• l'Hiver de l'Homme : Us traversé par i

    Quatorzième Fragment :

    La tourmente mugissait, emportant avec elle les plus fiables certitudes. Où était le sol ? Y en avait-il jamais eu un ? Comment cela faisait de ne plus sentir la douleur ? Autant de questions insolubles qui traversaient l'esprit déchiré de Quintus. Ses bras écartelés tentaient vainement d'agripper un point d'amarrage. Ballotté comme un fétu de paille, il dérivait dans un espace sans consistance. Malgré le vent, il captait le sifflement suraigu de la lame qu'il tenait fermement dans sa main droite. Le glaive tranchait. Il faisait ce pourquoi il avait été conçu. Evidement, couper du vent ne va pas changer grand chose pour le moment.
    Quintus fronça les sourcils pour tenter de se rappeler la succession des évènements. Il se souvenait vaguement la poussée d'adrénaline qui précédait l'attaque...puis la riposte, fulgurante et inattendue qui l'avait projeté dans ce petit bout de chaos pur. Ce fumier de crâneur à la peau sèche, il ne perd rien pour attendre... L'homme aux yeux gris se ramassa sur lui même pour essayer de trouver un sens et donc une sortie à tout ça. Il semblait tomber ... mais n'en était même pas certain.

    Ce vent n'était pas naturel. Brillante déduction ! Il était chargé d'une énergie noire. Les bourrasques lui cisaillaient les nerfs, diffusant une douleur sourde et irrépressible. Il doit pourtant y avoir un moyen de se tirer de là ! Alors qu'il se faisait cette réflexion, il lui sembla entendre un son plus harmonieux que les autres. Quelque chose de clair et ondulant. Une voix. Elle l'appelait...oui c'était bien son nom qu'il percevait haché à travers les rafales mortelles.

    Le naufragé des vents pivota pour faire face à ce qu'il estimait être la source du son. Xylarm ? C'est toi ? Sa bouche s'ouvrit mais avala plus d'air qu'elle n'en émit. Impossible de parler. Son esprit marqué par l'essence démoniaque commençait à perdre patience. La tourmente, le chaos et la douleur sont des compagnes familières aux servants de Zalnash. Il n'était pas tolérable de se laisser malmener comme ça ! Les yeux gris de Quintus se mirent à briller d'un éclat rageur. Petit à petit, des filets de sang s'infiltraient, lui conférant ce regard inhumain qu'il arborait avant de se métamorphoser. Le coeur s'emballa, propulsant une nouvelle ardeur au goût de métal.

    Quintus saisit son arme à deux mains, la leva au dessus de sa tête et poussa un long cri. Du moins il essaya mais se borna à ouvrir sa grande gueule au vent jusqu'à ce que ses poumons menacent d'éclater. D'un geste rageur, il fendit l'air devant lui. L'onde de choc fut impressionnante. L'homme se sentit traversé par une décharge d'énergie brûlante qui enflamma son coeur et son esprit. Il voulait tuer ! Il FALLAIT TUER !
    Son ennemi du moment, le vent, se contenta de se reformer autour de lui, plus mordant et plus agressif qu'avant, comme s'il avait absorbé et retourné l'énergie de l'attaque. Il fallait vraiment être stupide pour s'imaginer pourfendant le vent avec un simple bout de métal.
    Quinti se moquait éperdument de ce que pouvait être la raison. Il frappait sans relâche. Des deux, il serait le plus tenace. Son bras se relevait encore, ignorant les élancements de douleurs qui lui consumaient la chair. Son souffle saccadé répondait aux brusques à-coups de la tourmente.

    Ce combat inutile aurait pu durer encore longtemps, le démon luttant contre l'élément jusqu'à s'épuiser totalement. Il fut néanmoins interrompu dans son bûcheronnage lorsqu'un petit picotement froid lui chatouilla la nuque. Soudainement, le blizzard prit une autre consistance, plus glaciale et plus tranchante. Les gestes de Quintus s'engourdissaient, retrouvant un état proche de l'apathie. Un bruit de verre brisé retentit un instant dans l'espace et se fut comme si une fissure venait de s'ouvrir dans un bocal. Le chaos se fit aspirer, perdant sa concentration et sa force. Autour de l'homme, les forces s'effilochaient, les liens se dénouaient.

    Quintus tomba dans l'herbe givrée en toussant abondamment. Ses yeux s'ouvrirent sur une élégante paire de bottes lacées aux mollets. Une foule de questions se pressait dans son esprit ravagé. Se raclant la gorge, il résuma :

    - C'était quoi ce merdier ?
    - Un Nécréolien.

    La voix de Xylarm avait l'air marquée par une fatigue intense. Quintus ignora ce point pour le moment, occupé qu'il était à remettre ses nerfs dans le bon sens.
    - Un quoi ?
    - Un Vent de Mort si tu préfères. Qu'est ce qui t'as pris d'attaquer le Meneur de Crâne d'un coup ? Il t'avait pourtant prévenu.

    Quintus se rappela alors plus nettement l'ouverture qu'il avait cru pouvoir saisir dans la défense de leur étrange visiteur.
    - Sur le moment ça m'apparaissait comme une bonne idée. Ses explications ne m'ont pas vraiment convaincu et j'aurais nettement préféré lui ouvrir le crâne pour vérifier tout ça. Et puis...un bon sorcier est un sorcier mort.
    - Résultat, un Vent de Mort... N'empêche quelle idée ? Il s'imaginait pouvoir me vaincre avec ça ?! Pouah quel idiot !
     
    Quintus se redressa sur un coude et leva les yeux. Les cornes qui saillaient sous la mâchoire de Xylarm étaient hérissées de stalactites. Elle avait quand même pas mal galéré apparemment...
     
    - Ah ah...peut-être qu'il voulait juste nous ralentir le temps de se carapater.
    - Ca serait bien dans ses manières, admit la jeune démone. Mais je ne comprends pas pourquoi il tient à nous laisser en vie.
    - Je ne sais pas...je n'ai pas compris ce qu'il entendait par "préserver l'équilibre"
    - Si tu ne l'avais pas chargé à ce moment là on en saurait peut-être plus gros malin !
    - Ho ça va hein ! Ne me dis pas que tu serais prête à croire tout ce que raconte un type en robe noire.

    Quintus se rallongea sur le dos et contempla le ciel bleu. Depuis le début de son périple, il
    n'avait cessé de se prendre des mandales. Il commençait à accuser le coup. Pourtant, quelque chose l'intriguait.
     
    - Il s'est passé quelque chose d'étrange tout à l'heure.
    - Tu veux dire en plus de voir un crétin charger un sorcier qui a fait jaillir des bourrasques de nulle part ?
    - Ah ah, je suis plié de rire, bon tu m'écoutes ?
    - Si ça peut te soulager.
    - Dans la tourmente, j'ai eu l'impression de retrouver une partie de mon pouvoir mais... Quintus s'interrompit comme s'il cherchait les mots appropriés
    - Mais ?
    - C'était différent...je n'ai pas eu les mêmes sensations que d'habitude. Quintorm ne réagissait pas aussi violement avant. En fait, je n'ai pas eu l'impression de passer dans le Génif. C'était autre chose.
    - Autre chose...
    Les deux compagnons se perdirent dans leurs pensées. Le visage de Quintus ne reflétait que de la perplexité mais les traits de la tueuse étaient marqués par une émotion plus profonde.
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