambes si les trois premiers ne me barraient pas le chemin.

    - Templier Aan ! Templier Aan !
    - Je suis là.
    Un jeune s'est avancé, les joues roses et le souffle court.
    - Par le nord ! Ils arrivent
    - Très bien, je viens dans un instant.
    - Mais…
    - Aller !
    - Aan qu'est ce que vous foutez par les chiens de l'enfer ! Ramenez votre vilain cul ici tout de suite.

    Ca c'était un gradé. Et du genre pas commode. Il a bousculé le jeune enseigne pour foudroyer les occupants de la forge du regard. Fier, droit, ardent et visiblement très compétent. Le mot capitaine était inscrit en travers de sa trogne couturée, encadrée de mèches poivre sel.

    - On se bouge ! Les renégats sont sortis plus tôt que prévus.

    Déjà appelé ailleurs, le capitaine a tourné les talons, réclamant une nouvelle fois la présence du sorcier à ses cotés. Ce dernier s'est incliné imperceptiblement. Il lui a emboîté le pas en me jetant au passage un petit regard en coulisse. J'ai cru lire un nouvel exemplaire de sourire pétrifiant dans ce réseau de rides mais je ne voulais pas en avoir le cœur net.
    Quelque part, une explosion a secoué le sol. Les cris ont redoublés. J'ai dévisagé tour à tour les deux acolytes qu'on venait de me coller entre les pattes. La fouine a réagi en premier.

    - On devrait pas traîner patron.

    Rapidement, il a débouclé le ceinturon de sa lourde épée pour s'équiper avec une série de dagues de jet et une petite faucille de paysan qu'il a déniché dans un coin. Quelques types sont passés en courant devant l'atelier. L'un deux perdait du sang. D'autres explosions ont ébranlé le village. J'ai commencé à sentir la saveur toute particulière de la bataille au fond de la gorge. Un mélange de fumée, de sueur et de mort. Les cliquetis m'ont ramené à ma situation.
    L'autre soldat, Trempe, a opté pour un spécimen de hache à deux mains qu'il a balancé sur son épaule sans mot dire. D'accord, j'avais mon bourrin et mon ruffian. Et moi ? Voyant que la situation dégénérait dehors, je me suis dépêché d'attraper une petite lame recourbée et affûtée sur un seul tranchant. Me souvenant de l'avertissement du templier, j'ai également décidé de récupérer une épaulière en acier que j'ai rapidement fixé avec une bandoulière de cuir. Pas le temps pour le reste. J'ai attrapé les gants du forgeron et me suis rué à l'extérieur.

    C'était l'enfer. A peine dehors, j'ai manqué de me faire renverser par un soldat affolé. L'attaque avait surpris tout le monde. Des villageois s'empêtraient dans la panique la plus confuse. La fouine m'a attiré par la manche.

    - Partons d'ici patron, ça va saigner.

    Il a pointé du doigt l'enclos à chevaux. Quelqu'un s'était infiltré là bas pour faire fuir toutes les bêtes. Hum…sans leurs montures, les troupes se retrouvaient à pied. Un avantage tactique certain pour les attaquants.

    - Ca m'a l'air mal parti.
    - Non, c'est juste l'effet de surprise.
    - Hum. Sans les chevaux…
    - Peu importe, ce n'est pas une troupe de cavalier mais d'infanterie montée. Ils vont vite le comprendre à leurs dépends.

    Nous avons louvoyé entre les groupes pour s'éloigner de la zone des combats. Plusieurs escarmouches avaient déjà lieu, mettant aux prises les lanciers avec une bande de braillards débridés. Purée, ça castagnait dur !
    Nous nous sommes arrêtés au coin d'un bâtiment pour inspecter les devants. Juste devant, un noyau de résistance s'organisait. Véritable hérisson aux épines rougies de sang. Mur de bouclier protégeant les rictus féroces des soldats campés derrière. La première ligne était agenouillée devant la seconde, leur permettant ainsi de frapper sur deux niveaux à la fois. Rogue se tenait derrière, encourageant ses hommes, taillant dans le vif quand c'était possible. Il y avait une véritable déferlante vomie par les bois. Et ce n'était que le début. Mais l'efficacité martiale des lanciers promettait de leur donner du fil à retordre.
    Juste des bandits hein ? C'était peut-être des amateurs, mais ils étaient bien plus nombreux qu'ils n'auraient dû.

