• l'Hiver de l'Homme : Sale Rencontre

    Onzième Fragment :

    La nuit se retirait lentement mais on pouvait encore contempler la mosaïque étoilée du ciel. Quintus ne s'en priva pas. Allongé à même le sol, il humait les saveurs de la nature avec délectation. Autour de lui, la vie s'affairait, trépidante et agile.

    Enfin libre !

    Mais libre de quoi ? Ce qu'il y avait devant lui était inconnu et ce qui venait dans son dos était d'une certitude mortelle. Quintus était un homme condamné à fuir jusqu'à ce que la mort le surprenne dans un moment d'inattention. Il soupira et apprécia le simple fait de pouvoir le faire.

    Du bout des doigts, il caressait les brins d'herbe qui venaient lui chatouiller la nuque. La rosée se déposait avec une tendresse toute maternelle. Quintus frissonnait de plus en plus. Il ne faisait décidément pas chaud. L'homme se rassit et jeta un œil à Xylarm qui se reposait à ses cotés. Ses yeux énigmatiques se perdaient eux aussi dans cet océan scintillant.

    - Tu sais on ne va pas pouvoir rester ici trop longtemps.
    - Je sais. Laisse moi encore un peu de temps. Le contact de toute cette ferveur m'a laissé complètement vidée.
    - Hmm
    - Bien joué au fait.
    - De quoi ?
    Xylarm se redressa sur un coude et lui fit un demi-sourire.
    - Le coup de faire semblant de te métamorphoser pour troubler les moines. Sans ça, je crois qu'on ne s'en serait pas tiré. Sans cette confusion, le vieux m'aurait immédiatement neutralisée avec son pouvoir de l'Œil…le Diep' Nea comme ils disent.

    Quintus se rembrunit. Passant les bras autour de ses épaules pour tenter de se réchauffer, il marmonna d'un ton lugubre.
    - Je n'ai pas fait semblant Xylarm. Je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas pu passer dans le Génif.
    La tueuse glacée parut interloquée
    - Mais…
    - Je ne sais pas, je ne sais pas. Déjà plus tôt, Quintorm était pathétique. Autant d'énergie qu'un macaron cuit. Je n'arrive plus à appeler la Fureur et la Fièvre. J'ai peur qu'elles ne soient inaccessibles.
    Xylarm s'amusa à pétrifier un brin d'herbe et se perdit dans ses pensées quelques battements de cœur.
    - Alors c'est comme ça…je suis bloquée dans le Génif…et toi dans le Nomif. Tu vois Quintus, je pense que tout ça est lié à la mort de Zalnash. Nous sommes fixés sous la forme que nous avions au moment où il s'est fait embrocher.
    - Ca…c'est probable. Mais d'aussi loin que l'homme puisse s'en souvenir, ce vieux bâtard a toujours été là. Alors difficile de savoir ce que sa mort va changer.
    - Oui évidemment, ça ne va pas simplifier les choses, acheva t-elle avec un sourire.

    Quintus se releva et fit quelques étirements. Sa hanche le faisait grimacer quand il forçait trop dessus. A part ça, la somme rondelette d'hématomes qu'il emportait en souvenir du monarquement restait supportable.

    - Bon, bougeons avant de bourgeonner
    - Vers où ?
    - L'important c'est : loin du Chien.
    - Les terres du sud ? Le peuple des Hartuks pourrait nous protéger.
    - Au mieux ils le ralentiront…mais c'est toujours ça. Va pour le sud.

    L'homme et la démone se mirent en route, laissant derrière eux une citadelle remplie de gémissements et de râles sourds. Une prudence bien compréhensible leur faisait éviter les voies royales. Aux belles routes pavées, ils préféraient les sentiers tortueux qui serpentaient entre les collines.
    Pour ce qu'ils en savaient, le Chien était sur leurs talons, mais ses compagnons pouvaient être n'importe où. Et si aucun n'arrivait à la cheville du Héros, tous étaient à craindre. Il faudrait d'ailleurs que je fasse le point avec Xylarm pour savoir qui est encore vivant dans cette joyeuse compagnie. L'un comme l'autre avaient beaucoup à se dire, mais pour le moment, ils cheminaient silencieusement. Chacun renfrogné dans ses inquiétudes, ses incompréhensions et ses hypothèses.

