Dix-septième Fragment :
Une pointe lui frôla le front, dessinant une petite rigole rougeâtre. Et aller, encore une estafilade pour arranger son potentiel séduction. Sans perdre de temps Quintus rua dans les branchages, coupant directement à travers la forêt pour s'éloigner des tireurs embusqués.
Les arbres défilaient, réservant un petit lot de surprises à chaque détour. La plupart du temps, un bon vieux buisson épineux quand ce n'était pas un bête trou ou une racine spécialisée dans la trébuche de fuyards.
Quelques enjambées hâtives derrière, Xylarm s'efforçait de suivre le rythme tout en comprimant sa plaie d'une main. Le cuir naturel de Quintus était plus coriace que la fine peau de la démone. En fait, même si les dards n'étaient pas particulièrement voraces, s'en prendre un en pleine poitrine avait de quoi faire réfléchir. Le coureur des bois improvisé ne tenait pas à en faire l'expérience. Mais il n'était pas non plus insensible au point de laisser sa compagne blessée à la traîne.
D'un geste rageur, il pourfendit une jeune pousse avant de faire volte face. Les appuis fermement calés dans la boue et les aiguilles de pin, il se prépara mentalement à se transformer en pelote d'épingle. Xylarm le rejoignit en même temps qu'une volée de barbillons dont la plupart alla se ficher dans l'écorce rugueuse des pins. Impossible de distinguer leurs poursuivants dans la forêt.
- Qu'est ce que tu fous ?!, un filet de sang jaillit en même temps que la question.
La tueuse avait l'air plus atteinte qu'elle n'y paraissait. Quintus fit rebondir le plat de la lame dans sa paume calleuse.
- Aller, c'est ici qu'on se sépare et tout le toutim. Prends vite le large pendant que je fais jaillir un peu de tripaille.
L'avantage d'être entre démons, c'est qu'il n'y avait pas de bouffée de solidarité. Donc pas de discussion inutile sur la philosophie du combattant qui reste en arrière mais que personne ne veut laisser tomber. Bref, sans gaspiller son souffle déjà malmené, Xylarm se détourna sans mot dire et reprit sa course. Pour cette fois, ce n'est pas l'agilité qui allait prévaloir, mais la résistance.
Un dard se ficha dans l'épaule contractée du gaillard, il grimaça en l'arrachant. Quintus plissa les yeux pour tenter de distinguer quelque chose. Les petits bruits habituels de la forêt brillaient par leur absence. Et pourtant, aucun son, aucun craquement perceptible. Fallait-il que leurs poursuivants soient agiles à ce point ?
L'homme en blouse se plaqua contre un tronc. En bordure de son champ de vision, il capta vaguement une forme mouvante qui se déplaçait en hauteur. Un autre projectile manqua de lui emporter un oeil. Foutrenoir ! L'homme recula d'un bond et alla s'accroupir derrière un tronc pourri. Les fléchettes continuaient de siffler autour de lui à un rythme discontinu. Heureusement, les monte-en-l'air avaient à peu près autant de précision qu'un taureau en rut embourbé dans un marécage.
Bordel ! Mais qu'est ce que c'est ? Il faut que j'arrive à les attirer en terrain nu.
Plus facile à penser qu'à faire quand on maraude dans une forêt trop touffue pour être honnête. Tout à fait le genre de massif inextricable qui se proposait d'égarer ses hôtes un peu plus à chaque pas. La tête rentrée dans les épaules, l'homme aux yeux gris tenta un nouveau panorama de la situation. Un tir mal ajusté fit jaillir un éclat d'écorce qui claqua contre sa pommette.
La moutarde commençait à faire son petit bonhomme de chemin. Quintus se mit à grogner. Ah ! S'il était en pleine possession de ses moyens, un petit coup de Génif sans se frotter le menton pendant trois heures et on en parlait plus ! Saloperies. Il ne comprenait pas vraiment le but de la manoeuvre. Les tireurs ne cherchaient pas à le repousser hors d'un vague territoire...c'était autre chose. Mais quoi ?
Au moment où il se formulait cette pensée, le mot gibier s'invita à la réflexion. Quintus eut juste le temps de noter l'idée lorsqu'un nouvel impact lui remonta brutalement le long de l'échine. La piqûre était rude...et basse...trop basse. Oh non pas là ! Les yeux brouillés de larmes, il se mordit les lèvres jusqu'au sang pour ne pas hurler. Ses phalanges blanchirent sur la poignée de son glaive tandis qu'il extirpait la pointe mal venue de son postérieur...avec milles précautions ! Se roulant en boule, il se replia un peu plus loin entre deux troncs noueux, le fondement tout endolori.
Dans sa tête, la voix douce de Xylarm tentait de contenir la tourmente. Ne cède pas à la colère...ne donne pas plus d'emprise à l'Essence. Raaah. Jouer les maîtres du contrôle de soit, ce n'était pas son style ça ! Et pourtant le doute commençait à fendiller ses certitudes. Quintus avisa un buisson assez dense pour constituer un point de défense convenable contre ses assaillants invisibles. Il s'y logea plus ou moins confortablement en sautant dedans à la va-vite.
Tapis au milieu des branchettes, il prit une profonde inspiration pour réfréner son ardeur. Fantassin à épée contre voltigeurs à tactiques balistiques...la partie n'était pas gagnée. Pour s'en tirer sans recourir à sa métamorphose, il allait lui falloir une aide. Une seule chose à faire, foutre le camp dans une autre direction pour trouver la solution.
Au moment où il arrivait à cette conclusion logique, il constata non sans surprise que les tirs avaient totalement cessés. Uh ? Les merdaillons étaient-ils partis à la poursuite de la démone bleue ? Ou y avait-il autre chose ? Quintus ne bougea pas d'un muscle pendant que ses neurones rarement autant sollicités battaient la cadence dans son crâne.
Ce fut avec un visage plissé sous la concentration qu'il accueilli son premier adversaire. Sous le coup, il faillit éclater de rire. Ridicule, fut sans doute le premier mot à s'imposer à son esprit. Répugnant, lui succéda avec une honorable deuxième place. Devant lui, une ... non plutôt un...enfin...un truc visqueux et mal fichu venait de se laisser tomber des frondaisons.
Tags : quintus, sans, temps, homme, autre
Lundi 11 Mai 2009 à 21:14Merciiiii :D.
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Je viens de m'enfiler les 17 fragments de l'Hiver de l'Homme, et je suis dégoûtée qu'il n'y en ait pas 17 supplémentaires...
Tu écris très bien, ça c'est clair ! C'est fluide, léger, très drôle... bref, c'est très rafraîchissant !
Sois certain que je viendrai souvent faire un tour par ici !
Bon courage pour le reste ! Tu peux être fier de toi !