    Nous sommes passés derrière le hérisson pour obliquer vers le sud afin de rejoindre une zone plus calme. Un gros s'est avancé sur nous mais a fini par changer (sagement) d'avis en avisant notre accoutrement. La fureur de la bataille se communiquait en moi, faisant battre un tambour sous ma poitrine. J'avais envie de sang. Et je redoutais de me laisser aller à une nouvelle rage meurtrière si je devais engager un corps à corps. Bon sang…
    Évidement, ça a fini par arriver. Un petit groupe aux yeux injectés de sang nous a barré la route. Ma lame s'est retrouvée dans ma main avant que je ne réfléchisse. Je me suis jeté en avant, récoltant immédiatement une plaie sur le haut de la cuisse. La douleur a accentué ma hargne. J'ai tenté de frapper mais mon adversaire s'est reculé d'un bond, esquivant sans peine mon attaque imprécise. Un coup sourd m'a ébranlé le coté. J'ai cogné du pied. Dévié un gourdin avec le bras et frappé un poignet offert. La main tranchée a voltigé. Un corps trébuchant m'a bousculé. Je me suis baissé en avisant un assaut téméraire. La hache de Trempe a décollé la tête de l'impatient. Relevant la mienne, j'ai remarqué un autre corps cloué au sol par une pointe dans l'œil. La fouine savait jouer du couteau. A force de regarder n'importe où, j'ai reçu mon dû. Un coup fulgurant m'a cueilli à la pointe du menton pour me faire retomber en arrière. Je me suis relevé en jurant, ma petite épée avait dérapé sur la terre. Un poing fermé s'est avancé et s'est fait repousser sans ménagement par un coup brutal.
    J'ai avancé, ramassant un gourdin pour frapper mon adversaire. Les bras levé au dessus de la tête, j'ai avisé sa garde maladroite et faible. Mon coup lui a fracassé le crâne. J'ai poussé un rugissement de victoire. J'étais tellement absorbé par le combat que j'ai manqué d'estourbir la fouine quand il m'a attrapé par le bras.
    "On dégage !" D'autres types arrivaient, ils n'avaient pas l'air content qu'on botte les fesses de leurs potes. Lâchant le gourdin, j'ai rapidement ramassé mon épée pour détaler à la suite de mes sbires attitrés.

    Le dernier bâtiment passé, il ne restait qu'à s'enfuir par les champs. Le blé courbait la tête sous le poids des grains. Dommage…cette année la récolte serait compromise, pensais-je en foulant les épis sans vergogne.
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    1
    Sakutei Profil de Sakutei
    Jeudi 15 Octobre 2009 à 02:51
    Salut à tous ! Une suite qui se fait un peu attendre et je m'en excuse. J'espère que ça vous plaira :)
    Je joue sur plusieurs ambiances et j'essaie de ne pas perdre les fils de la trame du départ. Dans le prochain chapitre, quelques entrecroisements vont confronter des nouveaux personnages avec des anciens ! Et je vais même lancer un changement de narration sous peu afin d'alterner les points de vues...je me demande comment on peut tenir une histoire sans :P

    Enjoy and stay tuned ^^
    2
    O-Ren-Kimi Profil de O-Ren-Kimi
    Jeudi 15 Octobre 2009 à 23:15
    Je viens juste de finir de regarder Jack Bauer pour replonger dans des interrogatoires et des combats (c'est pas les mêmes methodes certes lol).
    En lisant j'imaginais le templier comme l'Umbre de l'assassin royal^^. J'aime ce coté plein de science distillée aàpetite dose, juste ce qu'il faut pour appuyer sa superiorité mais pas trop pour laisser une marge à Sakutei.
    J'avoue que là je suis un peu perdue à savoir qui sont ceux qui les attaquent à la fin (les renégats) mais je vais relire, je suis allée peut etre un peu vite. Le personnage de Trempe est discret mais celui de l'Artincheur est vraiment intriguant. Ah décidement ce Sakutei me plait beaucoup et il est plein de surprise, j'aime bien ce coté tête brulée et son humour lol.

    Chaque chapitre nous montre des personnages differents mais tous s'intègrent tellement bien que finalement on est pas perdu mais je me languis de voir les entrecroisements dont tu parles, parce que finalement on s'attache a tous mine de rien^^
    Est ce qu'on va revoir Javel? (je l'aime bien lui) mais bon c'est Thrace qui me manque ^^, et Melanargie aussi mais elle je suppose que quand il l'a retrouvera on aura plein d'explications a tout ce mystère. Puis c'est bien aussi de découvrir au fil des pages les l'étendu des pouvoir des nécromanciens, si en plus ils sont nombreux..

    Aaaaah Sak encore et encore des questions dans ma tête mais toujours autant accrochée (remarque tu fais tout pour qu'on le soit en nous donnant gentiment une réponse mais qui attire une autre question à chaque fois loool. Sadique! Mais génial^^
    3
    Sakutei Profil de Sakutei
    Dimanche 18 Octobre 2009 à 09:10
    Jack ! Jack ! Save the president ! :D

    Ah bah tu vois, ça fait quelques chapitres que j'essaie d'écrire de manière à ce qu'on puisse dénicher de nouvelles information lors d'une deuxième lecture. J'essaie de rendre les choses un peu plus touffues mais pas au point d'être impénétrables, tout en laissant des indices par ci par là (rien que ça xD) :P

    Là pour le coup, l'affrontement entre les soldats et les rénégats relève des évènements secondaires...mais avec peut-être une influence sur la suite. Mais chut c'est pour après ^^.

    L'après c'est pour demain o/
    Et pour les personnages sur le retour, je te laisse le plaisir de découvrir par toi même ^^
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