    Le soleil matinal réchauffait timidement l'atmosphère, ramenant un peu de vie dans les membres gourds des voyageurs. Encore que la pétrifiante démone n'avait pas de raison particulière d'être gênée par le froid. Il y avait quelque chose de dérangeant dans la contemplation de cette nature paisible qui se préparait à s'assoupir pour l'hiver. Ca ne sonnait pas très harmonieux dans le contexte d'une poursuite effrénée.

    Après plusieurs heures de marche résolue, ils décidèrent qu'ils ne traverseraient pas la moitié de la contrée en une matinée. Ils s'arrêtèrent près d'un ruisseau. L'estomac de Quintus protestait violement contre cet exercice inhabituel.

    - Ah je crois que je me suis rouillé à décanter dans cette cellule pendant des mois.

    De son coté, Xylarm avait l'air fraîche comme une rose…mais comment aurait-il pu en être autrement ? Ses lèvres bleutées s'ouvrirent sur un sourire railleur. Son index vint piquer les côtes de son compagnon.

    - Tu t'empâtes mon gros. Encore quelques mois et tu n'aurais eut plus qu'à préparer une sauce pour t'accommoder à la convenance du Chien.
    - Qu'il essaie donc de me croquer un bout de fesse celui-là ! Je lui ferai bouffer son épée avec une sauce à base de coups de pompe dans le train.

    La démone se laissa aller à un rire cristallin en imaginant la scène. La distance avec leur dernière escarmouche commençait à leur conférer une sensation de sécurité. Perdus en pleine nature, qui pourrait les trouver ?
    Quintus s'adossa à un rocher et ferma les yeux un quart de seconde. Ce fut en fait le temps qu'il lui fallut pour les rouvrir précipitamment. Bordel ! Il se leva d'un bond. En face d'eux, légèrement en hauteur, un visage émacié les observait à travers le feuillage d'un hêtre. Sous la face osseuse, une robe noire. Et dans la robe noire un petit homme. Ce dernier était tranquillement juché à califourchon sur une branche. Assez incongru en fait si l'on considère que sa tenue n'était pas particulièrement appropriée pour ce genre d'escalade. Le bas de sa robe était d'ailleurs remonté jusqu'en haut de ses cuisses, révélant des membres malingres et palots. Eux non plus ne semblaient pas adaptés. Et pourtant il était là, comme s'il les attendait, l'air tout content de lui.

    - Xyl' !

    La jeune tueuse était immobile, tendue comme une corde d'arbalète.
    - Je le vois. Ne bouge pas Quintus…c'est…c'est le Meneur de Crânes.

    – Gong – Le nom résonna dans l'air glacial avec une promesse lugubre au bout des lèvres. Quintus sentit une boule se former dans son estomac. Ils avaient déjà été rattrapés par l'un des compagnons du Chien ! Navrant. Dépité, l'homme se contenta d'une petite remarque d'une voix morose :

    - Il a changé. Je me rappelais d'un gros bonhomme joufflu

    L'inconnu gratifia les deux fuyards d'un sourire éclatant.
    - Rien de tel qu'une cure de raisin pour maigrir !

    Et comme pour illustrer sa remarque, il porta à ses lèvres une grappe sombre extirpée péniblement des profondeurs de son vêtement.

    - Q…
    - Je suis un sorcier tout de même, coupa t-il pour anticiper les inévitables questions quant à sa présence ici.
    - N…
    - Non je suis seul. Le Chien n'est pas encore en vue des terres d'Haral
    - Y…
    - Je suis ici pour une autre raison.
    - Mais t'as pas bientôt finit de répondre avant qu'on ne puisse parler ! aboya Quintus exaspéré par le ton moqueur du petit frimeur.
    - Ah ça je n'avais pas anticipé. Ah ah ! vous les démons être toujours si imprévisibles !
    - Je ne suis pas un démon, se renfrogna l'homme.
    - Hu hu…peu importe en fait. L'important est que vous ayez reçu mes messages à temps.

    Quintus et Xylarm s'entre-regardèrent avec ahurissement

    - Comment ? ce n'est pas toi qui … commencèrent-ils en même temps.

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